Qu’est-ce que la peur de manquer, nommée aussi la « FOMO » ?
Le 28 novembre, les plateformes les plus fréquentées du monde, Facebook et Instagram « crashent » pendant plusieurs heures, laissant plus de trois milliards d’utilisateurs dans le néant… La peur de manquer une information importante ou un message s’empare alors de plusieurs usagers des médias sociaux. Vague de FOMO, «Fear of Missing Out», sur le web. Le concept de la FOMO apparu dans le langage des millénariaux est devenu tellement répandu qu’il a été ajouté à l’édition 2013 du dictionnaire d’Oxford. Le sentiment de manquer quelque chose s’exprime davantage depuis l’arrivée des nouvelles technologies de l’information. D’après le site Science Éducation, Molière abordait déjà la peur de manquer de nouvelles dans sa pièce Les Précieuses ridicules. Il mentionne que pour bien paraître, il faut être à l’affût de toutes informations. « La peur de rater quelque chose relève plutôt d’une anxiété que d’une addiction. La cyberdépendance se manifeste beaucoup par peur de rater quelque chose. Cette peur peut être assimilée à un manque fort, comme être en manque de drogue », mentionne Louise Nadeau, professeure-chercheuse en psychologie (Entrevue téléphonique, le samedi 30 novembre).
Marie-Provence St-Yves
Les réseaux sociaux sont-ils des stressants ?
Les réseaux sociaux peuvent être un agent stressant si la vie de l’individu tourne autour de son téléphone et des réseaux sociaux. Selon Louise Nadeau, les gens n’arrivent pas à distinguer les informations importantes qui ont un véritable impact sur notre vie aux informations futiles. Ce qui est stressant est lorsqu’on base notre vie sur les réseaux sociaux, qui est simplement un miroir de notre vie et non pas la vraie vie. Bien qu’Internet a considérablement amélioré notre vie, beaucoup de gens qui ont entre 15 et 30 ans se construisent grâce aux réseaux sociaux, ce qui est inquiétant, selon Louise Nadeau. Aujourd’hui, les gens prêtent trop d’attention à ce que les autres pensent d’eux-mêmes. Ils veulent être bien vus. Cela se traduit par le fait que les jeunes se cherchent, explique Louise Nadeau. Pour elle, quelqu’un qui a constamment peur de rater quelque chose manque de confiance, se cherche beaucoup et a besoin d’être validé par les autres. En général, le public cible ce sont les jeunes. Ce phénomène tend à disparaître en moyenne après l’âge de 30 ans puisqu’on se connaît davantage.
Marie-Provence St-Yves
Qui est principalement touché par l’anxiété sociale ?
« Les jeunes sont inondés par des informations inutiles. Il y a beaucoup d’étudiants qui n’ont plus de système immunitaire psychologique. On les a empêchés de tomber et sans jamais leur apprendre à se relever. Ils sont surprotégés », explique Serge Larivée, professeur titulaire et directeur de la revue Psychoéducation (entrevue téléphonique, le 3 décembre 2019). L’anxiété sociale est directement liée à l’utilisation des réseaux sociaux donc les jeunes sont davantage touchés. Le quotient intellectuel en Occident a baissé et les exigences scolaires sont réduites pour permettre un plus haut taux de réussite chez les jeunes. D’après une étude australienne, un adolescent sur deux en Australie, avait l’impression de passer « à côté » de la vie parfaite que ses amis semblent avoir via les réseaux sociaux. Des problèmes comme la dépression peuvent être engendrés par cette comparaison constante avec la vie des gens qui nous entourent. Les adultes ne sont pas non plus immunisés. Ceux ressentant de la FOMO se sentent moins compétents que les autres. Selon plusieurs enquêtes depuis 2014 réalisées par la firme canadienne Eventbrite, tout le monde peut réellement être touché par la FOMO lorsqu’il ne peut assister à quelque chose qu’amis ou familles vont expérimenter.
Marie-Provence St-Yves
La FOMO est-elle un phénomène générationnel ?
Louise Nadeau met en garde qu’il faut savoir distinguer les informations importantes qui ont un impact sur notre vie de celles qui sont futiles. Il y a une pression sociale aussi de se conformer pour se faire accepter des autres. Les réseaux sociaux aident grandement à montrer le meilleur de nous-mêmes. Serge Larivée ajoute que les humains ne trouvaient généralement pas agréable d’être seuls même avant l’arrivée des réseaux sociaux. Ceux-ci favorisent grandement par contre l’absence de solitude et le contact constant avec des gens virtuellement. « Avec un téléphone cellulaire et les réseaux sociaux, nous ne sommes techniquement jamais seuls », renchérit Larivée. Il raconte voir des couples face à face au restaurant chacun sur leurs téléphones. Selon Statistique Canada, plus de trois Canadiens sur quatre possédaient un téléphone intelligent en 2017. Le moment présent n’a plus d’importance, on veut constamment voir ce que l’on manque. Il faut accepter le fait que l’on ne peut être à plusieurs endroits à la fois. Le fait d’avoir des images constamment à l’appui qui montrent ce que les autres réalisent et font de leur temps est plus difficile à gérer. La dépendance aux médias sociaux rend souvent les gens plus anxieux socialement à ressentir la FOMO.
Marie-Provence St-Yves
Quelles sont les conséquences du sentiment de FOMO ?
Une étude en 2018 publiée dans la revue Motivation et Émotion souligne que parmi les effets néfastes de la FOMO on observe une croissance de fatigue, de stress, des symptômes physiques et une diminution de sommeil. L’anxiété créée par la FOMO nous empêche de profiter du présent. Les gens ont tendance à penser davantage à ce qu’ils manquent au lieu de vivre le moment présent. Il devient impossible de décrocher une heure complète de son téléphone sans craindre de passer à côté d’un message ou d’une nouvelle importante. Dès la perte du contact numérique, le sentiment de FOMO fait effet.
DailyFX
Comment contrôler la peur de manquer quelque chose ?
La meilleure solution serait de choisir la JOMO, soit l’effet contraire. Signifiant « Joy Of Missing Out», soit « Joie de manquer», la JOMO incite les gens à ne pas se soucier de la vie des autres et d’être heureux de ne rien faire. La peur de manquer quelque chose s’estompe, et les gens apprécient le temps seul et sans contact numérique. Le site de santé générale Jaibobola conseille à ceux qui veulent se libérer du sentiment de FOMO de commencer par accepter leur statut. Il faut ensuite réaliser que l’on ne s’attarde que sur le positif de la vie des gens. Personne ne va étaler ses problèmes familiaux sur les réseaux sociaux, on ne se montre que sous notre meilleur jour. Il est extrêmement facile de manipuler la réalité. Ensuite, il faut se déconnecter, désactiver les notifications. La quatrième et dernière étape n’est rien de plus que de vivre dans le présent et de trouver des occupations qui nous passionnent.
Sources
Journal du Net
Statistique Canada
https://www.neonmag.fr/le-syndrome-fomo-c-est-quoi-348114.html
https://science.tbs-education.fr/2018/03/11/quest-ce-que-la-fomo/
Entrevue téléphonique avec Louise Nadeau, samedi le 30 novembre 2019
Entrevue téléphonique avec Serge Larivée, mardi le 3 décembre 2019