Comment les sans-abris peuvent-ils survivre au froid ?
Mercredi 25 novembre est la journée officielle de la première neige collante à Montréal. La température était sous le 0 degré avec un taux d’humidité s’élevant à 90%. Près d’une centaine de personnes vivant dans des tentes longeant la rue de Notre-Dame, Rappelons que les sans-abris sont autorisés à séjourner dans les parcs fédéraux et que seule la Gendarmerie royale du Canada (GRC) ont le droit de les évincer.
doivent affronter la rudesse de l’hiver qui s’installe. La plupart sont prêts et organisés. À quelques mètres du campement central, Pierre Martel et Jose David viennent à peine d’arriver et ils ont déjà tout le matériel nécessaire pour passer l’hiver.
«On est en santé. On peut même écouter des films dans notre tente et on a deux chargeurs solaires portatifs qui sont bons pour trois jours. On n’a pu vraiment besoin de grand chose et on a la paix, contrairement aux hébergements pour sans-abri », mentionne Pierre Martel en souriant.
Les deux hommes sont jugés invalides aux yeux du gouvernement et ne peuvent donc pas aller travailler pour subvenir à leur besoin. Martel mentionne qu’il a utilisé son chèque d’aide sociale pour payer sa tente à 450$ sur Amazon pouvant accueillir aisément six personnes. Son récent achat est un radiateur au propane de 18 000 BTU ne nécessitant aucune électricité et pouvant réchauffer jusqu’à 450 pieds carrés.
Quels sont les matériaux à leur disposition que peuvent utiliser les sans-abris pour se protéger du froid?
Jacques Brochu, un sexagénaire qui vit dans le campement depuis le 5 juillet, possède le modèle typique de tente à avoir pour faire du campement hivernal, selon Tommy Boucher, bénévole au campement Notre-Dame.
«J’ai trouvé un modèle de tente de 1957. J’ai piqué plus creux dans la terre des poteaux supplémentaire pour la solidité, plus deux bâches de transport à double feutre et par-dessus, j’ai mis des feuilles d’isolations en mousse, avec une bâche supplémentaire où on peut déjà voir la condensation», mentionne Jacques Brochu.
Autour de sa tente, il a même mis 1 200 livres de poids afin de maintenir la bâche pour empêcher le vent d’entrer. La neige doit être enlevée manuellement tous les jours. À l’intérieur, des lampions sont allumés afin d’enlever l’humidité de la tente. Normalement, Brochu maintient environ sept lampions pour donner un gain de température pendant qu’il mange. Il suggère d’en laisser continuellement six à sept lorsqu’il fera -20°C.
«Actuellement, il me reste à faire l’isolation de la porte afin d’ être bien au chaud. Même s’il fait –30°C dehors, il fera 20°C à l’intérieur de ma tente. Avec les méthodes que j’emplois, ça me permet d’être en santé, même que je n’ai jamais été aussi en santé de ma vie », mentionne l’homme d’une soixante-dizaine d’années tout sourire.
Vincent Charest, retraité de l’armée canadienne depuis un an, affirme que les techniques d’isolation de M. Brochu sont plus qu’adéquate.
« Ces gens-là sont plus équipés que ce qu’on nous apprend à l’armée!» (entrevue téléphonique du 25 novembre 2020)
Selon l’homme qui a servi pendant cinq ans dans les forces armées canadiennes, l’humidité est la première chose à prendre en considération lorsqu’on campe à l’extérieur durant l’hiver. Lorsqu’elle pénètre dans les os et qu’une personne est trempée, l’hypothermie survient dans un délai d’une heure. L’hypothermie est un des effets directs du froid sur la santé. Lorsqu’une personne est exposée au froid trop longtemps, son corps peut devenir incapable de garder une température adéquate pour bien fonctionner. Si sa température buccale descend en dessous de 35 °C, la personne est en hypothermie.
«L’hiver, il faut essayer de minimiser les efforts physiques pour empêcher la transpiration de pénétrer dans nos vêtements et d’y rester. En cas de gèle, les vêtements se transforment en glace et cela refroidit directement la chaleur du corps. C’est très dangereux et ça peut entraîner des risques graves pour la santé et même la mort. »
Quelles sont les autres options pour dormir en toute sécurité?
Les besoins de sécurité proviennent de l’aspiration de chacun d’entre nous à être protégé physiquement et moralement. Ce besoin est la deuxième base de la pyramide de Maslow , une théorie de 1940 selon laquelle les motivations d’une personne découlent de ses besoins non satisfaits.
UNE LIGNE
Laurence Houde-Roy, attachée de presse du comité exécutif de Montréal, a souligné l’ajout de 40 lits supplémentaires au refuge CAP-CARE dans l’ancien YMCA Hochelaga-Maisonneuve afin de permettre aux campeurs de la rue Notre-Dame de passer l’hiver au chaud.
«Ils m’ont proposé de venir dormir dans les nouvelles infrastructures offertes par la ville pour être plus à l’aise, mais j’ai refusé. Selon leur horaire, ils doivent nous mettre dehors dès huit heures le matin à -20 degrés. Penses-tu que ça me tente de me retrouver dans la rue avec mes bagages ? J’ai déjà mon set-up ici», s’exclame Pierre Martel.
Le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux de la ville de Montréal, Lionel Carmant, a annoncé le 29 octobre dernier un plan d’action hivernal pour venir en aide aux gens en situation d’itinérance. D’une valeur de 5 M$, partagé entre Québec et Ottawa, ce plan offrira 700 places supplémentaires, dont 380 lits à l’Hôtel Place Dupuis. La Société de transport de Montréal (STM) a également fait le don d’un bus à la Mission Old Brewery. Nommé Solidaribus, il se déplacera sur les rues de Montréal pour transporter des itinérants qui le souhaitent vers des refuges, dès le 30 novembre.
Pourquoi certaines personnes préfèrent-elles rester dans le campement ?
Certains sont réticents à aller dans les refuges proposés par la ville de Montréal parce qu’au campement, ils se sentent chez eux et ils ne retrouvent pas ce sentiment dans ailleurs.
«C’est pas parce qu’on est pauvre qu’on est misérable. Au contraire, vous avez vu la richesse que j’ai dans ma tente, la façon je me suis organisé et comment on s’organise en groupe. On s’entraide malgré les différends entre les groupes à l’interne», mentionne Jacques Brochu.
Selon Tommy Boucher, bénévole pour le campement Notre-Dame et administrateur de la page Facebook Campement Notre-Dame, les voleurs et les «drogués» représentent 5 à 10% du campement et c’est assez pour être nuisible. Ils volent les bonbonnes de propane des gens. Si certains campeurs décident de prendre le service d’hébergement du refuge, ils sont contraints de laisser leurs effets personnels dans la tente et à leur retour, ils se sont déjà tout fait voler.
«C’est pour ça qu’ils ont peur aussi de ne pas partir de leur tente. Quand tu vis dans une situation incertaine ou le vol est présent, tu agis comme le gardien de tes propriétés», mentionne-t-il.
L’Opération Mise à l’abri volontaire et solidaire, organisée par la Ville de Montréal propose aux campeurs d’entreposer leurs biens dans des cubicules au YMCA Hochelaga-Maisonneuve et à l’Hôtel Place Dupuis. Une fois entreposé, ils pourront y avoir accès uniquement en mars 2021.
Selon Boucher, 50% des campeurs de Notre-Dame sont équipés convenablement pour se garder au chaud en toute sécurité. Une fois par jour, des pompiers veillent sur les installations et prennent une marche avec les sans-abris pour prendre de leurs nouvelles.
La réticence provient aussi du fait de devoir non seulement abandonner leurs effets personnels, mais surtout par la peur de devoir se retrouver à la rue tôt le matin pour faire la file à deux heures de l’après-midi pour réservé leur place pour dormir, et ainsi de suite. Selon eux, leur confort et la liberté sont deux choses qui ne doivent pas avoir de prix.
Par ailleurs, le manque de logement est la cause première de leur présence dans ce campement. En moyenne, un 3 et demi coûte 1 500$ par mois. En 2019, une personne assistée sociale vivant seule reçoit 644 $ par mois comme prestation de base. Selon Tommy Boucher, il n’y a pas d’ouverture pour les logements à prix abordable (HLM) depuis des années. Quand la COVID est arrivée, le nombre d’itinérants à Montréal à passer de 3 000 à 6 000. Le chiffre n’a pas changé à ce jour.
Dix personnes parmi les gens présents de ce campement ne possèdent pas de revenu ni d’aide sociale. Depuis l’apparition de la pandémie, le nombre d’itinérants à doubler considérablement, selon Valérie Plante. À ce jour, 6 000 sans-abris sont recensé sur le territoire de Montréal.
Marie-Louise Blais, coordonatrice du centre sport de la petite-Bourgogne en collaboration avec du Projet Autochtones du Québec, explique que la raison de ce regroupement massif est dû à la pandémie. L’apparition du virus a fait augmenter le prix des loyers considérablement et par le fait même, fait déborder les organismes d’hébergement. Avec les nouvelles conditions sanitaire, la capacité d’accueil à diminué de 50% et les déjeunés ne pouvaient plus être offerts puisqu’il était interdit de manger sur place. Elle explique que les gens se sont regrouper sur dans les parcs de la rue de Notre-Dame puisqu’ils étaient plus prêt des ressources et que la ville avait autorisé leur présence.
«En groupe, les peuvent s’entraider et se diviser les biens et la nourriture. La ville a réouvert les organismes et les centres avec beaucoup de règlements. De ce fait, les gens ont commencé à venir à Notre-Dame parce que les ressources sont plus près, les travailleurs de rue venaient de plus en plus dans ce coin pour aider ces personnes dans le besoin et cela leur permettait de retrouver le contact social. La ville a autorisé cette place-là puisqu’il ne pouvait pas aller nulle part. C’est endroit représente l’endroit idéal pour les ressources tant pour les besoin psychologique que physique», souligne-t-elle.
En sommes, la présence du campement est la résultant de l’arrivé de la pandémie dans la grande métropole. pour les personnes en situation d’itinérance, cela signifie: aucun déjeuné, aucun contact social, aucune place pour mettre leur effets personnelles, aucune possibilité de quémander et moins de service psychologique et de soins de santé.
Le campement Notre-Dame est-il sécuritaire pour une bonne qualité de vie?
Sans travail, Tommy Boucher se dévoue à 100% dans ce campement regroupant près de cent tentes pour sans-abris.
«Mon collège [Guylain Levasseur] et moi, veillons à les accompagnés du mieux qu’on peut afin qu’il y ai du café. Ce matin on n’a pas pu leur en donné parce qu’il manquait de gaz dans la génératrice, mais grâce à un don du public, on va pouvoir la repartir», mentionne-t-il.
L’homme essaie d’aiguiller les citoyens de Montréal et de ses environs sur la demande des dons afin de ne pas recevoir de choses indésirables.
«En cette période hivernale, les choses dont on a le plus besoin sont des bonbonnes de gaz propane, du gaz pour la génératrice pour la cuisine et des lampions.»
Tommy Boucher déclare qu’à Montréal, il y aurait au moins 80 types de campement et seulement 10 d’entre eux se situent dans la région du Vieux-Montréal jusqu’à Hochelaga. Les autres camps ne désirent pas se faire déranger, car ils sont bien cachés. La police du quartier et les pompiers locaux le savent et tolèrent cela.
«Il y a des gens qui ont leur camp depuis plus de 8 ans. C’est comme un espèce de monde “underground” où il y a des catacombes de cachées et ce n’est pas facile d’y avoir accès, car les gens qui y résident sont très solitaires et protecteur de leur territoire.»
Le manque de logements sociaux au Québec ne relève pas de l’autorité de la mairesse Valérie Plante. Avoir un peu d’électricité, du gaz, plus de toilettes chimiques avec chauffage et lumière intégrés sont les besoins essentiels que les campeurs demandent à la ville.
«Si la mairesse sollicite l’aide de ses citoyens, ils suivront ce qu’elle dit. De connaissance, elle n’a jamais mis les pieds ici pour nous rencontrer et voir à la situation de ses propres yeux.»
Malgré leur manque d’item, les dons de nourriture sont chose constante pour le campement. Le propriétaire du Hoch café situé sur la rue Ontario Est, Dominic Roy-Blanchette, a offert généreusement 300 portions de pizza.
«La bouffe, on en manque pas! Si on pouvait recevoir des chandelles du ciel, ça serait merveilleux. On brule environ 60 L de gaz par jour alors on est souvent très serré avec la génératrice», mentionne le bénévole.
Comment les médias peuvent leur venir en aide?
Le campement de Notre-Dame est continuellement sollicité par les médias et cela dérange parfois certains sans-abris. Marie, qui préfère taire son nom de famille, mentionne avec émotion que la plupart des médias se servent de leur situation que pour avoir des vues sur leurs articles sans nécessairement leur venir en aide.
«Hier encore, Radio-Canada est venue faire le tour des tentes avec leur caméra pour poser les mêmes questions : êtes-vous correct ? Avez-vous besoin de quelque chose? Pensez-vous partir du campement prochainement ? On nous sollicite, ça nous prend du temps répondre à leurs questions et on néglige nos propres campements pour l’hiver qui vient d’arriver.»
Certains médias font bonne presse de la situation en parlant pour les gens alors que d’autres ont étiqueté le campement de bidonville en incitant la Ville à passer le bulldozer, selon l’administrateur de la page Facebook.
Un récent reportage de Pascal Robidas, du télé-journal 18h, paru le 17 novembre a aidé la campagne de sociofinancement de Campement Notre-Dame. Une collecte de fonds de la page Facebook a passé de 300$ à 2 000$ pour acheter une remorque fermée. La remorque que le campement possède est en piètre état ; l’eau y gèle , il y a de la neige dans les circuits et plein d’autres problèmes à venir avec l’arrivée de l’hiver.
«Actuellement, nous avons besoin de 3 000$ pour une remorque que vous avons repéré dans la Rive-Nord», mentionne l’administrateur de la page Facebook Campement Notre-Dame.
Sources:
https://www.msss.gouv.qc.ca/ministere/salle-de-presse/communique-2410/
https://www.tvanouvelles.ca/2020/10/27/un-hotel-transforme-en-refuge-pour-sans-abris-a-montreal