Est-ce que Trump a réussi à garder son électorat féminin depuis le début de son mandat?

Les femmes qui voteront pour Donald Trump aux prochaines élections risquent d’être moins nombreuses qu’elles l’étaient en 2016. Certaines femmes qui formaient le 53% de votes féminins qu’a obtenu le président américain lors de son premier mandat ne cocheront pas la boîte aux côtés du nom de Trump cette année, comme l’explique la chercheure en résidence à la Chaire Raoul-Dandurand Andréanne Bissonnette, (entretien téléphonique, le 3 octobre 2020). «On voit de plus en plus d’échos des femmes des banlieues comme quoi le discours de Donald Trump ne les convainc pas en 2020. Le discours de Trump quant à la loi et l’ordre, qu’il martelé pendant la Convention républicaine […] ne fonctionne pas auprès de cet électorat», explique-t-elle. Les priorités de ces mères de famille étant plus orientées vers la gestion de la COVID-19, la crise économique et l’éducation, ces dernières ne se sentent pas interpellées par les promesses du président américain, selon la chercheure. En hausse depuis l’arrivée de la COVID, le taux de chômage étant plus haut chez les femmes que chez les hommes, la gestion de la pandémie est devenu un sujet sensible pour ces mères. «Les banlieues aux États-Unis constituent près de 50% de l’électorat. C’est donc un champ de bataille assez important.»

Andréanne Bissonnette
Olivier Jean, La Presse

En obtenant moins de votes chez les américaines qu’il y a 4 ans, Trump risque-t-il de perdre les prochaines élections?

Alors que les sondages actuels prédisent une victoire de Joe Biden avec 53% des votes, Trump a toujours derrière lui une base d’électeurs importante, et ce, chez les femmes également. 

«Les femmes votent avec leurs enfants en tête. Je vois une Amérique plus sécuritaire et un meilleur futur avec Trump pour protéger mes droits», assure Susan Seager, une mère vivant en Floride (échange de courriels, le 6 octobre 2020). Habituée de voter républicain et conservateur, elle ne se reconnaît pas dans les idées du Parti démocrate. «Je crois que Biden et ce parti veulent réécrire la Constitution et faire des changements qui ne bénéficieront qu’à quelques personnes. Ils ne sont pas pour, Nous le Peuple (We The People)”.»

Pour elle, Donald Trump représente bien la population féminine, puisqu’il « a plus de femmes à la tête de positions importantes, dans son cabinet, que tous les présidents auparavant », une affirmation qui s’avère toutefois fausse, ce dernier ayant formé le cabinet le moins diversifié depuis Ronald Reagan, constitué de 18 hommes et de 4 femmes. 

Manuel Balce Ceneta, AP Photo

Les femmes ont-elles avantage à voter pour Trump? 

 «L’économie s’est améliorée sous le gouvernement de Trump, ce qui est bon pour l’ensemble de la population», estime Mme Seager.

L’écrivaine et journaliste américaine Nina Burleigh est d’avis que Trump n’a rien de bon à offrir aux femmes américaines. «Beaucoup de femmes doivent se dire «Cet homme n’est pas bon nos filles, ce n’est pas un bon président pour les femmes». Sa façon de communiquer est si brutale. Il n’a pas de compassion et c’est bien apparent depuis le début de la pandémie», affirme l’auteure de l’ouvrage The Trump Women: Part of the Deal (entretien téléphonique, le 7 octobre 2020).

Il est faux de croire que les femmes ne forment qu’un groupe d’électeurs homogène, souligne Andréanne Bissonnette. “Malgré certains discours qui tentent à uniformiser les femmes, elles ne sont pas toutes pro-choix, pro-immigration et de gauche. Il y a des différences idéologiques au sein des électrices tout comme il y en a au sein des électeurs, et c’est ce qui va venir orienter leurs choix”, rappelle la chercheure. 

Nina Burleigh
Erik Freeland

Comment peut-il reconquérir les électrices américaines d’ici les élections ? 

Bien que Donald Trump ait perdu un certain appui du côté des femmes en raison de son  manque d’empathie dans sa gestion de la pandémie, son diagnostic positif  à la COVID-19, dont il a largement minimisé les effets, pourrait possiblement changer la donne au sein des sondages. À titre de comparaison, au moment où Boris Johnson avait attrapé la COVID-19, celui-ci avait un discours beaucoup plus sceptique face à la pandémie, alors que suite à son diagnostic, et son expérience personnelle, son discours à changé. Andréanne Bissonnette se questionne: « Donald Trump changera-t-il son discours? Est-ce qu’un tel changement pourrait faire oublier les six derniers mois à un électorat qui critique sa gestion de la pandémie?» Une semaine après son diagnostic, ce dernier affirme toujours qu’il ne faut pas craindre la COVID-19. 

Photo du dernier débat entre Trump et Biden
Julio Cortez, Associated Press

Quels effets la nomination de la juge Amy Coney Barrett peuvent-ils avoir sur la tournure des élections? 

La nomination à la Cour suprême de la juge Amy Coney Barrett, ouvertement pro-choix, vient certainement cibler une partie de l’électorat, autant du côté des femmes que des hommes, selon Andréanne Bissonnette. «Pour celles dont c’est l’enjeu principal, c’est en effet une victoire et on vient cimenter un peu plus leur choix, mais pour d’autre où c’est un enjeu sans être l’enjeu principal, ça ne veut pas dire directement que cette décision va entraîner un vote pour Donald Trump». Nina Burleigh est d’avis que la nomination de la juge Coney Barrett vient consolider le pouvoir de la droite au sein de la Cour suprême. Cette dernière affirme que «La question de l’avortement a toujours été un moyen de s’attirer plus de votes. La juge Barrett n’a pas été sélectionnée seulement pour ses positions anti-avortement, elle a été sélectionnée pour son dévouement à l’agenda républicain qui est contrôlé par les riches donateurs et le pouvoir insurmontable qu’elle apportera à la Cour suprême», reproche-t-elle. Le Parti républicain fait pression pour s’assurer que la nomination de la juge Barrette soit effective avant les élections du 3 novembre.

Carolyn Kaster, AP Photo

Quelles parties de la population risquent-elles d’être déterminantes dans les résultats des prochaines élections?

Les chercheurs estiment que les femmes «votent plus que les hommes, […] et on voit qu’il y a vraiment une augmentation de la participation des femmes», ce qui en fait le premier groupe à surveiller lors du prochain scrutin, selon Andréanne Bissonnette. Elle explique que les Afro-Américains, livrant une lutte serrée dans certains États du Sud, seront aussi déterminants. Actuellement, les Latino-Américains représentent le plus grand groupe de minorité ethnoculturelle, surpassant les Afro-américains en nombre d’électeurs éligibles, représentant 13,3% de l’électorat cette année. Les républicains qui se résigneront à voter  pour Biden, critiques de la gestion de la pandémie par Trump, pourraient également avoir un poids dans la balance électorale, selon les prévisions des chercheurs de la Chaire Raoul-Dandurand.

Selon Mme Bissonnette, «l’issue des élections va beaucoup dépendre de qui va sortir voter  et de la gestion du vote par anticipation, qui connaît certains ratés». Avec près de 65,5 millions de bulletins de vote qui avaient été réclamés ou envoyés à travers les États-Unis à la fin du mois de septembre, les résultats pourraient grandement être influencés par la gestion de ceux-ci. 

Sources

https://www.wbur.org/hereandnow/2020/08/26/republican-suburban-women-trump

https://www.politico.com/news/2019/11/01/trump-2020-women-063583

https://www.francetvinfo.fr/monde/usa/presidentielle/donald-trump/etats-unis-les-meres-de-famille-reflechissent-a-leur-vote-pour-l-election-presidentielle_4117379.html

https://www.cnn.com/election/2020/candidate/trump

https://www.marieclaire.fr/,une-realisatrice-a-rencontre-les-femmes-qui-ont-vote-pour-donald-trump,834143.asp

https://www.ledevoir.com/monde/etats-unis/586682/aux-etats-unis-le-vote-postal-defavorise-surtout-les-minorites

https://www.lefigaro.fr/international/2017/01/24/01003-20170124ARTFIG00234-le-cabinet-de-trump-le-moins-diversifie-depuis-ronald-reagan.php