Comment la Place Dupuis est venue en aide aux itinérants cette semaine ?

Le 3 novembre, ouvrait pour sa première soirée le refuge pour itinérants à l’Hôtel Place Dupuis. L’édifice est présentement en rénovation suite à l’achat de l’hôtel par un investisseur torontois. Géré par Mission Bon Accueil, l’hôtel trois étoiles converti en refuge pourra venir en aide aux sans-abris et accueillera, de 20 h à 9 h, 380 personnes cet hiver. Une initiative que plusieurs autres hôtels inoccupés avaient prise cet automne.

Situé à deux pas du métro Berri-UQAM et des arrêts d’autobus, il est à la portée des hommes, femmes et animaux de compagnie.

Voulant ouvrir un étage à la fois, lors de sa première semaine, le refuge ne disposait que de 180 places. Selon le président-directeur général à Mission Bon Accueil, Sam Watts, les itinérants qui ont profité de l’hébergement étaient mixtes autant des hommes que des femmes et même des animaux de compagnies. Malgré une température plus haute que la normale au début de novembre, le président-directeur général à Mission Bon Accueil, Samuel Watts, se préoccupe de la situation cet hiver « Il faisait plus chaud que l’été ! J’appréhende la réalité de l’hiver à Montréal, où on va vivre avec des températures de -20 ° C. Nous allons voir si les demandes vont augmenter » confie-t-il. (Entretien téléphonique, 11 novembre 2020) La mission est d’offrir un endroit sécurisé où passer la nuit. Des gardiens de sécurité surveilleront les couloirs de l’hôtel. 

Photo Wiam Dahbi

Quel est le plan d’action de Montréal ?

Le 29 octobre, Lionel Carmant, ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, et Valérie Plante, mairesse de Montréal, ont fait l’annonce du plan d’action hivernal de Montréal pour venir en aide aux gens en situation d’itinérance. Un plan de 5 M$ sera partagé entre Québec et Ottawa.

Ce plan, qui a débuté ce mois-ci, aura 700 places de plus à l’an dernier. En tout, il y aura près de 1650 places à travers Montréal afin d’accueillir et de venir en aide aux sans-abris. Selon Valérie Plante, il y aurait environ 6000 itinérants cette année à Montréal, soit presque le double de l’année passée. En 2019, 75 personnes itinérantes sont décédées à Montréal dû à plusieurs facteurs, dont le froid l’hiver, ce qui explique la situation d’urgence et le besoin de ressources supplémentaires. 

En plus de l’ouverture de la Place Dupuis, il y aura un service alimentaire de jour au Vieux-Port de Montréal, prêt à accueillir 300 personnes. Éventuellement neuf haltes-chaleur pourront être retrouvées à travers Montréal. Ces endroits seront des locaux pour les personnes vulnérables afin qu’ils puissent se reposer, se réchauffer et obtenir de l’information sur les services supplémentaires offerts.  

« L’itinérance n’est pas seulement au centre-ville. L’itinérance est partout à Montréal et donc les besoins aussi » s’exclame Mariana Racine Méndez, organisatrice communautaire du réseau d’aide aux personnes seules ou itinérantes. (Entretien téléphonique, 11 novembre 2020) Il est important pour elle que le plan d’action vienne en aide à tous les itinérants près ou loin du centre-ville. Lionel Carmant a également annoncé un service d’autobus adapté aux sans-abris afin de les transporter aux refuges et centres d’aide. 

Photo Wiam Dahbi

Quel est l’impact de la COVID-19 sur les personnes vulnérables ?

La pandémie a eu de grands impacts sur les gens en situation d’itinérance en augmentant leur vulnérabilité. Plusieurs services ont été coupés, de plus les restaurants où les sans-abris allaient pour se réchauffer sont présentement fermés. Une situation qui sera bientôt difficile alors que le froid arrive à grands pas. 

De plus, la COVID et la crise du logement à Montréal ont été un grand enjeu auprès de la population.  « L’augmentation des prix des loyers, le bas taux d’inoccupation ainsi que le manque de financement pour le logement social contribuent chaque jour à faire basculer des gens dans la rue », informe le RAPSIM dans un communiqué de presse. 

« Pour l’instant on essaye le plus possible de planifier pour la possibilité qu’on aille plus de cas de Covid même si jusqu’à date ce n’est pas le cas », mentionne Watts.

Photo LA PRESSE CANADIENNE

Les habitants et commerçants du Village gai sont-ils inquiets ?

L’ouverture du refuge à l’hôtel Dupuis a reçu des réponses très partagées de la part des commerçants. Certains étaient inquiets d’une hausse de violence ou même d’une concentration plus forte d’itinérants dans ce secteur qui lutte déjà depuis des années contre l’itinérance. Toutefois, d’autres commerçants soutenaient l’idée et demandaient même plus d’encadrement de la part des organismes et du gouvernement. « Moi ça ne me dérange pas l’ouverture des refuges au centre-ville », raconte Anthony Sleiman, gérant d’un dépanneur sur la rue Sainte-Catherine, « Il y a du bon et du mauvais dans toutes les situations et de toute façon il y aura toujours des itinérants ici, ça ne va pas changer parce que toutes les organisations sont déjà là. Ça veut dire que peu importe ce qu’il passe, ces gens-là vont rester au centre-ville », ajoute-t-il. (Entretien, 11 novembre 2020)

Samuel Watts, comprend les inquiétudes et explique que l’organisme Mission Bon Accueil qui s’occupe de la gestion de l’hôtel Dupuis, est toujours à l’écoute des résidents du quartier ainsi que des propriétaires de magasins. « On doit être capable de rencontrer les besoins de tout le monde, c’est pour cela qu’on a des réunions toutes les semaines avec des acteurs du quartier pour s’assurer d’un suivi. On a aussi un partenariat important avec le service de police, ce qui donne un soutien et une surveillance de très proche du quartier », dit-il. 

Photo Wiam Dahbi

Quelles sont les perspectives d’avenir?

Pour Mission Bon Accueil, il faut regarder plus loin et tenter de prêter main-forte au-delà d’une nuit.  « Tout ce qu’on fait, c’est en vue d’aider les gens à trouver un logement permanent. C’est avec ça en tête qu’on essaie de donner un service d’urgence que ce soit pour le temps, d’une semaine ou d’un mois. Notre but c’est aussi de les aider dans les pistes de sortie », conclut-il.

Pour ce qui est de l’aide gouvernementale, Mariana Racine-Méndez affirme que les financements consacrés en hiver sont plus importants que tous ceux faits durant l’année. Toutefois, elle rappelle que les besoins ne sont pas présents uniquement lors de cette périodei, mais tout au long de l’année. « On vit une crise du logement, il y a aussi une crise d’opioïde, donc il y a toutes sortes de choses au-delà de la Covid-19 qui affectent les itinérants.  C’est pour ça que ça va être important que les financements soient encore au rendez-vous. Ce n’est pas vrai que quand la Covid-19 va arrêter qu’il n’y aura plus d’itinérance à Montréal. Il faut que les financements restent et continuent dans la lignée actuelle », ajoute-t-elle.

Photo Wiam Dahbi