Pourquoi le premier ministre du Québec ne vas pas à la COP24  en Pologne ?

François Legault justifie son absence à la conférence de 2018 par le caractère « très technique des différents aspects » et des sujets qui y seront discutés. La nouvelle ministre de l’Environnement, MarieChantal Chassé, y représentera le Québec. Les anciens premiers ministres Philippe Couillard et Jean Charest avaient participé à ces évènements. Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, n’a pas encore confirmé sa présence.

Pour les partis d’opposition, cela démontre le faible intérêt du premier ministre pour les enjeux climatiques.

« Ça me déçoit, ça m’attriste même de savoir que Monsieur Legault, qui représente le Québec, ne va pas à ces conférences » pense Julien Langlais, cofondateur du collectif de citoyens La planète s’invite au Parlement (entrevue le 7 novembre). Au moment où il se rend compte qu’il n’est pas le seul à vouloir un changement radical et des actions concrètes du gouvernement, il crée, avec plusieurs Québécois, le collectif le 7 septembre 2018. 

« Je pense qu’il vient de rentrer [Legault], je pense que c’est sûr qu’il a un agenda qui est très complexe en ce moment. Mais j’ai l’impression qu’il n’y a pas vraiment de prise de conscience de l’urgence climatique dans laquelle on est en ce moment », ajoute Marie-Dominique Michaud, membre du collectif (entrevue, 7 novembre 2018).

cop24.jpg COP24

Qu’est-ce que la COP24? 

Du 3 au 14 décembre, près de 30 000 chefs de gouvernement, diplomates et dirigeants d’entreprises se réuniront à Katowice. Depuis 1992, les pays signataires de la Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique (CCNUCC) ont organisé 23 Conference of parties (COP). Lors de ces évènements, les représentants des pays signataires, ainsi que des acteurs non étatiques comme des scientifiques et des organisations non gouvernementales négocient des accords et des mesures communes pour limiter l’émission des gaz à effet de serre (GES). 

Le Québec fait partie des cinq principaux émetteurs de GES au Canada, selon les dernières données fédérales en 2016. Il a émis 77,3 mégatones de dioxyde de carbone (CO2) cette même année. Le Canada, pour sa part, a émis 704 mégatones de CO2. Le 1er août 2018, l’humanité a épuisé les ressources que la planète pouvait lui fournir pour l’année entière, selon l’Organisation Global Footprint Network. La situation serait encore pire si tout le monde consommait comme les Canadiens. Le jour du dépassement aurait d’ailleurs été atteint le 18 mars 2018, soit cinq mois avant. 

La COP24 a été précédée de la COP21 à Paris, la COP22 à Marrakech, au Maroc  et la COP23 à Bonn, en Allemagne. La secrétaire administrative de la CCNUCC, Patricia Espinosa, considère cette édition comme un « Paris 2.0 ». Les participants y assembleront « les pièces, indications et lignes directrices afin que le système fonctionne vraiment », a-t-elle indiqué au site d’information Politico.

cop21-adoptionaccorddeparis.jpg COP21

Quelle a été la COP la plus importante ?

Évènement très médiatisé, la COP21 s’est déroulée en décembre 2015 à Paris. À l’issue de cette conférence, les 195 pays présents concluent l’Accord de Paris sur le climat. Ensemble, ils s’engagent, entre autres, à limiter la hausse de la température en dessous de 2°C, voire 1,5°C, créer des fonds de financement pour aider les pays en développement, et viser l’objectif d’un monde sans carbone d’ici 2050 ou 2100.

Les pays signataires de l’Accord peuvent retirer leur engagement sans recevoir de sanctions. Le 1er juin 2017, Donald Trump réalise une de ses promesses de campagne et retire les États-Unis. Il considère que l’Accord constituerait un fardeau financier et économique pour son pays et ses effets ne seront pas assez significatifs. En août 2018, l’Australie refuse d’inscrire les objectifs de l’accord dans sa loi.

paris-embouteillages.jpg COP21

Qu’en pensent les scientifiques ?

Malgré l’engagement pris par 195 pays lors de l’accord de Paris en 2015, les réductions prévues d’émissions de GES sont insuffisantes, selon le rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) du 7 octobre 2018. La planète aurait déjà atteint une hausse moyenne des températures de 1°C et le thermomètre mondial augure une augmentation de 0,2°C par décennie. La barre des 1,5°C sera atteinte entre 2030 et 2052. D’ici la fin du siècle, les 3°C, soit le double de la cible jugée sécuritaire par la communauté scientifique, seront atteints.

Les bouleversements se font déjà sentir. La biodiversité se dégrade, particulièrement dans les récifs coralliens, qui ont un rôle crucial pour les écosystèmes marins, et les écosystèmes terrestres peinent à survivre. Le réchauffement ajoutera aux effets déjà ressentis plus de vagues de chaleur, des précipitations élevées, des sècheresses dans certaines régions. Le niveau des océans pourrait augmenter de 0,7 mètre d’ici la fin du siècle, selon des modèles prévisionnels des scientifiques. Les experts du GIEC insistent: il est toujours possible de limiter les bouleversement du climat de la Terre, mais seulement en prenant des mesures d’urgence. « Les prochaines années sont probablement les plus importantes de notre histoire », souligne Debra Roberts, coprésidente d’un des groupes de travail du GIEC, dans un article du Devoir.

Le nouveau rapport scientifique du GIEC devrait être au cœur des discussions lors de la COP24 en décembre. Dès lors, l’objectif sera de discuter de sa mise en œuvre, mais aussi de faire le point sur l’avancement des engagements des États.

affichegrandemarche.jpeg Louise Hammouda

Quelle est la réponse des Québécois et Québécoises ?

Groupe de citoyens et citoyennes bénévoles unis pour inciter les gouvernements à prendre les mesures nécessaires face à l’urgence climatique, La planète s’invite au Parlement prend de l’envergure sur les réseaux sociaux. Le 10 novembre, le collectif a organisé une marche à Montréal. Une initiative suivie par plusieurs villes québécoises, dont Gatineau-Ottawa, Gaspé, Rimouski, Trois-Rivières, Brome-Missisquoi, Baie-des-Chaleurs, Val-David, Longueuil et Cacouna.

Leur demande est minimale, selon la coorganisatrice de l’évènement du 28 septembre La planète s’invite dans la campagne, Caroline Blais : que les signataires respectent leurs engagements quant à la réduction des GES d’au moins 45 % d’ici 2030 en commençant par 20 % d’ici 2020.

Le collectif s’attaque aussi aux hydrocarbures. « On est drogués par l’industrie pétrolière. [Le pétrole] est omniprésent autour de nous et ça va être très difficile de se sortir de là. […] Je fais [que] regarder là (pointant les gobelets de café à côté de nous), il y en a dans tous les objets de plastique », s’insurge Julien Langlais.

Dans un reportage de Radio-Canada, Patrick Bonin, responsable de la campagne Climat Énergie à Greenpeace, dit croire que ce sera l’une des plus grandes manifestations environnementales qu’a connues le Québec depuis plusieurs années.

La croissance importante du collectif, passant de 1 500 personnes à 5 000 en une semaine, démontre un engouement de la population québécoise. Le coorganisateur Julien Langlais rappelle que le but premier est d’ « envoyer un message clair à nos politiciens », qui pourront faire avancer les choses. « Les citoyens n’ont aucun impact si les grosses compagnies qui polluent continuent de polluer et s’il n’y a pas de pressions de la part des gouvernements pour changer ces habitudes », soutient-il.

air-pollution.jpg UW News

Assistons-nous à un wake-up call  ?

Le 7 novembre 2018, une seconde initiative, en appui au collectif La planète s’invite au parlement, est lancée par plus de 400 personnalités publiques, artistes et scientifiques du Québec : le « Pacte pour la transition ». Celui-ci vise à demander aux citoyens de réduire leur empreinte environnementale et presser les gouvernements à agir. Parmi les signataires, se retrouvent Guy Laliberté, Yvon Deschamps, Guy A Lepage, Hubert Reeves, Richard Séguin, Jean Lemire, Geneviève Born, Diane Dufresne, Daniel Bélanger, et la liste ne cesse d’augmenter. « Le Québec de demain passe par une transition écologique de notre économie, notamment par une transition énergétique juste qui fera un meilleur usage de notre savoir-faire, de nos ressources communes et de nos énergies renouvelables », avancent-ils dans Le Devoir.

« Les politiciens […] c’est nous qui les élisons et je pense qu’on a eu un signal clair [le 1er octobre dernier]. On [doit] parler à nos concitoyens », affirme Marie-Dominique Michaud. On se rappelle que la CAQ ne mentionnait pas les enjeux environnementaux dans sa plateforme électorale, un non-sens selon Marie-Dominique Michaud et ses comparses. « On est obligé de prendre un contrepoids du pouvoir pour se manifester », déplore-t-elle.

Les signataires du « Pacte » s’engagent à réduire leurs émissions de GES le plus possible, en posant des gestes concrets, par exemple, en priorisant les transports en commun ou le vélo à la voiture.

Sources:

Cop24 http://cop24.gov.pl/presidency/what-is-cop24/

Agence Parisienne du Climat https://www.apc-paris.com/cop-21

Radio-Canada https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/754982/accord-paris-cop-21-climat-changements-mesures

https://www.ledevoir.com/societe/environnement/538591/l-humanite-doit-cesser-d-emettre-du-co2-previent-le-giec?fbclid=IwAR1GOpJrIshQEkpDEWGquz5yfdIpxn-K9JOMJ3v4FcqMmItTK8BByl3aBoM
https://www.ledevoir.com/societe/environnement/540813/400-personnalites-quebecoises-lancent-un-pacte-pour-lutter-contre-les-changements-climatiques?fbclid=IwAR3Dr9submfWxf3jyi6ONKSbsvOlWfUFko3f0lBcabax5S5Hjc9gNtMGaao
https://www.ledevoir.com/societe/environnement/533479/des-mercredi-l-humanite-aura-epuise-les-ressources-de-la-planete-pour-2018
https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1133357/manifestation-climat-ecologie-montreal-place-festivals?fbclid=IwAR05L_DM0NNg3crNjQ_MqZQlfPmPZoZCQJsTotPG1Z0g7CaGKBc2apkUj0E
https://www.ledevoir.com/societe/540403/une-manifestation-pour-l-environnement-prevue-le-10-novembre?fbclid=IwAR2GDME3c8j1oH7qB4HPWHZ_dIg9V-ssu_VhVZrDMX23LFwoyuZgHrIUtU8

RFI http://www.rfi.fr/ameriques/20170601-etats-unis-donald-trump-annonce-le-retrait-accord-paris-le-climat

Center for Climate Change Economics and Policy https://www.cccep.ac.uk/news/few-countries-have-domestic-targets-for-cuts-in-greenhouse-gas-emissions-that-clearly-match-their-pledges-to-the-paris-agreement/

https://cfak883.usherbrooke.ca/podcast/entrevue-la-planete-sinvite-dans-la-campagne-28-septembre-2018/

Auteurs/autrices