Quels sont actuellement les défis à relever pour les billetteries?
Le 7 décembre, le festival Osheaga annonçait les têtes d’affiches de son événement à l’été 2021, malgré l’incertitude qui plane, puisque la deuxième vague persiste. Neuf des 18 grandes régions du Québec se trouvent actuellement en zone rouge, incluant les trois plus populeuses, soit Montréal, la Montérégie et la Capitale-Nationale. À elles seules, elles regroupent près de 52 % de la population québécoise. Le nombre de cas de COVID-19 augmentant de jour en jour, les promoteurs et les billetteries d’événements continuent d’être affectés par les mesures sanitaires.
Le directeur des communications, marketing et ventes du Théâtre du nouveau monde (TNM) (entretien téléphonique, 8 décembre 2020), Frédérique Brault, est d’avis que la webdiffusion des pièces présentées était un gros défi à relever. Avant même que Montréal ne vire au rouge, le TNM avait pris la décision de présenter ses pièces de façon virtuelle.
Ce dernier affirme que le virage numérique ne fait pas l’unanimité au sein des abonnés, puisque certains tiennent à la dynamique de la représentation en salle. Il se dit satisfait néanmoins de l’adhésion que les spectateurs ont eue face à cette nouvelle façon de faire. « On a sondé nos membres pour savoir s’ils recommanderaient la webdiffusion aux membres de leur entourage, et 98% d’entre eux ont répondu oui. On voit que l’expérience est satisfaisante. Je ne crois pas qu’on recommande des choses qu’on n’aime pas! », ajoute-t-il en riant.
Le gouvernement du Québec annonçait en octobre dernier que 75% des revenus perdus par les billetteries, en raison des mesures sanitaires, seraient remboursés par l’État. Brault salue cette mesure. « Ça nous donne un bon coup de pouce. Les revenus de webdiffusion, c’est une petite partie de nos revenus, et ça n’atteint pas ce qu’on anticipait en salle ».
Les consommateurs sont-ils satisfaits de la migration vers la webdiffusion?
Pour certains consommateurs, la webdiffusion des événements culturels a des avantages que n’offrent pas les spectacles en salle, comme le relève le président directeur-général et cofondateur de Lepointdevente.com, Yannick Cimon-Mattar (entretien téléphonique, 7 décembre 2020). « Ça rend ça plus facile d’aller voir des spectacles qui sont loin de la maison. Quand on a un jeune enfant, par exemple, on peut regarder un show dans son salon pendant qu’il dort au lieu de devoir se déplacer vers l’événement », explique-t-il. C’est « sans surprise » qu’il constate, selon les statistiques recueillies depuis les débuts de la pandémie, que la distance entre le lieu où l’événement est consommé et où il est produit s’est agrandie.
Ce phénomène géographique touche également les ventes du TNM. « Une dame nous a écrit de Vancouver en disant qu’elle était une fan du TNM et qu’elle est contente de pouvoir partager ces moments de théâtre avec ses enfants, à partir de la Colombie-Britannique », rapporte Brault. Il affirme que certaines des productions en webdiffusion ont réussi à rejoindre des gens au Japon et en Australie, notamment.
Si certains abonnés du théâtre se sont montrés heureux de pouvoir continuer à « être en contact avec le théâtre », d’autres ont demandé un remboursement de leur saison, ceux-ci tenant au décorum de la salle de spectacle, comme le soulève Brault.
Est-ce que les vendeurs de billets peuvent refuser de rembourser leurs clients?
Le responsable des partenariats stratégiques et des relations avec les médias de l’Office de la protection du consommateur (OPC), Charles Tanguay (entretien téléphonique, 9 décembre 2020), explique que si l’organisateur de l’événement change la proposition de l’événement initial, les acheteurs sont en droit de voir leur billet remboursé. « Quand un consommateur achète un billet, c’est comme un contrat qui porte sur quelque chose de précis. C’est un événement spécifique à une date spécifique. Le consommateur pourrait ne pas être intéressé à assister à l’événement à une autre date ou si l’événement est en ligne », explique-t-il. Il souligne que, si le client a trois ans après la date de l’événement pour réclamer son argent, « plus longtemps le consommateur attend avant de demander un remboursement, plus ça devient hasardeux. » Les acheteurs devraient donc entreprendre des démarches dès que des changements qui ne leur conviennent pas sont effectués dans l’organisation de l’événement.
Qu’est-ce que les acheteurs de billets peuvent faire s’ils ne sont pas remboursés?
Les consommateurs ont des ressources à leurs dispositions s’ils n’obtiennent pas de remboursement. « Les clients peuvent toujours appeler à l’Office pour porter plainte. On y regarde la situation en détail et on vérifie quelles seraient les meilleures démarches pour faire valoir leurs droits », explique Tanguay. Cette action mène généralement à une mise en demeure au promoteur impliqué. « Si cette démarche est sans résultat, on peut inscrire une cause contre le promoteur de l’événement à la division des petites créances ». Généralement, l’étape de la mise en demeure est suffisante pour faire bouger les choses, affirme-t-il.
L’Office peut lui-même entamer des poursuites pénales. « Dans son rôle de surveillance, l’Office à un pouvoir d’enquête et peut recommander des poursuites. Le nom le dit, c’est pour punir un commerçant qui ne respecte pas la loi », fait remarquer Tanguay. Des consommateurs vivant une situation semblable peuvent également déposer une action civile en leurs noms contre un organisateur d’événement.
En juin dernier, un recours collectif envers la société américaine de vente de billets Ticketmaster a été déposé au nom des clients canadiens, alléguant que des mesures de remboursement abusives ont été employées par l’entreprise. Celle-ci aurait changé sa politique de remboursement afin que les remboursements ne soient faits que trente jours après l’annulation des événements et que la responsabilité de remboursement reviendrait aux promoteurs et organisateurs de ceux-ci advenant le cas ou Ticketmaster jugerait que l’événement serait reporté à une autre date. Cette nouvelle politique aurait été adoptée le 12 mars 2020, soit une journée après que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) ait déclaré l’état de pandémie mondiale.
Les clients peuvent-ils être découragés par la bureaucratie des remboursements?
Charles Tanguay juge que plusieurs consommateurs pensent à tort que le processus de plainte de l’OPC est laborieux. Ce dernier appelle néanmoins les consommateurs à passer à travers le processus. « C’est important de la faire. Si on omet de porter plainte, on laisse aller des entreprises aux pratiques illégales ou douteuses, simplement par dépit ou paresse, alors que ce n’est pas si difficile que ça. » Selon lui, en entamant des démarches lorsqu’une telle situation se présente, les sociétés de vente de billets amélioreront leurs politiques et règlements. « Hormis la question de l’argent, c’est important que les gens le fassent, simplement pour que les entreprises adoptent de meilleures pratiques. Il faut que les gens se fassent un devoir de faire respecter ces lois », insiste-t-il.
La vente de billet a-t-elle ralenti depuis la deuxième vague?
Cimon-Mattar soutient qu’historiquement, le temps des Fêtes n’est pas un excellent moment en ce qui concerne la vente de billets. Il ajoute toutefois que de nouveaux phénomènes se manifestent, où différentes salles de spectacles et diffuseurs organisent des événements du temps des Fêtes et où des entreprises organisent des spectacles pour leurs employés. « Des entreprises qui ont plusieurs centaines ou milliers d’employés, qui veulent redonner, nous contactent pour créer ces environnements-là d’événements virtuels. » Ces nouveaux événements engendrent donc des ventes inespérées pour cette période.
Il se rassure en se disant que pour l’instant, et même peut-être lorsque les choses reviendront à la normale, les services de webdiffusion pourront se tailler une place dans le monde de l’événementiel. « Le produit s’affine, les gens commencent à s’habituer. Ça ne remplacera jamais le live, mais en attendant, et peut-être même quand les choses redeviendront normales, ça pourrait créer une source de revenus pour la culture. »
En 2019, 46% des dépenses en ligne effectuées par les Canadiens étaient destinées à l’achat de billets de divertissement.
Sources
https://www.ledevoir.com/politique/quebec/587121/point-de-presse-legault-2-oct
https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/11-627-m/11-627-m2019064-fra.htm