Pourquoi est-il urgent d’agir contre les changements climatiques ?
Sir David Attenborough, scientifique naturaliste de la BBC, s’est adressé aux Nations Unies lors du dernier sommet sur le climat (COP24) en mettant en garde contre « l’effondrement de la civilisation » si des mesures sérieuses ne sont pas mises de l’avant à très court terme pour lutter contre les changements climatiques à l’échelle globale. Les experts de la communauté scientifique s’accordent avec sa déclaration : si le changement ne vient pas rapidement, c’est vers une catastrophe que l’humanité se dirige. Tout au long de l’année, ces discours ont défrayé les manchettes, tant au Québec qu’à l’étranger, alimentées par les désastres naturels qui ont frappé de nombreuses villes. Pour Piero Calosi, professeur à l’Université de Rimouski et spécialiste en biologie des changements climatiques et des températures , l’urgence est réelle. « C’est une nécessité pour sauver notre biodiversité, notre nature, mais aussi pour sauver notre culture et notre économie », explique-t-il (entrevue téléphonique 3 décembre). Alors que plusieurs pays se fixent des objectifs pour atteindre la neutralité des émissions de CO2 et ainsi freiner le réchauffement climatique, le professeur n’hésite pas à pointer les lacunes du Québec à ce niveau : « Sur la question de la neutralité, on est en retard ! La Norvège est sensée y arriver en 2030, la France en 2050… Nous, dans les dernières années, on a perdu notre trajectoire positive, les cibles fixées pour 2020 et 2030 sont décalées. On a augmenté notre émission de CO2 plutôt que la réduire », souligne-t-il.
Photo: Martin Ouellet-Diotte
Est-il trop tard pour lutter contre cette problématique ?
« Une question de vie ou de mort » pour certains, c’est ce qu’affirme Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU, le lundi 3 décembre lors de son discours d’ouverture de la COP24. Si les discours de Sir David Attenborough et d’Antonio Guterres sont alarmants, pour Piero Calosi, il « n’est jamais trop tard ». « On est en mesure de faire ce qu’on peut faire dans le moment. C’est certain que l’on est en retard, au niveau de la planète Terre », ajoute-t-il. Le Québec est aussi en retard quant au « niveau de la réduction de l’émission des gaz à effet de serre », souligne-t-il. Le 10 novembre dernier, plusieurs mobilisations citoyennes avaient lieu au Québec, une volonté claire des citoyens qui étaient plus de 50 000 à descendre dans les rues de Montréal, selon les organisateurs. Ce que déplore Piero Calosi, si les changements ne s’effectuent pas tout de même rapidement, c’est la perte de « notre tradition et notre culture », « notre savoir local, mais surtout, on perd des chances économiques parce qu’on a la possibilité de se pencher sur une économie plus verte, des opportunités technologiques aussi et donc d’avancer d’un nouveau côté social et culturel. Je trouve que si on est des acteurs principaux de l’histoire plutôt que des victimes on a la possibilité de démêler cette histoire, de la changer et de prendre de bonnes opportunités », explique-t-il.
Photo: Martin Ouellet-Diotte
Au Québec et ailleurs, quelles mesures doivent être implantées afin de mener cette lutte ?
Les mesures sont nombreuses et surtout collectives, la lutte aux changements climatiques doit être globale pour être efficace. Les traités comme l’accord de Paris, qui fixent des objectifs à atteindre en matière d’émission de carbone pour ses signataires, ont leur importance, tout comme les politiques environnementales internes de chaque pays. Selon Piero Calosi, le modèle de société doit être repensé tant des les secteurs environnementaux que dans l’économie et le social. « D’un point de vue économique, on pourrait favoriser les entreprises qui fournissent de la technologie verte au sein du pays, adopter les autos électriques, l’utilisation encore plus grande des énergies renouvelables », donne-t-il comme exemple. Avant tout, il faut implanter des mesures de conservation pour préserver les bienfaits de la biodiversité. « Il faut protéger les écosystèmes particuliers, qui ont pris beaucoup d’années ou des siècles à se former, et qui ont une grande importance sur la rétention du carbone, comme les forêts, les tourbières et les forêts de macroalgues dans le Bas-Saint-Laurent, affirme le biologiste. Il y a une série d’écosystèmes qui sont aussi essentiels pour nous protéger par exemple contre l’assaut des vagues et l’érosion, telle que les dunes, les marais… que l’on doit davantage défendre et recréer ce que l’on a perdu, nos défenses naturelles. »
Photo: Martin Ouellet-Diotte
L’environnement et l’économie : complémetaire?
Les deux secteurs ne sont pas nécessairement opposés, et peuvent même être fortement liés, le tout nécessite cependant de grands changements au cœur des structures de la société. « C’est un défi positif qui nous mènerait à une société mieux structurée, où la santé de l’environnement et la santé humaine sont centrales à notre développement économique. Ça n’empêche pas la croissance économique, c’est une économie différente. Une économie verte. Du transport en commun plus puissant, des autos électriques plutôt que des énergies fossiles, etc. », résume Piero Calosi. L’environnement peut facilement devenir un puissant moteur économique, mais pour ce faire il faut donc laisser place à ce secteur et changer tout autant nos modes de consommation que nos moyens de production, un cheminement inévitable selon le professeur de biologie. « Les humains sont une espèce qui dépend de notre écologie, il faut défendre cela pour assurer la perpétuation et la santé de notre espèce. »
Photo: Martin Ouellet-Diotte
Quels sont les impacts que l’on peut déjà constater ici ?
Évidemment, les effets du réchauffement climatique se font ressentir de plus en plus. Les mois d’octobre et novembre ont montré des baisses de température considérables par rapport aux années précédentes. « On voit aussi de plus en plus d’événements extrêmes, plus intenses, plus fréquents comme les sécheresses, les inondations », explique Piero Calosi. Mais, c’est « surtout le déplacement des espèces vers le nord, et l’arrivée de nouvelles espèces des régions plus au sud du Québec » qui montre l’ampleur du phénomène mondial, souligne-t-il. L’une des prochaines victimes du réchauffement serait le produit emblématique du Québec : le sirop d’érable. « On voit des troubles pour les érables à cause du réchauffement, donc peut-être une perte de la productivité ou de la qualité du produit typique du Québec comme le sirop d’érable » affirme le professeur. En effet, avec les températures qui montent, l’arbre pourrait ne plus vivre dans les régions auxquelles il est attaché.
Photo: Martin Ouellet-Diotte
Où sera le Québec en 2050 ?
Pour Piero Calosi, si des mesures plus importantes ne sont pas prises rapidement au Québec, il voit « un Québec qui a perdu des chances, un Québec qui a perdu la chance de trouver une trajectoire de développement qui soit correcte et la perte s’adapter de façon plus progressive dans le changement. Parce que le changement va arriver, point. » Si, en raison du réchauffement climatique, le Québec peut perdre son sirop, ce seront des pertes considérables « que l’on va avoir aussi du côté de la qualité de la vie, du territoire, de la nourriture, de la santé », explique le biologiste. Il se montre tout de même confiant et explique que « le Québec prend en charge sa responsabilité environnementale, veut redresser la trajectoire des réductions de CO2, qui investit sur l’énergie renouvelable et qui devient une référence au niveau international pour une société verte, avec une économie verte capable de produire une technologie exportable à l’étranger. » Il conclut en affirmant que « plus on attend, moins on fait [ndrl : le changement], plus ça va être difficile et dramatique, mais je pense qu’il y a tout en place pour permettre ça et qu’il y a aussi la volonté au niveau de la société, je sens, de faire ça. »
SOURCES
http://www.environnement.gouv.qc.ca/changements/ges/
https://www.meteomedia.com/nouvelles/articles/hiver-hatif–hiver-dechaine-reponse-ici/115823/