Pourquoi organiser une corvée de nettoyage ?
À l’occasion de la Journée mondiale du nettoyage (World Cleanup Day), la Ville de Boisbriand a lancé sa toute première corvée de nettoyage, concentrée sur le nettoyage des berges de la rivière des Mille-Îles. Il s’agit d’une initiative proposée et organisée par le président de la Commission environnementale de la Ville, le conseiller municipal Jean-François Hecq, qui s’est également associé avec Jimmy Vigneux, directeur et fondateur de la Mission 100 tonnes. Cette Mission a pour objectif, comme son nom l’indique, de retirer une centaine de tonnes de déchets des cours d’eau de la planète.
« C’est un projet citoyen, commente Jimmy Vigneux, pour vraiment mobiliser les gens à refuser que nos cours d’eau soient sales, puis à prendre action pour les nettoyer. » Actifs depuis un an, les membres de la Mission ont effectué 21 corvées de nettoyage dans autant de municipalités du Québec, ainsi que 11 à Montréal. « Là on est rendus à 65 tonnes de déchets qu’on a amassé avec l’aide de près de 10 000 personnes, poursuit Vigneux. » Lors de la corvée de nettoyage, les citoyens de Boisbriand ont retiré deux tonnes de déchets en tout genres de la rivière des Mille-Îles.
crédit photo: Félix Poncelet-Marsan
Est-ce que les citoyens ont participé en grand nombre ?
« On a eu environ 75-80 personnes qui ont manifesté leur intérêt, répond Jean-François Hecq, on s’attend à être environ 50-60 personnes, peut-être plus. » Ces attentes ont été comblées, une cinquantaine de personnes de tous les âges se sont déplacés pour participer à la corvée de nettoyage; tous équipés de pinces et de seaux et chargés de ramasser les déchets jetés au bord de l’eau.
« On est surpris par l’engouement que ça a suscité, poursuit Hecq, des activités dans ce genre-là, quand t’attires quelque dizaines de personnes c’est [déjà] un succès. » Le conseiller municipal ne cachait pas sa satisfaction devant les nombreux citoyens présents. « Je suis fier de ma ville quand je vois autant de monde qui se rassemblent ensemble pour faire une corvée pour ramasser des déchets […] je suis vraiment fier de vous autres », a-t-il annoncé lors de son discours d’ouverture.
crédit photo: Félix Poncelet-Marsan
Comment autant de déchets peuvent se retrouver dans les cours d’eau ?
La principale cause justifiant le nombre de déchets urbains retrouvés dans les rivières est le ruissellement de surface. En temps de pluie, l’eau qui tombe dans les milieux urbains atterit le plus souvent sur des surfaces imperméables. Puisque l’eau n’est pas absorbée par le sol, elle s’écoule et ruisselle dans les rues, jusqu’à aboutir vers les égouts. Ce faisant, tous les déchets jetés par terre et sur la voie sont entraînés sur ce même chemin, qui se termine dans les rivières.
Mais les causes du problème ne se limitent pas qu’au ruissellement, en effet, certaines personnes jettent volontairement leurs rebuts dans les cours d’eau. Selon Kim Marineau, écologiste et présidente de l’entreprise Biodiversité Conseil, les principaux responsables sont les entrepreneurs qui doivent payer afin de bénéficier de la collecte de leurs déchets: « Les [occupants de] maisons individuelles eux ils paient ça dans leurs taxes, alors que les entreprises, elles, doivent payer. Donc certaines petites entreprises qui sont moins écologiques […] vont essayer de diminuer leur volume en faisant un dépôt sauvage. […] Ça existe encore, il faut le savoir, c’est pas juste historique. »
crédit photo: Météomédia
Est-ce que la pollution aquatique due aux déchets a un impact important ?
L’impact de la pollution due aux déchets dépend selon Marineau de la quantité des déchets jetés ainsi que leur nature; plus les rebuts sont nombreux et nocifs, plus l’impact de la pollution est grand. « C’est une accumulation, […] ça s’accumule puis ça se dépose dans le fond du cours d’eau, ça va dans les sédiments. […] Ça empoisonne les animaux, eux ils se font manger […] ça se retrouve dans la chaîne alimentaire. Ce n’est plus en dehors de nous, nous aussi on finit par être touchés. »
Cet impact est difficile à quantifier et se déroule à long terme, mais ses conséquences ne sont pas négligeables. Un reportage de l’émission Enquête a démontré que des enfants subissaient des troubles d’apprentissage à cause de l’eau qu’ils buvaient, contaminée au manganèse. Les polluants dus aux déchets rejetés dans le fleuve Saint-Laurent ont fini par y causer dans une large zone le phénomène de l’anoxie: la diminution de l’oxygène jusqu’à sa disparition. « [Il n’y a] rien qui y est vivant, sur des centaines de kilomètres carrés, souligne Marineau. C’est majeur, c’est triste au boutte, y a plus de poissons là-dedans, plus de végétaux, y plus rien! »
crédit photo: Félix Poncelet-Marsan
Pourquoi la pollution aquatique en général est-elle peu médiatisée?
Alors que la pollution aquatique a un impact considérable sur la santé des cours d’eau et des humains, les médias en parlent relativement peu. La pollution atmosphérique se voit accorder plus de temps d’antenne en comparaison. Kim Marineau attribue cette situation aux « modes » médiatiques. « À un moment donné dans les années 80 c’était les pluies acides. […] Là en ce moment ce sont les gaz à effet de serre, on parle beaucoup des changements climatiques à cause des gaz à effet de serre. »
Ce manque d’attention médiatique est également dû au fait que la pollution aquatique est si répandue qu’elle en perd son intérêt médiatique. Marineau illustre ce propos en prenant pour exemple le peu de performance de l’usine d’épuration de Montréal. « Il y a mille surverses par année […]. Mille fois par année, on vas-tu faire un article de journal à chaque fois? Non. C’est comme quelque chose qui est en continu, ça devient comme banal, c’est banalisé. »
crédit photo: Stéphanie Prévost
Comment peut-on rémédier à la polution aquatique due aux déchets ?
La pollution aquatique est un problème qui mérite d’être résolu. Au niveau gouvernemental, Kim Marineau soutient que le pouvoir en place doit investir plus de ressources afin d’améliorer les installations d’épuration aquatique. « Première chose il faut qu’on prenne ça au sérieux, qu’on investisse de l’argent. […] Les villes grossissent. Là, la plupart des usines sont plus capables de fournir cette capacité d’épuration. Je pense qu’il faut réinvestir de façon massive en industrie et pour les eaux municipales. »
Au niveau humain, Jean-François Hecq et Jimmy Vigneux valorisent l’éducation et la sensibilisation au problème ainsi que la participation aux initiatives de nettoyage comme solutions.
« L’environnement c’est l’enjeu du prochain siècle ça c’est sûr et certain, soutient Hecq. C’est l’affaire de tous puis il faut y participer […]. Une corvée de nettoyage c’est pas supposé être une fois par année […] Je pense qu’une journée comme aujourd’hui, oui c’est un nettoyage […] mais c’est aussi une prise de conscience, c’est de la sensibilisation, c’est ça le grand but de l’activité. »
Sources