Connaitre sans vraiment connaître la transexualité ?
C’est la première fois qu’autant de candidats à des élections provinciales sont issus de la communauté LGBTQIA2+, au moins 22 candidats comme le confirmait la Presse canadienne. Et pour la première fois, une candidate transsexuelle, Michelle Blanc se présentait pour siéger à l’Assemblée nationale du Québec, elle aura été battue par la candidate de Québec Solidaire, Ruba Ghazal.
De plus en plus, on peut constater une certaine évolution autour de la transsexualité. Alors qu’il y a encore quelques années la transsexualité était un sujet tabou, aujourd’hui la réalité transsexuelle apparait dans nos petits écrans. Notamment avec la première actrice transgenre à avoir un rôle de haut d’affiche dans une série américaine, Laverne Cox (Sophia Burset dans Orange Is The New Black diffusé en 2013).
Malgré ces différentes évolutions, que ce soit du côté politique ou médiatique, la question de la réalité trans reste un sujet peu souvent abordé. Pourtant à Montréal la communauté trans réunirait pas moins de 600 personnes. Cependant, aucun recensement n’est fait par le Canada.
Foreign and Commonwealth Office | Flickr
Être trans, c’est quoi ?
Lorsqu’on parle de trans, il faut distinguer deux réalités différentes. Dans un premier temps, il y a les personnes transgenres. Comme défini dans le Petit Robert, une personne transgenre est « une personne dont l’identité sexuelle psychique et sociale ne correspond pas au sexe biologique ». Toutefois, cette personne n’a pas entamé de procédures médicales pour un changement de sexe physique.
Contrairement donc à la personne transgenre, une personne transsexuelle est quelqu’un qui commence, a commencé ou souhaite commencer des démarches légales, médicales pour son changement de sexe.
Mais la réalité transsexuelle « c’est différent pour chaque personne » explique « Cooper » (lors d’une entrevue Facebook les 2 et 3 octobre 2018). Ce jeune homme transsexuel de 23 ans, a choisi de se faire surnommer « Cooper » pour des raisons personnelles, car il souhaite garder l’anonymat.
« De tout mon parcours, je n’ai jamais connu une autre personne qui a vécu quelque chose exactement comme moi ou en même temps, ou avec la même facilité/difficulté », explique Cooper. Pour lui, comme toute personne est différente, chaque transition l’est également. « On ne peut pas généraliser les personnes trans, parce que chaque vécu est différent. Il n’y a pas une seule façon de faire sa transition. »
Clara Loiseau
Comment se passe une transition ?
Comme l’expliquait Cooper plus tôt, chaque changement de sexe, chaque transition sont différents. Déjà, une transition d’homme à femme et de femme à homme sont deux choses « totalement différentes » explique Cooper.
Si une transition est propre à chaque personne, Cooper lui a commencé la sienne en faisant une « transition sociale, donc demander de changer mon nom dans mes cercles d’amis et ma famille ». Il vit « en homme » depuis ses 18 ans, mais n’a pas effectué de chirurgie.
C’est ensuite en passant par différents organismes communautaires que Cooper s’inscrit dans une clinique par consentement, qui est une clinique qui décide de fournir le service « sous forme de consentement éclairé » comme fait remarquer Cooper. Cette clinique lui a fait signer un formulaire lui expliquant par exemple les effets positifs, négatifs connus sur le court et long terme, mais aussi qu’il y avait des effets inconnus lors de la prise d’hormones. « Dans le fond c’était pour me permettre de prendre ma propre décision, à savoir si c’était le bon choix ».
À l’opposé de la clinique par consentement, les personnes désirant changer de sexe peuvent également aller dans une clinique thérapeutique. Comme l’explique son nom, c’est donc sous forme de thérapie que s’effectue ce chemin vers la transition. C’est donc en rencontrant un psychologue, un psychiatre ou un sexologue lors de nombreuses séances que la personne trans pourra alors obtenir une lettre affirmant le désir de changer de sexe.
Comme l’explique Cooper, « par consentement, c’est une liste d’attente, boom docteur, prises de sang, prescription, là tu fais ton injection toi-même ou docteur ou infirmière, that’s it. »
Pixabay
Et après la transition, qu’est-ce qui se passe ?
Changer de sexe, être transsexuel, ça ne s’arrête pas à la prise d’hormone et/ou à la chirurgie. Il a un tout autre aspect souvent oublié et souvent difficile pour toute personne ayant changé de sexe, la « paperasse »
Pour changer de sexe aux yeux du gouvernement, les démarches sont longues. Pour Cooper par exemple, cela a pris entre « huit et neuf mois ».
Dans un premier temps, un formulaire de demande de changement de sexe doit être rempli et envoyé au directeur de l’état civil du Québec. Comme précisé sur leur site, « des annexes et des documents complémentaires doivent être joints au formulaire en fonction de chaque situation » par exemple « une lettre d’un médecin, d’un psychologue, d’un psychiatre, d’un sexologue ou d’un travailleur social autorisé à exercer au Canada ou dans l’État du domicile de la personne visée par la demande, qui déclare avoir évalué ou suivi la personne visée par la demande et qui est d’avis que le changement de cette mention est approprié. »
C’est ensuite la Régie de l’assurance maladie du Québec et donc le premier changement de papier gouvernemental qui permet ensuite aux personnes transsexuelles changer et d’affirmer leur identité en ayant la bonne mention de sexe et de nom au sein de toutes les institutions.
Clara Loiseau
Quelles sont les principales difficultés après la transition ?
Alors que son changement de sexe est officiel au Québec, donc au niveau provincial, le changement de sexe de Cooper au niveau fédéral n’est pas reconnu à ce jour. Mais même au niveau provincial, Cooper rencontre encore des difficultés à être un citoyen à part entière étant donné qu’il n’a pas pu voter lors des élections du 1er octobre par exemple. Son dossier n’apparaît « nulle part » comme il l’explique, « ni à mes six dernières adresses, ni à mon nouveau nom, ni à mon ancien nom».
Une même grande difficulté dans d’autres institutions comme les banques ou les compagnies de services téléphoniques. « Aucun pont n’est créé pour permettre aux personnes transsexuelles de changer de nom et dénominations » sur le contrat.
Cooper aura, par exemple, dû mettre fin à son contrat téléphonique pour ouvrir un nouveau contrat afin de changer son nom.
Jason Pier | Flickr
Un nouveau gouvernement aux valeurs incertaines ?
Le nouveau chef de gouvernement québécois, François Legault, suscite au sein de la communauté LGBTQIA+ une certaine crainte. En effet, celui-ci n’a jamais participé au défilé Fierté de Montréal. Le seul gouvernement qui avait refusé d’y participer dans les années précédentes, c’était le gouvernement conservateur sous Harper.
Avec le nouveau premier ministre québécois, surnommé par certains de « Trump québécois », Cooper craint subir les mêmes genres de stigmatisations et d’intolérances que ses voisins du sud ou même un retour en arrière dans l’ouverture d’esprit face aux transsexuels.
Entrevue par Facebook Messenger avec « Cooper » le mardi 2 octobre
Entrevue en personne avec « Cooper » le mercredi 3 octobre
Le Petit Robert.
Site gouvernemental du Directeur de l’état civil du Québec, http://www.etatcivil.gouv.qc.ca/fr/changement-sexe.html