Par Émilie Desgent-Daoust et Wiam Dahbi

Comment la première vague a affecté l’industrie de la mode au Québec? 

Le premier ministre Justin Trudeau a déclaré cette semaine que la deuxième vague de la covid s’annonce pire que celle qui a provoqué un confinement général au printemps. Un discours qui alerte les commerçants, notamment ceux de l’industrie de la mode.

Celle-ci a été durement touchée par la pandémie de la covid affectant ainsi les compagnies qu’elles soient petites ou grandes. L’achalandage a diminué de 92 % depuis la pandémie dans le centre-ville et plus de 76 % des commerçants de Montréal se disent inquiets de la situation.  

« Il n’y a pas de touristes internationaux, très peu de touristes québécois et pas d’étudiants. Dans les faits, Montréal souffre, le centre-ville souffre. C’est famélique pour les commerçants. Les chiffres sont incroyablement bas », a déclaré Michel Leblanc, patron de la Chambre de commerce à  TVA nouvelle le 21 juillet 2020 selon un sondage de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM). 

Plusieurs consommateurs ont présentement des besoins plus alarmants et sont moins portés à acheter des vêtements ou des accessoires de luxe. La reprise de la dépense personnelle des consommateurs ne devrait pas arriver de sitôt puisque les analystes prévoient que les ventes mondiales de produits de luxe pourraient chuter de 20 % à 35 % cette année. 

Déjà bien avant la covid, les commerces avaient déjà reçu un coup dur à la suite  des problèmes de transport causés par les trains bloqués lors des manifestations contre le projet de gazoduc Coastal GasLink. « C’était compliqué pour les compagnies de recevoir leur commande. Avec tout ce qui se passe présentement, on remarque encore une quantité de marchandise assez basse dans plusieurs magasins », raconte Catherine L’Écuyer, directrice des communications chez Mmode. (Entretien  Zoom, 23 septembre 2020)

Elle explique également comment les grandes compagnies et les grandes chaînes ont pris un gros coup au début du confinement. La population québécoise a eu un tournant local ce qui a énormément aidé les petites compagnies en ces temps durs. 

Centre Eaton. Radio-Canada, Luc Lavigne

Quelle place occupe le domaine de la mode à Montréal? 

La mode occupe une très grande place à Montréal. Elle génère plus de 48 000 emplois à Montréal et 83 000 au Québec. 

En plus de créer de l’emploi, le domaine de la mode contribue aussi à l’économie. Elle fait 8 G$ annuellement en fabrication de produits et elle est responsable de 3 % du produit intérieur brut (PIB). Trente huitième capitale de la mode mondialement, Montréal est la plus grande ville de fabrication au Canada et elle est troisième en Amérique du Nord après New York et Los Angeles. 

Ayant plusieurs évènements tournant autour de la mode; défilés, festivals, salons, etc… Montréal détient la première place du plus grand festival extérieur en Amérique du Nord avec le festival mode et design. 

Catherine L’Écuyer

Y a- t-il eu des avantages pour les entreprises durant le confinement?

Malgré ce que l’on pourrait croire, le temps de la covid à été bénéfique pour certaines entreprises. En effet, la boutique Le Château a fait son premier profit trimestriel depuis 2013. Il y a également la compagnie canadienne Ardène qui va sortir une ligne de vêtements masculins. La compagnie QUARTZ.CO ouvrira également sa première boutique à Montréal. 

Boutique Le Château, Mail Champlain

Les boutiques en ligne sont-elles priorisées? 

Le magasinage en ligne a été une des alternatives à la consommation depuis le début du confinement. Cependant, comme l’explique Lili Desrochers, chargée de cours à l’École supérieure de mode, les marques de centres commerciaux seront les plus touchées par la compétition du magasinage web. En effet, les gens n’iront pas magasiner en ligne pour ces marques, car pour la plupart elles sont destinées pour une clientèle plus âgés et moins portés à utiliser cette nouvelle façon de magasiner. 

Il est donc important de se rediriger vers le E-commerce puisque d’après Catherine,  la vente sur le web ainsi que la favorisation du marché local représentent clairement les besoins futurs des acheteurs.

FILADENDRON VIA GETTY IMAGES

Les commerces sont-ils prêts pour la deuxième vague? 

D’après Lili Desrochers, nous serions beaucoup plus préparés à une deuxième vague. Cependant, malgré les efforts des petites boutiques pour subsister, s’il y a un nouveau confinement leur survie sera en jeu. «Ceux qui ne sont pas capables de vendre en ligne vont mourir», précise-t-elle. « Je ne peux pas croire qu’un petit magasin en régions peut survivre à un deuxième reconfinement, » ajoute-elle. (Entrevue Zoom, 23 septembre 2020)

The Canadian Press, Ryan Remiorz

Quelle serait la meilleure direction à prendre dans le futur?

Avant la propagation du virus, certaines compagnies ainsi que festivals, notamment le festival Mode & Design, pensaient déjà à expérimenter avec la technologie pour atteindre un public plus large en diffusant les défilés en ligne. « Il est plus difficile de regrouper des gens dehors quand il s’agit de festivals. À Montréal, nous regardons surtout ce que font les autres pays en ce moment. Il est temps d’essayer de nouvelles choses », ajoute L’Écuyer. 

Selon elle, un réajustement de prix est également de mise pour donner un coup de fouet à l’économie, ainsi qu’un basculement imminent vers le web pour attirer de nouveaux clients. « Il faut que l’industrie rapetisse, en termes de nombre de collections par année et de nombre de livraisons en magasin. » La production est abondante ce qui devient insoutenable à long terme selon elle. « Il faut penser nos modèles, que ce soit dans comment on fabrique la mode ou comment  on la vend ».

Elle rapporte aussi le fait que les Québécois sont plus enclins à acheter local depuis la pandémie ce qui est une bonne nouvelle pour les commerçants puisque cela aidera grandement l’économie de la province. Toutefois,  Desrochers explique qu’au Québec, on comprend mal la réalité des gens en dehors de la métropole, et nous avons tendance à nous fier uniquement à Montréal. En région, un colis peut prendre jusqu’à 10 jours tandis qu’ici il peut arriver en 2-3 jours. Un problème important à régler dans les prochaines années à venir.

Festival mode & design J.Hamelin

 

Sources 

https://www.bain.com/about/media-center/press-releases/2020/spring-luxury-report/

https://www.tvanouvelles.ca/2020/09/16/baisse-de-lachalandage-de-92-au-centre-ville

https://www.24heures.ca/2020/07/21/76-des-commercants-du-centre-ville-inquiets-1