Qu’est-ce que les accords Artémis ?
Les « accords Artémis », une initiative de l’agence spatiale américaine (NASA), sont un ensemble de 10 principes ayant comme objectif d’établir une vision commune afin de permettre des activités d’exploration spatiale durables sur la Lune et sur d’autres corps célestes. Eytan Tepper, chercheur postdoctoral et coordonnateur de recherche en débris spatiaux pour la chaire de recherche du Canada en économie politique internationale, compare les « accords Artémis » à une « mini constitution de l’exploration spatiale civile » (Entretien téléphonique, 24 novembre). Tepper précise que « l’aspect important dans ces accords c’est qu’il ne s’agit pas d’un accord multilatéral auquel tous les pays sont censés adhérer, il s’agit d’un accord qui n’est partagé qu’entre une coalition d’États ayant les mêmes idées ».
Alors que le programme Artémis a été lancé en 2017 sous l’administration Trump, c’est en octobre dernier que le Canada signe les « accords Artémis », s’alliant auprès de 7 autres pays. (Australie, Italie, Japon, Luxembourg, Émirats Arabes Unis, Royaume-Uni, États-Unis) En signant ces accords, les nations s’engagent à respecter tous les principes, dont l’exploration pacifique et la transparence afin d’éviter tout conflit.
À quoi doit-on s’attendre du programme Artémis ?
D’ici 2024, le programme Artémis, dont le nom fait référence à la déesse de la Lune dans la mythologie grecque, prévoit envoyer pour la première fois, sur ce corps céleste, une femme accompagnée d’un homme. L’exploitation minière de la Lune et la création d’une station spatiale en orbite autour de celle-ci, qui servira de tremplin aux missions vers Mars, font partie des objectifs du programme. D’ailleurs, en 2017, le président Trump, exprime son désir que les américains soient des pionniers quant à l’exploration civile de Mars. « C’est la course de qui va se rendre en premier sur la Lune. L’objectif [des accords] c’est de créer une station-service pour ensuite aller sur Mars », explique Prévost.
La Chine ne faisant pas partie des « accords Artémis », ambitionne de dépasser les grandes puissances telles que les États-Unis en investissant davantage dans l’exploration spatiale. Ayant fait un lancement le 23 novembre 2020 pour rapporter des échantillons lunaires, la Chine vise, elle aussi, la conquête de Mars.
Le traité de l’espace de 1967, consenti par la communauté internationale, stipule que l’espace extra-atmosphérique, la Lune et les autres corps célestes n’appartiennent à personne. Or, cela peut aussi vouloir dire que la Lune, par exemple, appartient à tout le monde. Un des principes des « accords Artémis » se traduit dans cette même lignée puisqu’il permet aux nations signataires d’avoir des safety zones, des zones où elles pourront mener des opérations sur les corps célestes en étant légalement protégé de toute interférence étrangère. Selon Tepper, « cela pourrait être la première étape pour les pays d’annexer de facto des lieux comme la Lune et d’autres corps célestes ».
Pour Louis-Philip Prévost, étudiant en droit à l’Université Laval, « c’est un peu les assises d’une colonisation des temps modernes ». « Les safety zones c’est un concept que l’on n’avait pas retenu avec le multilatéralisme parce qu’on voulait travailler tout le monde ensemble puisque c’est comme ça que l’on a toujours fonctionné pour les grands enjeux tel que l’espace », explique-t-il (Entretien téléphonique 23 novembre).
Quelle est la place du Canada dans ces accords ?
La participation du Canada dans ce programme permet la poursuite de leurs efforts dans l’exploration de l’espace. Cela apporte au pays plusieurs avantages économiques et technologiques. L’Agence spatiale canadienne a travaillé en étroite collaboration avec la NASA et d’autres agences spatiales sur les accords. (Agence spatiale canadienne – consulté le 24 novembre 2020) « Le programme Artémis est dirigé par les États-Unis pour retourner sur la Lune et y établir un habitat, et le Canada va en bénéficier puisqu’il ne peut le faire seul, c’est trop cher et trop compliqué », explique Eytan Tepper.
D’ailleurs, en raison d’une baisse d’investissement gouvernemental dans le domaine spatial, les missions Artémis bénéficient d’une importante part de financement d’entreprises privées, telles que SpaceX, propriété d’Elon Musk de Tesla et Blue Origin, propriété de Jeff Bezos d’Amazon.
Tepper souligne que non seulement le Canada joue un rôle important, mais le Québec aussi. « Ce n’est pas une coïncidence que le meilleur endroit pour le droit spatial est au Québec, à l’Université McGill ». Tepper a la conviction que ces accords sont une bonne chose pour l’avenir du Canada ainsi que pour l’avenir de l’exploration civile de l’espace.
Comment se définit le concept d’exploitation des ressources naturelles dans les Accords?
Le huitième principe des « accords Artémis » énonce que l’on peut exploiter les ressources sur la Lune et sur d’autres corps interstellaires. Un débat émane de ce principe puisqu’il ouvre une porte à l’exploitation des ressources de l’espace à des fins de commercialisation.
Pour l’étudiant en droit, la NASA vient préciser plusieurs aspects qui faisaient litige entre certains pays en raison des zones grises concernant le traité de 1967 et le fait qu’on ne peut s’approprier un corps céleste. « C’est bien beau de dire qu’on ne peut pas s’approprier l’océan par exemple, mais est-ce qu’on peut s’approprier les poissons qui y sont et les commercialiser par la suite ? C’est de ce type d’ambiguïté dont on parle », soulève-t-il.
De nombreux pays, particulièrement ceux en développement, ont déclaré que l’exploitation des ressources spatiales ne devrait avoir qu’une vision internationale afin que les bénéfices soient distribués dans tous les pays. Or, « les « accords Artémis » n’incluent pas la distribution, elle sera réservée uniquement aux sociétés commerciales et aux pays qui signent les accords », explique Tepper.
Qu’est-ce que le droit spatial ?
Le droit spatial est une branche du droit international qui a débuté dans les années 60. C’est un ensemble de principes qui régit les activités spatiales. « Le droit spatial évolue très lentement et il y a tant à faire. Si on veut aller dans l’espace, on doit avoir des règlements ains que des lois », croit Prévost.
Eytan Tepper compare le traité de 1967, dans lequel on y trouve plusieurs principes et règles de base, à une sorte de constitution pour l’espace en général. « C’est une bonne chose que nous ayons ce cadre, mais il n’est pas assez détaillé et il doit être développé pour répondre aux nouveaux changements », explique-t-il.
D’ailleurs, pour Tepper, le droit spatial est plus important que jamais. « Plus nous avons d’activités spatiales, plus il est important d’avoir des règles pour les encadrer », souligne-t-il. Souvent, les sociétés commerciales veulent plus de règles afin de savoir si elles seront protégées si elles investissent de l’argent dans certains projets spatiaux.
L’élection de Joe Biden aura-t-elle un impact sur les Accords d’Artémis ?
Selon Prévost, il serait étonnant de voir un recul marqué de la politique spatiale de Donald Trump. « Joe Biden a très peu parlé de politique spatiale, mais il a dit que les programmes en place allaient être maintenus », précise-t-il.
Tepper abonde dans ce sens, « même si les « accords Artémis » sont plus un accord politique qu’un traité juridique, il s’agit d’un engagement international que les États-Unis ont déjà pris et il est commun que la nouvelle administration respecte les engagements internationaux antérieurs ».
D’ailleurs, Eytan Tepper rappelle qu’en 2015, lorsque Barack Obama était président, les États-Unis ont adopté une loi nationale permettant aux sociétés d’exploiter les ressources de l’espace. « La politique en matière de ressources spatiales était comme ça avant l’administration Trump et je m’attends à ce qu’elle soit la même après l’administration Trump », conclut Tepper.
Sources:
https://www.nasa.gov/specials/artemis-accords/img/Artemis-Accords-signed-13Oct2020.pdf