Qu’est-ce que la taxe scolaire?
Introduite en 1846 à la grandeur du Québec sous la gouvernance de Charles Murray Cathcart, excluant Montréal et Québec pour qui la taxe était prélevée par les municipalités, la taxe scolaire est obligatoire pour tous propriétaires d’un immeuble imposable. La taxe sert à financer certaines activités des commissions scolaires, notamment le chauffage et l’entretien des écoles, l’administration des établissements d’enseignement, ainsi qu’une portion des frais de transport des élèves. Le 80% des dépenses restantes est octroyé par le gouvernement. Actuellement, la taxe varie d’un territoire à l’autre et s’élève entre 0,10$ et 0,35$ par tranche de 100$ de l’évaluation des résidences ou des immeubles à logements. De plus, seulement la métropole est dépourvue d’une telle taxe, alors qu’un Comité de gestion de la taxe scolaire de l’île de Montréal (CGTSIM) a comme responsabilité de la percevoir auprès de ses cinq commissions scolaires, francophones et anglophones. Pour l’année 2018-2019, le budget provincial accordé aux commissions scolaires s’élève à 13 409 millions de dollars.
Camille Robillard
Par qui est-elle établie?
Au départ, la taxe et son utilité étaient déterminées par les commissions scolaires elles-mêmes. Cependant, avec la hausse des dépenses scolaires, le gouvernement a dû s’investir davantage et par le fait même a pu accroitre son poids dans les décisions. « [Aujourd’hui], c’est le gouvernement du Québec qui détermine à la fois les modes de collecte de l’argent et également les règles pour la qualité de l’éducation », explique Gilles Bergeron, économiste retraité de l’Université du Québec à Chicoutimi (entrevue téléphonique, 19 novembre 2018). « Donc, on est passé d’une taxe locale à, en quelque sorte, une taxe nationale, qui sert à financer un service public national ».
Camille Robillard
Pourquoi la taxe scolaire est-elle décrite comme inéquitable ?
Selon Gilles Bergeron, l’iniquité de la taxe entre les régions est le résultat d’une vieille formule qui, au fil des amendements, a accentué le fossé entre les territoires des commissions scolaires. « Actuellement, dans certaines régions, pour une maison évaluée à 225 000$ vous allez payer 600$ de taxes et dans d’autres, 200$ de taxes », présente l’économiste. Ainsi, pour avoir une taxe équitable à la grandeur du Québec, il faudrait que chaque propriété d’une même valeur marchande paie le même pourcentage de taxe, et ce, peu importe le territoire dans lequel elle se trouve.
Camille Robillard
L’uniformisation à la grandeur du Québec, est-ce un projet faisable ?
Au début de l’année 2018, le Parti libéral a adopté un taux de taxe unique à travers une même région. Pour la Coalition avenir Québec (CAQ), cette réforme n’était pas suffisante pour abolir les iniquités entre les concitoyens. C’est pourquoi, dès son élection le 1er octobre 2018, François Legault a décidé de faire de la taxe scolaire une priorité. Son objectif ? Ramener progressivement le taux de taxation à 0,10$ par tranche de 100$ de l’évaluation foncière, et ce, d’ici quatre ans. Il s’agit d’un projet qui coûtera approximativement 700 millions de dollars, ce qui est, selon Gilles Bergeron, « un projet faisable […] puisque dans le cadre financier, ce sont des dépenses qui avaient été prévues ».
Camille Robillard
Que penses les autres partis d’une telle mesure?
Le projet de François Legault ne fait pas l’unanimité au sein des parlementaires. Pour Vincent Marissal, porte-parole solidaire en matière de justice fiscale, « l’abolition de la taxe scolaire ne remet de l’argent que dans les poches des propriétaires. Jamais les locataires ne verront la couleur de cet argent, alors que ce sont ces familles qui sont souvent les plus précaires financièrement. » Québec solidaire met également de l’avant les pertes de revenus pour les commissions scolaires et se demande s’il y aura une compensation financière de la part du gouvernement pour éviter de priver les élèves de certains services. Lors de la dernière campagne électorale, le chef du Parti québécois, Jean-François Lisée, avait aussi pris position contre la volonté de Francois Legault d’uniformiser la taxe scolaire. Il lui reprochait entre autres de vouloir « acheter » les votes de ses électeurs en promettant une baisse des impôts et des taxes perçues par le gouvernement. Des montants moindres qui, selon lui, allaient être néfastes pour les services publics, comme le réseau scolaire.
Camille Robillard
Dans l’ensemble, est-ce une bonne idée ?
L’uniformisation de la taxe scolaire est un projet d’envergure qui demandera du temps et de l’argent au gouvernement de François Legault. Selon l’économiste Gilles Bergeron, un tel changement pourrait avoir des répercussions positives. « Une des qualités d’une taxe, c’est l’équité. Actuellement, il y a des citoyens qui bénéficient du taux de taxation, donc il serait normal que tous les Québécois puissent en profiter de façon égale », explique l’économiste, qui croit que la taxe scolaire actuelle est fondamentalement inéquitable et que tous les propriétaires devraient être imposés au même taux. Pour Catherine Harel-Bourdon, la présidente de la Commission scolaire de Montréal, le projet semble risqué. Dans une lettre d’opinion publiée dans Le Devoir, elle exprimait le 24 novembre dernier ses réserves face à cette mesure. Selon elle, une augmentation des subventions gouvernementales aux commissions scolaires sera nécessaire pour pallier à la baisse des taxes perçues après son uniformisation. « La décision de réduire les taxes est évidemment la prérogative du gouvernement, mais ce cadeau de Noël aux citoyens ne devrait pas se faire au détriment des élèves en milieu défavorisé. Si on va de l’avant avec ce projet, une augmentation des subventions gouvernementales aux cinq commissions scolaires de Montréal s’impose pour en contrebalancer l’effet », ajoute-t-elle.
Sources:
Le journal de Québec : https://www.journaldequebec.com/2018/08/11/des-baisses-dimpot-et-de-taxes-sont-nefastes-croit-lisee