Qu’arrive-t-il quand notre corps reçoit moins de lumière naturelle ?

L’hiver s’installe, les journées raccourcissent et l’arrivée du froid annonce aussi l’arrivée des dépressions saisonnières. Le Dr Norman E. Rosenthal, psychiatre et chercheur au National Institute of Mental Health, a été le premier à démontrer, en 1984, la corrélation entre lumière et dépression. La lumière est un élément très important pour le fonctionnement normal des humains. Elle indique à l’horloge biologique du cerveau quand se lever et quand se coucher. « Lorsque le soleil est moins présent, c’est l’hormone de la mélatonine qui est affectée. Celle-ci se sécrète vers 21h pour nous préparer à dormir. Alors lorsque les journées sont plus courtes, elle se sécrète plus tôt, ce qui explique pourquoi l’hiver on dort plus, on est plus somnolent, fatigué et déprimé. », explique Hani Iskandar, professeur à l’Université McGill, clinicien et chercheur à l’Institut Douglas, à Montréal (entretien téléphonique le 15 novembre 2019). La lumière artificielle à laquelle nous sommes exposés le soir est un facteur dépresseur, a démontré une étude faite en 2012 à l’Université d’État de l’Ohio. Le dérèglement du cycle de sommeil a à long terme un lien direct avec l’obésité et la dépression.

Capture d’écran 2019-11-21 à 12.52.15.png Marie-Provence St-Yves

Qui est touché par les dépressions saisonnières ?

Selon le site Passeport Santé, 18% des gens au Canada vivent une déprime hivernale caractérisée par un manque d’énergie et un moral plus fragile. Ceux qui vivent ce phénomène plus intensément peuvent être atteints d’une dépression saisonnière. Hani Iskandar mentionne : « Près de 75% des gens vivent un blues à un moment dans leur vie, mais seulement entre 10 et 12% de la population québécoise aura de réelles dépressions saisonnières. » Parmi les gens atteints entre 70 et 80% sont des femmes. Une journée d’été ensoleillée nous donne de 50 000 à 130 000 lux, unité de mesure de la lumière. Une journée d’hiver ensoleillée donne 2 000 à 20 000 lux, enfermés dans une maison, nous recevons 100 à 500 lux et dans un bureau bien éclairé 400 à 1 000 lux. Pour parler d’une dépression saisonnière, il faut que la dépression survienne au même moment chaque année, pendant au moins deux années consécutives et dure de l’automne ou l’hiver, jusqu’au printemps.

Capture d’écran 2019-11-25 à 10.21.49.png Raphaël Delaprée

Y a-t-il un lien entre la saison et le taux de suicide ?

« Le taux de suicide a une variation saisonnière. On observe plus de suicides au printemps reliés au débalancement hormonale de sérotonine » explique Gilles Brien, expert en biométéorologie au Québec et ex-président de l’Association professionnelle des météorologistes du Québec (entretien téléphonique le 16 novembre 2019). Effectivement, le taux de suicide le plus élevé est observé au mois de mai. L’Association Québécoise de Prévention du Suicide (AQPS) dénombre qu’environ trois personnes s’enlevaient la vie chaque jour au Québec en 2015. Selon ces statistiques le risque est trois fois plus élevé chez les hommes et il y a une nette augmentation du taux de suicide chez les 45-64 ans. Selon l’Institut National de Santé Publique au Québec (INSPQ), au Nunavik, le phénomène du suicide est préoccupant. Le taux de suicide y est sept fois plus élevé que ce qui est observé chez les hommes pour l’ensemble du Québec et cinq fois plus chez les femmes. D’après Hani Iskandar, cela ne serait pas directement lié au manque de luminosité, mais les problèmes de consommation d’alcool pourraient être un facteur.

Capture d’écran 2019-11-21 à 11.11.51.png Radio-Canada

Quels sont les traitements pour limiter l’impact de la météo sur notre humeur ?

On ne peut plus se moquer du million de « snowbirds», ces personnes qui fuient l’hiver québécois chaque année et s’achètent des résidences en Floride par exemple, car ils sont beaucoup moins susceptibles de manquer de lumière et d’avoir ainsi des dépressions saisonnières. Trouver une source de lumière est bien entendu le premier traitement aux dépressions saisonnières et pour éviter les changements drastiques sur le corps, amenés par l’hiver. « Sortir dehors 20 minutes, prendre des suppléments de vitamine D, manger du calcium, de l’Oméga3 peuvent aider. La luminothérapie aussi doit être choisie minutieusement, car elle ne fonctionne pas pour tous. », conseille Hani Iskandar. Il explique que lors d’un traitement à la luminothérapie, l’œil est impacté, le nerf optique conduit donc cette lumière directement au cerveau où la mélatonine est produite. D’après les pharmacies québécoises, la luminothérapie recommandée doit atteindre une intensité de 10 000 lux. Il faut débuter graduellement par des séances de 10 à 15 minutes par jour pour atteindre 30 minutes quotidiennement. L’utilisation de la lampe serait plus profitable entre 8 heures et 10 heures du matin.

brien-2955713.jpg Courrier Laval

Agissons-nous différemment en hiver qu’en été ?

Selon Gilles Brien, nous sommes affectés par la météo tout comme la faune et la flore. Quand on coupe la lumière aux plantes, on coupe aussi la photosynthèse. Pour un être humain, il faut aussi un minimum de vitamines pour être à sa pleine capacité et performer. « Il faut éviter de prendre de grandes décisions en hiver, car notre état mental n’est pas à son meilleur. Plusieurs conflits ont tendance à éclater en janvier, car avec le froid et le temps des fêtes, nous sommes plus enfermés et confrontés aux autres », explique Gilles Brien. Avant Noël, il y a l’excitation des festivités qui nous gardent occupés, mais en janvier, c’est là que l’on observe des prises de décisions précipitées. « On n’est pas tout à fait nous-mêmes l’hiver. On observe plus d’hostilité, d’agressivité et de cas de rage au volant en période hivernale » ajoute le chercheur et auteur du livre « Baromètre humain ».

Capture d’écran 2019-11-21 à 12.51.32.png Marie-Provence St-Yves

Y a-t-il d’autres facteurs environnementaux qui ont un impact sur nous ?

Gilles Brien aborde dans son livre « Baromètre humain » le fait que les gens nés en décembre sont différents des gens nés en été. Cela serait dû à la gestation de la mère par exemple qui a moins de vitamine ou d’oxygène. Brien mentionne qu’il a un lien aussi entre le mois de naissance de l’enfant et sa santé future : « Beaucoup de gens nés en juin ont de l’asthme à cause du pollen que les bébés respirent, alors que ceux nés en décembre par exemple, sont affectés dès la naissance à plus de poussières et d’acariens. » Les enfants nés dans les premiers mois de l’année auront tendance à devenir meilleurs en sports d’hiver, car ils commencent plus tôt. « Contrairement à ce que l’on pense, la pleine lune ne créée pas beaucoup de problèmes, mais elle augmente le nombre de patients dans les hôpitaux psychiatriques», observe Hani Iskandar.

Sources

Hani Iskandar, professeur à l’Université McGill, clinicien et chercheur à l’Institut Douglas, à Montréal, entretien téléphonique le 15 novembre 2019

Gilles Brian, expert en biométéorologie au Québec et ex-président de l’Association professionnelle des météorologistes du Québec, entretien téléphonique le 16 novembre 2019

https://www.aqps.info/semaine/plus-recentes-statistiques-sur-mortalite-par-538.html
https://www.inspq.qc.ca/sites/default/files/publications/2497_suicide_quebec.pdf
https://www.lapresse.ca/actualites/sante/201911/14/01-5249686-un-homme-montrealais-sur-quatre-serait-en-detresse-psychologique.php?utm_source=facebook&utm_medium=social&utm_campaign=algofb&fbclid=IwAR1hWRXtAGnUAbyv3rLbk4lbynnhY1Ocl1hm_EV4VEzjYFO97MzplQB5MYY
https://www.brunet.ca/sante/conseils-sante/depression-saisonniere/
https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/571419/lumiere-nuit-depression
https://www.lapresse.ca/societe/sante/201907/31/01-5235804-meme-une-lampe-de-chevet-peut-nuire-au-sommeil.php
http://www.barometres-humains.com/les-baromegravetres-humains/fevrier-le-mois-avec-le-moins-de-suicides
https://www.canalvie.com/sante-beaute/sante/meteo-sensibilite-1.3137131?fbclid=IwAR3rCjMpohEZJNe1LEgWcJXy5FQZz5ZuAv3RPypgT1Bz7fOCXnl7HG3gVX4
https://www.lemonde.fr/sciences/article/2019/11/05/la-luminotherapie-serait-aussi-efficace-que-les-antidepresseurs_6018137_1650684.html?fbclid=IwAR1gEhc61xL1uLwAg-GMdItnYa6oBai_AdJEoz0jNrOWYJiM9NuPjm27RoI