Crédit photo: Nina-Rose Cassivi
Comment le milieu de la restauration est affecté par la COVID-19 au Québec?
Des dizaines de restaurateurs ont manifesté casserole à la main mardi dernier, au Vieux-Port de Montréal, le but de faire entendre par le gouvernement. Ils sont nombreux à dénoncer leur mécontentement suite à une seconde fermeture des salles à manger en zone rouge et à une aide financière promise, qui tarde à être remise. Selon l’Association Restauration Québec (ARQ), le milieu de la restauration représente près de 300 000 employeurs québécois. Avec des ventes qui ont diminué de plus de 30% depuis le début de l’année 2020, il s’agit d’une des industries au Québec qui a été le plus ébranlé par la COVID-19.
À la suite de la première vague, certains restaurateurs n’ont pas eu le choix de fermer définitivement leur porte et d’autres ont pu tenir le coup jusqu’à la réouverture de leur commerce à l’arrivée de la saison estivale. Toutefois, l’apparition des zones rouges à l’automne et l’annonce d’une seconde fermeture des salles de restaurant de la part du gouvernement ont eu un tout autre effet auprès de l’industrie.
Crédit photo: Nina-Rose Cassivi
Quelle a été la réaction des restaurateurs à la suite d’une seconde fermeture de leur établissement?
«La deuxième vague a été bien plus difficile que la première, surtout au côté du moral», confie Julien Messier-Cousineau, le chef-propriétaire du Madame Bovary à Boucherville (entretient téléphonique, 25 novembre 2020). Ce dernier explique comment la deuxième fermeture des restaurants a suscité beaucoup d’incompréhensions auprès de ses collègues et lui : «On avait tout fait ce qu’on nous demandait, la CNESST (Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail) est venue nous voir pour vérifier qu’on respectait tout et tout était beau.» Malgré cela, le 1er octobre dernier, il n’a pas eu le choix de jeter la serviette une seconde fois.
«Des gens nous disent de faire autre chose, de se réinventer, mais moi je suis dans la restauration depuis que j’ai 14 ans et j’ai 30 ans aujourd’hui. C’est ça que je connais et je n’ai pas envie de faire autre chose.»
Crédit photo: Nina-Rose Cassivi
Comment la fermeture des salles à manger empêche la propagation du virus?
«Le gouvernement a pensé qu’en fermant les restaurants ils allaient diminuer les rassemblements et les contacts avec le virus», soulève Alizée Lamarre Renaud, une infirmière de 30 ans qui a fréquenté divers restaurants durant la période estivale. Elle se questionne cependant sur la nécessité de cette mesure quant à la diminution de la propagation du virus : «Je ne crois pas que c’est une solution qui soit vraiment efficace. Je pense que c’est une solution de base qui nous permet d’avoir l’impression qu’on diminue le rassemblement des gens.»
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Qu’est-ce que les restaurateurs auraient souhaité comme mesures afin d’éviter la fermeture de leur restaurant?
«Je comprends qu’il faut casser les rassemblements, c’est juste dommage qu’ils n’aient pas compris qu’au restaurant c’est beaucoup plus sécuritaire», explique le jeune chef. Dans cette lignée, il considère que la vis aurait dû être serrée chez les quelques cas problématiques dans le secteur des bars et de la restauration : «Ce qu’ils auraient dû faire depuis le début, c’est par exemple à Laval ou au karaoké de Québec où ça perdait le contrôle, c’est eux qu’ils auraient dû fermer. Sinon tu leur donnes des milliers de dollars d’amende, et c’est là qu’on aurait réglé le problème.»
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Que peuvent-ils faire pour combler la fermeture de leurs salles à manger?
Comme la majorité des restaurateurs qui travaillent en zone rouge, Julien Messier-Cousineau se tourne vers un menu de plats pour emporter afin de combler la fermeture des salles à manger. Ce dernier explique que la perte des ventes en alcool nuit à la rentabilité et il regrette qu’aucun plat à manger chez soi ne peut combler une salle à manger vide : «Je prends chaque semaine un take-out d’un bon restaurant, c’est toujours bon, mais ça rien à voir que de manger sur place. S’asseoir au bar, parler avec le barman, manger dans une assiette chaude. C’est plate, mais le temps d’aller le chercher ça refroidit et tes pâtes aux truffes sont quand même dans un emballage en carton.»
Crédit photo: Nina-Rose Cassivi
Est-ce qu’on peut considérer que la fermeture des restaurants en zone rouge est pertinente?
«Partout où j’ai été, il y avait des plexiglas à la grandeur, les serveurs avaient leur masque et leur visière. J’avais l’impression d’être en sécurité et qu’ils avaient vraiment travaillé fort», révèle Alizée Lamarre Renaud en repensant à son expérience dans les restaurants cet été. Celle-ci questionne donc la nécessité de fermer les salles à manger situées en zone rouge : «Je pense qu’on est toujours à risque et c’est ça qu’on sous-estime. Mon impression c’est qu’on ne sait jamais quand et où on peut l’attraper, c’est pourquoi il faut faire attention en tout temps et arrêter de pointer les bars et les restaurants comme si c’était le diable incarné.»
Julien Messier-Cousineau considère également que ce n’est pas la fermeture des restaurants qui va empêcher les rassemblements, bien au contraire : «Je crois que c’est pire de fermer les restaurants parce que les gens qui se rassemblaient au restaurant finissent par se rassembler chez eux. Je crois sincèrement que c’est beaucoup plus contrôlé au restaurant qu’à la maison.»
Le chef prend pour exemple la situation des restaurants situés en zone orange ou en zone jaune pour appuyer le manque de cohérence entre l’ouverture des salles à manger et la propagation de la COVID-19 : «On regarde à St-Sauveur, les restaurants et les hôtels se font la palette en ce moment. Tout le monde y va et est-ce qu’il y a des grosses éclosions là-bas? Pas vraiment!»
Alizée Lamarre Renaud mentionne toutefois l’importance des mesures à adopter individuellement et en collectivité : «Si tu portes ton masque comme il faut, si tu te laves les mains et que tu ne touches pas ton visage, c’est ça le plus important. Que tu sois au Costco, dans un bar ou chez vous avec des amis.»
Sources :