Crédit photo: Béatrice Guimont

Y a-t-il une hausse de l’insatisfaction de l’image corporelle chez les jeunes ? 

L’Enquête québécoise sur la santé des jeunes au secondaire, menée en 2010 et 2011, révèle que 50 % des adolescents sont insatisfaits de leur apparence. « Plus je passe de temps sur les réseaux sociaux, plus je suis bombardée par l’industrie de la beauté et du culte du corps qui renforcent l’idée d’un moule de beauté que les femmes doivent avoir et où je ne me reconnais pas », raconte Myriam Desforges, bachelière en communication qui a recours à des injections de lèvres depuis maintenant deux ans (Entretien téléphonique le 11 novembre). Elle confie avoir eu recours à ces injections après beaucoup d’heures passées sur Instagram à se comparer. Instagram compte plus d’un milliard d’utilisateurs dans le monde.

Le discours d’Éric Bensimon, chirurgien plasticien depuis maintenant 20 ans et président de l’Association des spécialistes en chirurgie plastique et esthétique du Québec, reste assez prudent et nuancé quant à cette hausse de l’insatisfaction chez les jeunes.  « Je pense que c’est un phénomène qui est un peu normal chez les jeunes et chez les adolescent.es, de peut-être pouvoir idéaliser certains modèles et de vouloir les atteindre » (Entretien téléphonique le 10 novembre). Bensimon ne croit pas que le Québec soit gangrené par la présence des plateformes numériques autant qu’aux États-Unis. 

Crédit photo: Béatrice Guimont

Les réseaux sociaux ont-ils un réel impact sur l’estime de soi des jeunes ? 

En moyenne, les internautes du monde ont passé 2 heures et 23 minutes par jour sur les réseaux sociaux l’année dernière, dévoile l’étude comparative de Global Web Index. « Quant à l’impact sur mon estime de soi, je pense que ça dépend du temps que tu mets dans les réseaux sociaux. Je n’avais pas nécessairement le feeling que ça m’avait affectée, mais force est d’admettre que oui », partage Desforges. 

Pour le Dr Bensimon, c’est un phénomène générationnel normal. « Les réseaux sociaux, si ça incite les gens à modifier leur apparence, ce n’est pas pire que dans les années 80, les tableaux publicitaires et les modèles de beauté de l’époque. La jeunesse va toujours idéaliser certains paramètres de beauté », note le chirurgien.

Or, Janick Coutu, psychologue et fondatrice de Dose de psy, une plateforme virtuelle qui offre des outils gratuits en santé mentale, observe que plus un réseau social est populaire, plus il a une grande influence. « Ce dont j’entends parler surtout depuis un an dans mon bureau, c’est des TIK TOK, […], c’est l’ado typique qui fait de courtes vidéos et qui a un ventre plat. Alors, les jeunes filles se comparent », explique-t-elle (Entretien téléphonique le 11 novembre).

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Y a-t-il une plus grande demande pour les chirurgies esthétiques en raison des réseaux sociaux ? 

Selon Éric Bensimon, il existe effectivement une plus grande demande, sans toutefois être pour l’instant « un phénomène excessivement troublant ou problématique ». L’accessibilité à certains outils technologiques qui permettent de faire plusieurs modifications d’apparences physiques et l’influence des médias sociaux amènent plus de personnes à vouloir apporter des changements chirurgicaux sur leur corps. « On a de plus en plus de jeunes patientes qui nous demandent des injections dans les lèvres, des seins très pulpeux, de redéfinir des mâchoires, toutes sortes de demandes qu’on ne voyait pas avant », remarque le chirurgien. 

Le Dr Bensimon voit aussi une grande demande pour le Brazilian Butt Lift (BBL), une chirurgie esthétique qui consiste à faire augmenter le volume des fesses très prisé au Brésil, d’où est née cette technique et qui rappelle les standards de beautés véhiculés par les Kardashians. « Le BBL est une procédure qui est très populaire et très à la mode, probablement à cause de l’influence des médias sociaux », mentionne-t-il. 

Malgré un intérêt plus marqué pour les interventions esthétiques et une plus grande demande de consultations, il n’y a tout de même pas une énorme augmentation de chirurgies. « Plus souvent qu’autrement on va refuser, car les gens voient des procédures sur les réseaux sociaux, mais celles-ci ne s’appliquent pas à la vaste majorité des patientes qui veulent les avoir », explique Dr Bensimon. 

Crédit photo: Béatrice guimont

Les selfies font-ils partie du problème ? 

Les selfies, connus comme étant un autoportrait pris à partir d’un téléphone intelligent et publié par la suite sur les réseaux sociaux, peuvent amener de l’insatisfaction chez des personnes face à leur image corporelle. Surtout si les selfies en question sont modifiés grâce à des filtres ou à des applications qui permettent des modifications faciales. « Des fois, les gens viennent nous voir parce que sur leurs photos il y a des choses qui les dérangent lorsqu’ils font une certaine pose ou quand ils sourient, alors la sur-analyse de photos ou de selfies vient augmenter une demande de chirurgies », explique Éric Bensimon. 

D’ailleurs, une exposition accrue à des photos et des selfies modifiés sur Instagram peut contribuer à l’insatisfaction de l’image corporelle chez les jeunes femmes. « Mes jeunes patientes se comparent énormément et elles ont la conviction que tout ce qu’elles voient sur Instagram est la norme. Elles généralisent et croient que tout le monde est beau sauf elles », évoque Janick Coutu.  

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Les influenceuses ont-elles une part de responsabilité ? 

Alors que les influenceuses affichent ouvertement leurs recours à des chirurgies esthétiques sur les réseaux sociaux, le tout peut sembler particulièrement attrayant et accessible pour leurs abonné.es. « Elles donnent un certain sens de réalité et d’accessibilité surtout puisque ça ressemble à ce que nous on peut aller chercher aussi », mentionne le chirurgien Bensimon.

D’ailleurs, depuis quelques années, le Collège des médecins du Québec observe une explosion de publicités dans le domaine des soins médico-esthétiques. Cela augmente donc le sentiment d’accessibilité à l’égard des interventions esthétiques.

Pour la Dr Coutu, les influenceuses peuvent faire partie de la solution. « Elles ne peuvent pas porter le poids de toutes les causes sociales, mais elles peuvent aider en faisant la promotion d’une image corporelle saine et diversifiée », propose-t-elle.

Crédit photo: Béatrice Guimont

Ce phénomène touche-t-il seulement les jeunes ? 

La psychologue Janick Coutu voit tous les jours des patientes qui parlent des réseaux sociaux dans leurs séances. Elle tient tout de même à préciser que son échantillonnage n’est pas nécessairement représentatif de la réalité chez tous les jeunes et toutes les femmes. « Ce n’est pas uniquement les jeunes qui sont affectés par les réseaux sociaux. Dans ma pratique, je fais aussi face à des trentenaires qui remettent leur estime en cause et en sont profondément affectées à cause de ces plateformes », soulève la psychologue. Selon le International Master Course on Aging, au niveau mondial, les 19-34 ans sont celles qui effectuent le plus de chirurgies tandis que les 35-50 ans sont celles qui ont le plus recours à des injections afin de retarder le vieillissement.

SOURCES : 

https://www.marieclaire.fr/impact-reseau-sociaux-chirurgie,1285063.asp

https://ruor.uottawa.ca/bitstream/10393/38296/1/Paul_Jolianne_2018_mémoire.pdf

https://www.researchgate.net/profile/Erin_Vogel3/publication/275507421_Social_comparison_social_media_and_self-esteem/links/55c2b71108aeb975673e47f6/Social-comparison-social-media-and-self-esteem.pdf