Les divergences conservatrices sont-elles un nouveau phénomène ?
L’histoire du Parti conservateur du Canada en est une d’éclatement et de réunification de plusieurs mouvements politiques à travers les décennies. L’exemple le plus récent serait celui de la création du Parti réformiste en 1987 à la suite du mécontentement de plusieurs groupes provenant majoritairement de l’Ouest canadien à l’égard du Parti progressiste-conservateur de Brian Mulroney.
Ce parti est devenu par la suite l’Alliance réformiste conservatrice pour finalement se réunifier avec les progressistes-conservateurs afin de créer le Parti conservateur du Canada que l’on connaît aujourd’hui. Dans le cas de Maxime Bernier, les divergences avec cette famille politique ont été les raisons de son départ. Ce dernier ne se reconnaissait tout simplement plus dans les idées de son parti.
Cependant, la création du Parti populaire du Canada le 14 septembre 2018, contrairement aux réformistes, ne relève que d’une seule et unique personne, Maxime Bernier. N’empêche que plusieurs de ses partisans l’ont suivi, au point où l’histoire pourrait se répéter encore une fois: « Des anciens réformistes s’identifient aux idées de Maxime Bernier, plus précisément dans l’Ouest canadien », explique Thierry Giasson, professeur de science politique à l’Université de Laval (Entrevue téléphonique réalisée le 5 décembre 2018). Néanmoins, il ne croit pas qu’on assistera un « exode massif » du vote conservateur vers le jeune parti.
Andrew Scheer – Flickr
Un vote divisé changera-t-il la donne ?
Lorsqu’on lui demande si son nouveau parti divise le vote, Maxime Bernier est expéditif : « Andrew Scheer n’est pas capable de battre Justin Trudeau. » (Entrevue téléphonique le 4 décembre 2018). Le chef du Parti conservateur obtiendrait 33 % des votes selon un sondage publié par la firme Léger le 26 novembre 2018,
6 % derrière le Parti libéral. « Maxime Bernier avec Andrew Scheer, [il] ne gagnait pas. Maxime Bernier n’étant pas là, Andrew Scheer ne gagne pas non plus.» Le Parti populaire du Canada récolte quant à lui 4 % dans les intentions de vote.
Maxime Bernier estime que « le Parti libéral est devenu le nouveau NPD et que les conservateurs sont devenus un parti de centre pragmatique », le Parti populaire du Canada est donc le seul parti de droite sur l’échiquier politique canadien.
« Quand Maxime Bernier dit qu’il y a un recentrage du Parti conservateur du Canada, il ne parle pas à toute la population, il parle aux électeurs conservateurs qui pourraient être interpellés par ce message-là », croit Thierry Giasson. « Je pense que c’est un pari qu’il fait, mais qu’il ne va pas gagner », ajoute-t-il.
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Où peut-il aller chercher des votes ?
Au-delà de sa base militante, le Parti populaire du Canada se doit de trouver un moyen de convaincre les électeurs des autres familles politiques s’il souhaite se tailler une place au Parlement en octobre 2019.
Le chef du PPC est convaincu qu’il peut aller chercher bien d’autres appuis qu’uniquement d’anciens conservateurs. « Il y a des gens du NPD qui veulent me suivre parce qu’on va abolir le cartel de l’Union des producteurs agricoles et cesser subventionner les entreprises », explique-t-il.
Selon lui, plusieurs anciens électeurs libéraux au temps des gouvernements de Jean Chrétien et de Paul Martin qui ne se reconnaissent plus dans le Parti libéral de Justin Trudeau, se tourneront vers sa nouvelle formation politique puisqu’ils sont à la recherche « d’un équilibre budgétaire et d’une diminution des taxes », avance-t-il.
Qui plus est, Maxime Bernier s’appuie sur le fait que son parti « dit les choses qui doivent être dites ». Ce faisant, il veut rejoindre les 32 % de Canadiens qui ne se sont pas déplacés aux urnes aux dernières élections fédérales de 2015.
Logolynx
Le libertarisme a-t-il sa place au scrutin de 2019 ?
Sans mettre d’étiquette sur le parti ou sur son chef, l’idéologie le Parti populaire du Canada relève sans aucun doute du libertarisme. Réduction des taxes et des taux d’imposition, en passant par l’abolition des subventions aux entreprises ou encore par la réduction du seuil d’immigration à 250 000 par année, Maxime Bernier partage beaucoup de points en communs avec un parti qui lui fait des avances depuis son départ du PCC, soit le Parti libertarien du Canada.
Ce parti fondé en 1973 a récolté plus de 35 000 votes au dernier scrutin, ce qui lui a valu la sixième place après le Parti vert. Son chef, Tim Moen, a offert au Beauceron à maintes reprises sa place de chef, mais Maxime Bernier a préféré poursuivre sa propre voie en créant son parti. Une bonne décision, selon le professeur de politique de l’Université Laval Thierry Giasson, car le libertarisme est « une force politique qui a toujours existé, mais ce n’est pas une force qui occupe un espace important dans l’arène politique canadienne, voire mondiale ».
Néanmoins, le populisme tel qu’il est véhiculé à travers les idées et les discours du PPC peut attirer de nombreux électeurs, d’où le nom de son nouveau parti. « Cette mouvance a un potentiel de croissance, mais plutôt limité pour 2019 », précise Thierry Giasson. Bien que les chances d’une percée majeure soient minces en vue du prochain scrutin, Maxime Bernier a le potentiel de regrouper ce vote populiste et , par le fait même, s’imposer comme un parti qu’il ne faudra pas négliger à l’avenir.
Michaël Laforest
Comment convaincre la population canadienne ?
Selon la firme Léger, 45 % des Canadiens estiment que le Canada accueille trop d’immigrants. L’un des engagements phares de Maxime Bernier est justement d’abaisser les seuils d’immigrations pour les faire redescendre au même niveau que sous l’ère de Stephen Harper. Maxime Bernier croit fermement qu’en
« n’essayant pas de plaire à tout le monde» et « en ayant des politiques qui sont basées sur des principes et des convictions claires », il sera capable de convaincre une majorité d’électeurs.
Pour passer de 4 % à une majorité, « il a un énorme travail à faire », explique Thierry Giasson. Maxime Bernier compte bien être présent sur toutes les plateformes pour faire la promotion de ses idées et il veut faire partie du débat des chefs. Thierry Giasson croit que le député beauceron ne pourra pas parler que de libertarisme s’il veut amasser des votes, il devra proposer des mesures progressistes pour engranger les votes de ses adversaires.
Si Maxime Bernier fait la promotion de son parti partout au Canada et qu’il va à la rencontre de ses membres, c’est qu’il tente de bâtir « l’image du chef de parti qu’il veut incarner dans la prochaine campagne électorale […] il occupe l’espace pour éviter que les conservateurs le définissent avant lui », selon Thierry Giasson.
Maxime Bernier
Bernier peut-il percer au Québec ?
Maxime Bernier espère causer la surprise aux prochaines élections, à la manière d’Emmanuel Macron, qui a fondé son parti tout juste un an avant la présidentielle, il se fait même un plaisir de le rappeler à ceux qui douteraient de sa réussite.
Les électeurs « sont prêts à laisser tomber les vieux partis », selon lui. C’est d’ailleurs ce qu’ils ont fait aux dernières élections provinciales, alors que la Coalition Avenir Québec (CAQ) a obtenu la majorité à l’Assemblée nationale. La CAQ s’est fait élire en promettant d’abaisser le seuil d’immigration, tout comme le fait Maxime Bernier, ce qui pourrait bien évidemment lui donner un avantage au Québec, où près des deux tiers de la population est en accord avec les positions du parti de François Legault sur l’immigration.
Pour le bBeauceron, « il n’y a pas de sujet tabou », que ce soit le « cartel de [l’Union des producteurs agricoles] », la privatisation des aéroports ou de Poste Canada, le député de Beauce reste ferme sur les idées qui l’ont poussé à former son propre parti et c’est ce qui attire ses membres, qui sont maintenant plus de 30 000.
Sources :