Quelle est la place des centres de données dans la pollution numérique au Québec ?

Parmi les émetteurs de gaz à effet de serre (GES), le numérique pollue à raison de 4 % des émissions mondiales, soit, autant que les avions. L’utilisation énergique des appareils électroniques, la fabrication de ceux-ci et le stockage des données, notament à cause du transit internet permanent, répartis dans les serveurs informatiques particulièrement énergivores sont les trois pôles principaux de la pollution numérique. D’ailleurs au Québec, il y a 49 centres de données alimentés par nos ressources hydroélectriques. En ce qui a trait aux serveurs informatiques, c’est principalement l’alimentation au charbon ou par l’énergie nucléaire qui affecte l’environnement.

serveuruqam.JPG François-Alexis Favreau

Pourquoi les centres de données polluent-ils ?

 « C’est utopique de croire qu’on puisse voir un jour une industrie numérique sans émissions », explique Éric Lafrance d’Hydro-Québec (entrevue téléphonique 5 novembre 2019). Les centres de données doivent non seulement être alimentés afin de faire fonctionner les serveurs et ordinateurs, ils nécessitent également la présence d’un système de climatisation qui dévore encore plus d’énergie. La société d’État facture mensuellement 80 mégawatts d’électricité dédiés uniquement aux centres de données. Ces lieux physiques hébergent le big data et sont le pilier d’une industrie en pleine croissance, celle de la distribution de l’information et cela implique que les émissions de ces derniers continueront d’évoluer dans les prochaines années.

Le Québec se targue de détenir la solution au problème de la pollution numérique. Contrairement à d’autres pays, l’alimentation des centres de données du Québec se fait grâce à une énergie propre et renouvelable. « Lorsqu’on réussit à attirer des entreprises numériques ici au Québec, ce sont des émissions de CO2 de moins qui ne seront pas produites ailleurs sur la planète », se réjouit Lafrance.

Capture d’écran (11).png Ngosimba

Comment faire pour diminuer la pollution liée aux centres de données ?

L’idée a germé dans l’esprit d’un entrepreneur québécois de cultiver des tomates à l’aide de l’air chaud et sec de serveur informatique. Profiter de la chaleur émise par des serveurs informatiques afin de poursuivre la production maraîchère à longueur d’année à Beauharnois, Québec, c’est l’idée de l’entrepreneur Benoit Laliberté et de son associé Lawry Trevor, de la Corporation d’énergie thermique du Canada (CETAC), une filiale de United America Corporation. Le transfert de l’air chaud produit par les serveurs jusqu’aux serres, permettrait une production de légumes exempte de pesticides, met de l’avant Trevor (entrevue téléphonique 4 novembre 2019). Le potentiel de l’énergie hydroélectrique, combiné à la technologie innovante de Laliberté et Trevor pourrait améliorer la production locale en légumes, plaident-ils.

Même si l’alimentation hydroélectrique des centres de données est un pas dans la bonne direction, différents projets tentent de maximiser l’énergie utilisée, notamment en récupérant la chaleur qui se dégage des serveurs informatiques. C’est le cas de l’Université Laval à Québec, qui tire profit de cette chaleur et des locaux de la RAMQ qui utilisent aussi ce type de technologie.

Capture d’écran (2).png Hydro-Québec

Est-ce que le Québec est un exemple à suivre en termes de pollution numérique?

Le Québec est certes un élève modèle puisque les centres de données qu’il héberge ne polluent pas. Lafrance explique qu’Hydro-Québec ne prétend toutefois pas faire la leçon à d’autres puisque tous les pays ne sont pas dotés de nos ressources en eau qui permettent la production d’une grande quantité d’énergie verte. « Je dirais plutôt qu’on essaye de faire comprendre au milieu des technologies de l’information, qu’ils doivent avoir une conscience environnementale lorsqu’ils choisissent le lieu d’implantation d’un centre de données », fait valoir Lafrance. 

La société d’État se bute elle-même à des défis en ce qui concerne le stockage de ses propres données. « Même ici, à Hydro-Québec, on essaie de stocker nos données le plus possible au Québec. Cela demeure parfois difficile selon le fournisseur avec qui on fait affaire, mentionne Lafrance. Ce serait illusoire de croire qu’on pourrait transférer toutes nos données ici au Québec et d’utiliser de l’énergie propre », admet le délégué commercial d’Hydro-Québec.

fils2crop.jpg François-Alexis Favreau

Devrait-on accueillir des centres de données au Québec ?

Deux écoles de pensée se disputent sur le potentiel énergétique du Québec, à savoir si notre production d’électricité devrait alimenter des centres de données. Hydro-Québec croit que l’industrie informatique mérite d’être valorisée, afin d’utiliser notre énergie abondante à bon escient, explique Lafrance. « En tant que société d’État et distributeur d’énergie renouvelable, on cherche à attirer des clients qui consomment de l’énergie parce que c’est bon pour les finances du Québec […] », dit le délégué commercial principal au développement des affaires d’Hydro-Québec. 

À l’inverse, le fait d’accorder beaucoup de ressources énergétiques aux centres de données pourrait résulter à une diminution des exportations hydroélectriques du Québec, formule l’ingénieur en informatique Nathan Vandromme. Cette diminution aurait un effet pervers sur l’environnement puisque les États-Unis devront compenser ce manque à gagner à l’aide de combustibles fossiles comme le charbon, met en relief l’informaticien dans son mémoire de maîtrise réalisé en 2015.

Capture d’écran (8).png AFP J.-F. Monier

Quelles sont les perspectives d’avenir pour le Québec ?

L’industrie des centres de données est en plein essor au Québec, mais le développement croissant des technologies pourrait changer la donne. « L’arrivée de l’énergie solaire est de plus en plus fréquente et importante. Il manque à peu près juste une technologie d’accumulation d’énergie, on parle de batterie […] qui soit performante pour que l’énergie solaire prenne de plus en plus d’espace et ça va devenir de plus en plus difficile pour nous d’attirer des centres de données ici au Québec. On a peut-être une fenêtre d’opportunité qui va de 10 à 15 ans pour continuer à en attirer davantage », conclut Éric Lafrance.

Sources: 

https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1143499/serveurs-informatiques-chauffage-universite-laval-recuperation-energie

https://www.protegez-vous.ca/technologie/prolonger-vie-cellulaire

https://www.iea.org/publications/freepublications/publication/MoreData_LessEnergy.pdf

https://www.stat.gouv.qc.ca/quebec-chiffre-main/pdf/qcm2019_fr.pdf

http://www.environnement.gouv.qc.ca/jeunesse/sais_tu_que/2017/1701-technologie-impact-environnement.htm

http://www.cscience.ca/2019/02/15/pollution-numerique-en-etes-vous-conscients/

https://www.lemonde.fr/planete/article/2013/07/01/les-centres-de-donnees-informatiques-gros-consommateurs-d-energie_3439768_3244.html

https://unpointcinq.ca/techno/face-cachee-du-courriel/

https://www.lecho.be/dossier/climat/le-nouvel-enjeu-de-la-pollution-digitale/10098170.html

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