Comment les microbrasseries gèrent les pertes liées aux bières en fût avec la deuxième vague?
À la fin du mois de septembre, les restaurants et les bars, en zone rouge, ont dû fermer. La question de l’alcool s’est posée à savoir si elle était incluse dans les services essentiels à desservir durant la première vague de la COVID-19. Pour les propriétaires de microbrasserie, la réponse est unanime: oui. La vraie question relève de comment continuer d’offrir un produit à une clientèle consommatrice qui n’a plus accès à ses succursales. Dans un monde idéal, la majorité des microbrasseries s’assurent d’offrir leur produit en canettes ou en bouteilles. Ces microbrasseries peuvent continuer de servir dans leur bâtisse ou en format de partenariat avec des dépanneurs ou des brasseries plus grandes. Les malchanceux qui n’ont pas cette alternative vont probablement perdre beaucoup puisqu’ils se fient uniquement sur les revenus de l’emplacement.
«Dans la dernière semaine, on écoulait tous nos barils, puis on les a renvoyés à la maison-mère pour éviter de perdre les grandes quantités de bière qui nous restaient», explique Justin Ouellet, serveur formé en microbrasserie à la succursale du Siboire sur Saint-Laurent, à Montréal. (Entrevue téléphonique, mardi le 6 octobre 2020). Cette technique est utilisée et imitée pour limiter grandement les pertes durant la fermeture des restaurants partout au Québec.
Le Siboire, une microbrasserie connue depuis 2007 au Québec, s’est lancée un défi pour diminuer ses pertes. Elle s’est créé un site en ligne pour permettre à ses clients de commander ses bières. Ensuite, ceux-ci se rendent à l’Usine Siboire, à Sherbrooke, pour récupérer leur commande. «On fait des canettes. On distribue aussi à des dépanneurs spécialisés. C’est un peu moins pire parce qu’à Sherbrooke, à l’usine, on offre un service l’option pour emporter», poursuit Ouellet.
Quelle est l’importance des microbrasseries dans l’économie locale?
Depuis 2016, le Québec compte plus de 150 microbrasseries, bistrot-brasseries ou brasseries artisanales produisant plus de 3300 bières. La part des ventes des microbrasseries aux bars, bistrot-brasseries et restaurants est passée de 8,7 % à 17,3 % en moins de 10 ans. ( Référence au mémoire de Mémoire de Simon Rioux, La bière, entre terroir et savoir-faire local, Université de Laval – consulté le 5 octobre 2020). Les microbrasseries sont un réel berceau d’engagement avec la communauté. Les microbrasseries implantées en région peuvent devenir de lieux phares pour la revitalisation et la redynamisation autant au niveau social qu’économique, de ces régions éloignées des grands centres. «Ce qui est intéressant avec les bières de microbrasserie, c’est qu’elles sont un produit 100% local», s’enthousiasme Ouellet. Il dit aussi qu’avec la provenance des produits locaux, les pertes monétaires et physiques sont moindres. Au Québec et en Amérique du Nord, le houblon est présent en plusieurs sortes. Il existe en raison des différents climats, une grande variété de houblon qui permet une polyvalence et une flexibilité enviable de cette richesse au Québec.
Combien un keg de bière représente en perte monétairement ?
Il est facile de faire une moyenne malgré une offre très diversifiée dans les bières. Dans un keg de 50 litres, on peut y faire couler 80 pintes. Chaque pinte coûte environ 8$, alors, si une brasserie perd un keg de bière, il perd 640$ en moyenne. Ce coût fait abstraction des coûts de production et des revenus connexes à l’achat d’une bière, la nourriture par exemple. «Dans une salle ouverte à pleine capacité, pour chaque pinte, un profit de 10 à 15 sous pour chaque dollar vendu revient au propriétaire habituellement », note Séguin. Il soulève aussi que c’est pas les mêmes montants pour les ventes de canettes, les revenus sont nettement supérieurs puisqu’il y a moins de choses à payer. «Oui financièrement, c’est plate. Le crédit du restaurant en prend un grand coup. Il y a moins de revenus. Le restaurant existe pour l’expérience client et faire connaître le produit.»
À quoi ressemblent les pertes en microbrasserie normalement?
La bière est un liquide capricieux. D’après Ouellet, une chose qui arrive rarement est la perte d’une bière en raison de sa date de péremption. Les microbrasseries commandent les quantités de bière requises pour la semaine. Mais, avec la pandémie, il n’y a pas de distribution stable et donc, pas de livraison stable. «Dans un quotidien normal, environ 20% de chaque keg est perdue. Le staff est entraîné à faire attention. Les systèmes technologiques s’auto-gèrent, mais ils demandent énormément d’investissement et d’attention », soulève le serveur. Pour la pandémie, les microbrasseries ont dû débloquer tous leurs kegs. Ils devaient nettoyer les lignes pour essayer d’éviter le plus possible les levures actives. La présence de ces levures pourrait avoir un grand impact au retour de la pandémie si elles se retrouvent dans les circuits de bières. «Dès qu’il y a un arrêt de production, tu vides tout sinon, ça continue de moisir et ça continue de créer des sucres. Ça devient ingérable et les pertes seront immenses »,renchérit Ouellet.
Est-ce que chaque bière a ses propres techniques d’entretien et sa propre technologie?
«Évidemment !» s’exclame le serveur du Siboire. Il faut savoir qu’il y a plusieurs familles de bière. Par exemple, il y a les Ale et les Lager. Chaque bière possède ses propres techniques, ses propres températures et ingrédients. Les Ale sont très rapides à produire, on peut y mettre des fruits. Le roulement est rapide, ce sont des grandes productions rapides qui ne prennent pas les cuves trop longtemps. Les Lager nécessitent plus de temps de fermentation. La levure ne réagit pas de la même façon et elles ne développent pas ses sucres aussi rapidement. «Ce qui est dangereux avec les bières de type Lager est que tu peux manquer une batch de 800 litres et ne pas le savoir avant trois mois», affirme Ouellet. Une autre microbrasserie à Montréal est la Microbrasserie 4 Origines. Elle brasse sur place et distribue ses marchandises dans ses succursales près de Saint-Henri. «Une fois, on a dû jeter l’entièreté d’une production en raison d’un mauvais réglage dans la machine de brassage de la moût. C’était des centaines de dollars parties en fumée», note Marc-André Séguin, serveur aux 4 Origines. La machine à brassage de la moût est l’étape la plus importante du processus.
Pourquoi les canettes se gardent plus longtemps et évitent le gaspillage?
Avec les craintes de la fermeture imminente des bars, le Siboire, sur Saint-Laurent, a su obtenir le droit de distribuer de l’alcool à l’achat de nourriture. «Définitivement, une réussite qui a changé le cours des choses pour nous », confie Justin Ouellet. Celui-ci explique que les canettes se gardent mieux en raison de l’absence de lumière. Les agents vivants sont ralentis au maximum. «La Guinness, cette bière européenne, peut rester quatre mois sur la tablette du dépanneur sans que son goût soit influencé », dit le serveur. Les microbrasserie sont plus profitables avec le coût de production par rapport au revenue de la production et de la vente des canettes. La distribution est plus grande et d’une plus longue avec les canettes. Aussi, un avantage non-négligeable est qu’il n’y a pas d’employés à payer. Il n’y a pas de perte puisque tout est programmé avec des ordinateurs de grande technologie explique l’expert du Siboire. En effet, tout est compté au litre près. L’entreprise dépense moins de sous, mais il n’a pas nécessairement de promesse de fidélisation. « Un point de service est utile, les gens s’attachent à l’endroit et au service», explique Ouellet. Pour avoir le droit de vendre de la bière au Québec, il faut recevoir un permis de distribution de bière du ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MDDELCC). De plus, il faut adhérer à l’Entente portant sur la consignation, la récupération et le recyclage des contenants à remplissage unique de bière. (document – RECYL-QUÉBEC Québec)
Source:
https://ambq.ca/mod/file/ContentDoc/ad61ab143223efbc24c7d2583be69251.pdf