De quelle manière le réchauffement climatique a affecté les récoltes cet été ?
Personne ne sera surpris d’entendre que la saison estivale de 2018 au Québec en a été une de records en ce qui a trait à la température. Des vagues de chaleur inhabituelles ont été enregistrées partout dans la province, causant des ravages de toute nature sur leurs chemins. Outre les dizaines de morts associées à cette frénésie du mercure, le phénomène a frappé de manière particulièrement violente le milieu de l’agriculture.
Confrontés à une canicule pratiquement permanente au mois de juillet, de nombreux agriculteurs ont essuyé de sévères pertes. La récolte du foin (fourrage), a probablement été la plus affectée par la sécheresse agricole. «Habituellement, lorsqu’on fait pâturer les bêtes, elles se nourrissent à même le sol. Cet été, la terre était si stérile qu’il fallait nous-mêmes aller leur donner du foin qu’on avait acheté sur la Côte-Nord» , affirme Benjamin Giguère, étudiant en agroéconomie qui a effectué son stage dans une ferme bovine à Bellechasse. (Entretien téléphonique 19 septembre 2018)
Benjamin Giguère
Quelles régions du Québec ont été le plus touchées ?
La région du Bas-Saint-Laurent, non loin de la ferme où Benjamin Giguère a travaillé en juillet dernier, a été l’une des régions du Québec les plus affectées par la sécheresse. Le Lac-Saint-Jean également a subi de lourdes pertes en raison de la sécheresse agricole. François Bourassa, président de l’Union agricole de l’Estrie, affirmait au journal La Tribune en juillet dernier : «En Estrie, nous sommes privilégiés. Nous avons eu moins de rendement, mais ce n’est pas catastrophique. Dans ces régions, c’est la catastrophe. ». Au début juillet, la fédération régionale de l’UPA (Union des producteurs agricoles) du Lac-Saint-Jean déclarait «l’urgence foin», et réclamait une aide d’urgence en plus de rencontrer le premier ministre Philippe Couillard. De peur d’épuiser prématurément leurs réserves de foin pour l’hiver, plusieurs avaient entamé la liquidation de leur cheptel.
Benjamin Giguère
À part le foin, quelles ont été les récoltes les plus affectées par la sécheresse agricole ?
D’autres inconvénients inusuels se sont également présentés aux agriculteurs lors de cet été qui a été qualifié de «situation exceptionnelle» par le ministre de l’Agriculture, Laurent Lessard. Pour la ferme bovine où travaillait Benjamin Giguère, c’était le manque d’eau pour abreuver ses bœufs et ses vaches. « Les animaux avaient si chaud qu’ils buvaient d’énormes quantités d’eau par jour. Au milieu du mois de juillet, notre source d’eau naturelle était complètement asséchée. Du jamais vu», s’est-il étonné. Le jeune agriculteur raconte que pour remédier à la situation, le bétail a dû se contenter de l’eau de la municipalité, une eau qui ne convient pas à ce type d’animal en raison du niveau de chlore qu’on y ajoute. «Les légumes à feuilles comme les laitues ont besoin de beaucoup d’eau et donc leur récolte est très insuffisante cette année. Nos fraises sont également très fragiles et les champignons ont besoin d’être surveillés de très près», résume Benjamin Giguère.
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Quelles ont été les conséquences économiques ?
Tout est une question d’offre et de demande. La pénurie de foin cet été a fait en sorte que son prix a grandement augmenté. «Avant cet été, on payait les balles de foin autour de 30$, aujourd’hui c’est plus que le double !», se désole Benjamin Giguère. Celui-ci raconte que plusieurs fermiers ont décidé de vendre prématurément leur bétail dans les parcs d’engraissement ou bien à l’encan puisqu’ils n’étaient plus capables financièrement de subvenir à leur besoin. En plus de leur avoir coûté cher, ils reçoivent peu pour ce bétail qui est à présent si abondant sur le marché.
« Je ne serais pas surpris que le prix du bœuf, comme celui du porc maintenant que son exportation est hyper taxée, soit très bas d’ici quelque temps. Il y en a beaucoup trop sur le marché au Québec présentement», soutient encore Benjamin Giguère.
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Comment les agriculteurs ont-ils remédié à la situation ?
L’entraide et la solidarité ont été de mise, tout au long de ce difficile été. James Allen, président de la Fédération de l’Union des producteurs agricoles (UPA) de Chaudière-Appalaches, affirme : « On incite nos membres à vendre leur foin à d’autres producteurs plutôt qu’à des commerçants. On doit se serrer les coudes entre nous. » L’Estrie, qui a connu une saison estivale moins difficile que plusieurs autres régions de la province, s’est portée volontaire pour venir en aide aux autres agriculteurs québécois. François Bourassa a fait remarquer au journal La Tribune que les agriculteurs de sa région offraient leur foin aux producteurs du Lac-Saint-Jean au lieu de vendre celui-ci aux agriculteurs américains.
Financière agricole du Québec
Les agriculteurs pris dans des situations difficiles ont-ils reçu de l’aide ?
Dans une vidéo publiée sur YouTube le 20 août dernier, Ernest Desrosiers, président-directeur général de la Financière agricole du Québec (FADQ), déclarait que l’institution allait verser 27,2 millions de dollars à 3838 agriculteurs en raison des «inconvénients majeurs» subis par ceux-ci ces derniers mois. «C’est la plus grande avance que nous avons octroyée en assurance récolte-foin (gel hivernal, manque d’eau, surplus d’eau) depuis 2008», souligne Cynthia Byrne, conseillère en communication et relations publiques pour la FADQ. (échange de courriels 19 septembre 2018). L’institution gouvernementale qui soutient et promeut le développement du secteur agroalimentaire et agricole au Québec a reçu pas moins de 2080 avis de dommages cet été comparativement à 276 en moyenne au cours des cinq dernières années.
Sources: