Qu’elle est la situation actuelle des sages-femmes au Québec?
Les sages-femmes sont des professionnelles intégrées au réseau de la santé et des services sociaux et qui sont dirigées par l’Ordre des sages-femmes du Québec. «On a un bac de quatre ans en plus d’une formation sur les urgences obstétricales et en réanimation périnatale, ce qui fait qu’on est capable de gérer tout type d’urgence», explique Maud Sanchez Valero, sage-femme pour la Maison de naissance Jeanne-Mance (Entretien téléphonique, le 20 octobre 2020).
Elles s’occupent de l’accouchement, des soins et des services durant et après la grossesse. «On est une équipe de deux et on suit 80 femmes ensemble dans une année. On les suit du test de grossesse positif, jusqu’à 6 semaines après l’accouchement», précise Sanchez Valero. Elle affirme que si elles sont en équipe de deux, c’est pour se montrer disponible en tout temps: «On est joignable jour et nuit, s’il y a un problème avant ou après l’accouchement, elles savent à qui parler.»
Elles sont d’ailleurs les seules professionnelles à offrir aux patientes le choix du lieu de leur accouchement. «Si tu es suivie par une sage-femme, tu peux décider d’accoucher au domicile, à la maison de naissance ou à l’hôpital», indique-t-elle. Or, dans la majorité des cas, c’est dans les Maisons de naissance que les femmes décident de donner la vie.
De plus, il n’y a que 24 places disponibles chaque année à l’Université du Québec à Trois-Rivières, la seule université qui offre la formation nécessaire pour devenir sage-femme. C’est pour cette raison que le gouvernement doit faire appel à des sages-femmes qui ont suivi leur formation à l’étranger. C’est notamment le cas de Sanchez Valero qui a terminé ses études en France en 2008 et qui a fait une équivalence de diplôme au Québec en 2014. Celle-ci s’inquiète d’ailleurs pour le manque de professionnelles si la demande augmente dans le contexte de pandémie: «Déjà on avait pas les ressources pour répondre à la demande, alors c’est sûr qu’avec la COVID si ça augmente on en aura encore moins. Les sages-femmes qui graduent il y en a pas beaucoup, c’est pour ça qu’ils recrutent à l’étranger.»
Est-ce qu’il y a suffisamment de Maisons de naissance au Québec pour répondre à la demande?
En plus d’être le lieu où les femmes décident d’accoucher, les Maisons de naissance sont les milieux de travail des sages-femmes. C’est ici qu’elles effectuent le suivi de grossesse de leurs patientes tous les mois et qu’elles offrent des services de périnatalité. Chaque Maison de naissance comprend trois à quatre chambres munies d’un lit double et d’un grand bain afin de donner l’opportunité aux femmes d’accoucher dans l’eau si elles le préfèrent. «Les maisons de naissance existent pour qu’elles se sentent chez elles et qu’elles ne se sentent pas dans un lieu hospitalier avec du bruit et des instruments», soulève Maud.
Il existe actuellement 12 Maisons de naissance situées dans différentes régions du Québec, mais malgré la forte demande, certaines régions comme l’Abitibi et Charlevoix ne peuvent être desservies. Or, le gouvernement travaille actuellement sur l’instauration de nouvelles Maisons de naissance afin de combler la demande.
Comment expliquer l’engouement des dernières années pour cette profession?
Les sages-femmes constatent que l’intérêt pour l’accouchement à domicile ou dans une Maison de naissance augmente depuis les dernières années, notamment parce que la profession a été légalisée tardivement, en 1999. Sanchez Valero décrit comment son métier s’est démocratisé avec le temps: «La plupart des gens pensaient encore qu’on étaient des sorcières qui font des incantations dans le bois. Maintenant, ils commencent à savoir que c’est une profession qui est légiférée, qu’on a des compétences médicales et techniques.»
La sage-femme constate aussi qu’il y a une nouvelle curiosité pour le retour à l’accouchement naturel. C’est le cas de Claudia Couture qui a été suivie par des sages-femmes de la Maison de naissance Jeanne-Mance pour la grossesse de son premier enfant: «J’ai très peu côtoyé les hôpitaux et les fois que je l’ai fais, ça toujours été très froid comme approche, très médical et protocolaire. Ils parlent très peu des approches naturelles» (Entretien téléphonique, 21 octobre 2020). C’est dans le calme et à la lumière des chandelles de son appartement du Mile-End que la femme de 36 ans a accouché le 1er octobre dernier: «C’était merveilleux. Je n’aurais pas pu imaginer un scénario plus doux et plus beau.»
Pourquoi certaines femmes tournent le dos aux hôpitaux quand il est question de leur accouchement?
«Tu crées un lien de confiance très fort, alors qu’à l’hôpital tu vois rarement la même personne et le jour de l’accouchement c’est fort probable que ce soit avec quelqu’un que tu ne connais presque pas», soulève Sanchez Valero, Il y a ainsi un lien unique qu’elles développent avec leurs patientes qui n’est pas possible en milieu hospitalier. « À la fin, tu pourrais aller boire un café avec toutes tes clientes parce que tu connais tellement leur vie intime, leur famille, que tu développes des affinités», confie la sage-femme.
Pour Claudia Couture, c’était important de choisir l’environnement qu’elle désirait pour la naissance de son enfant: «Je ne voulais pas accoucher aux néons et me faire dire qu’il faut pousser et aller vite. C’était vraiment pour laisser les choses se produire que j’avais envie d’explorer à la maison.»
Est-ce que toutes les femmes peuvent accoucher dans un lieu non-médicalisé?
Ce ne sont pas toutes les femmes et toutes les situations qui permettent un accouchement à l’extérieur des centres hospitaliers. «On choisi notre population, c’est-à-dire que ce n’est que des femmes en bonne santé. Les risques de complications à l’accouchement sont donc bien plus faibles», explique Sanchez Valero. Sachant qu’aucune femme n’est à l’abri des complications, la sage-femme confirme que les Maisons de naissance sont toujours en contact avec les centres hospitaliers à proximité: «On est capable de juger quand transférer à l’hôpital et on a l’habitude de travailler avec eux. Ça se passe toujours très bien.»
Comment la COVID-19 change la profession de sage-femme?
Masque, visière et blouse se sont ajoutés au quotidien des sages-femmes. Bien que ces équipements servent à assurer la sécurité des professionnelles et des patientes, Maud confie qu’il arrive que le bon fonctionnement des accouchements en soit affecté: «C’est au niveau de la communication que je trouve le plus difficile. Avec la femme, le couple et mes collègues c’est handicapant». Par exemple, quand vient le temps de réanimer un nouveau-né, le masque et la visière nuisent grandement au travail entre deux collègues. «On n’entend pas bien quand on veut un type d’instrument et on perd un peu du temps. C’est déjà arrivé qu’on a eu à laisser tomber les équipements parce qu’on est en situation d’urgence. Si la vie du bébé ou de la maman est en jeu, bien tant pis, la COVID passe après», confie Maud Sanchez Valero.
Toutefois, elle remarque que la COVID-19 apporte davantage d’engouement envers sa profession: «Je pense qu’on va avoir une plus grande demande. Les femmes n’ont plus envie d’aller à l’hôpital, elles étaient très rassurées d’être suivies à la maison de naissance». Ce fut le cas pour Claudia Couture, pour qui, ça faisait tout son sens d’accoucher à la maison: «On est pandémie alors si je ne suis pas en état d’urgence et que je suis capable d’accoucher chez moi je ne vois pas pourquoi j’irais mettre les pieds à l’hôpital.»
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