Qu’est-ce que le tourisme gourmand ?
Agrotourisme, festivals culinaires, restaurants spécialisés, marchés publics : les offres reliées au tourisme gourmand sont nombreuses à Montréal. Selon la doctorante en études urbaines et chargé de cours à l’Université du Québec à Montréal, Gwenaëlle Reyt, le tourisme gourmand se définit comme « l’activité qui consiste à manger et à déguster des produits tout en découvrant une destination ». Bien sûr, manger en voyageant n’est pas une révolution, indique-t-elle, mais ce qui est nouveau, « c’est de considérer l’alimentation comme un élément à mettre devant lors du choix d’un déplacement [pour un voyage] ». (entrevue téléphonique, 3 décembre)
Selon les régions ou les études universitaires, ce type de tourisme peut également être connu sous le nom de tourisme culinaire ou tourisme gastronomique. Gwenaëlle Reyt, qui s’est spécialisé dans la gastronomie au Québec, précise toutefois que «gastronomique» est entendu au sens large du terme, et non seulement comme un concept haut de gamme.
L’Organisation mondiale du tourisme rapporte d’ailleurs que le secteur du tourisme gourmand est en constante expansion, et ce, partout autour de la planète. Il reste cependant difficile de savoir dans quelle mesure les touristes viennent à Montréal pour la gastronomie tout particulièrement. Selon Stéphanie Laurin, gestionnaire du tourisme culturel chez Tourisme Montréal, ce serait environ 25 % des visiteurs qui pratiqueraient le tourisme gourmand à Montréal, bien qu’une plus grande partie d’entre eux profite des attraits culinaires de la métropole durant leur séjour. (entrevue courriel, 2 décembre)
Laurence Thibault
Qu’est-ce qui attire les touristes à Montréal ?
Que ce soit la qualité et la variété des restaurants, le rapport qualité/prix, les produits locaux/régionaux au menu et même la qualité du service, toutes les raisons sont bonnes pour venir faire du tourisme gastronomique à Montréal, indique Stéphanie Laurin. Au-delà du folklore culinaire québécois que sont la poutine et le sirop d’érable, Montréal offre une foule de produits très diversifiés.
Les festivals gourmands sont également une opportunité pour les visiteurs de découvrir la cuisine d’ici, ainsi que les différents produits offerts par nos artisans. D’ailleurs, le mardi 3 décembre, le festival Montréal en lumière, qui accorde une section important à la gastronomie, a dévoilé la programmation gourmande de cette 21e édition qui aura lieu du 20 février au 1er mars 2020. Les activités prévues comprendront une Nuit Gourmande dont l’objectif est de « faire et refaire découvrir la gastronomie et les talents culinaires d’ici à travers une foule d’activités gourmandes nocturnes ».
Selon la doctorante Gwenaëlle Reyt, l’ambiance générale proposée par une ville comme Montréal intéresse aussi grandement les touristes. Les initiatives culinaires du Time Out Market par exemple, qui a ouvert au Centre Eaton en novembre et qui offre des plats de chefs réputés tels que Normand Laprise et Gaëlle Cerf, sont une occasion pour les touristes de participer à dynamiser le secteur. Ce modèle, inspiré d’un concept semblable implanté à Lisbonne au Portugal en 2014, propose 16 restaurants et une variété de près de 100 plats.
Montréal en lumière
Le tourisme gourmand rapporte-t-il ?
Dû à son expansion, le tourisme gastronomique est une source importante de revenus à Montréal comme pour le reste du Québec. Selon le rapport Retombées économiques et importance touristique de l’agrotourisme et du tourisme gourmand réalisé par le groupe de concertation sur l’agrotourisme et le tourisme gourmand au Québec en mars 2016, « les entreprises ont généré un chiffre d’affaires en agrotourisme et en tourisme gourmand de 485 M$ […] De ce total, 40 % proviennent des entreprises en agrotourisme et 60 % des entreprises en tourisme gourmand ».
De manière générale, Montréal est une ville qui connaît une forte hausse quant au tourisme depuis les dernières années. En 2017 par exemple, la métropole a accueilli près de 11 millions de visiteurs qui ont dépensé près de 4 milliards de dollars.
Laurence Thibault
Depuis quand Montréal est-elle une destination prisée ?
Pour Stéphanie Laurin, le grand boom dans le domaine du tourisme gourmand s’est effectué dans les 5-7 dernières années. Même son de cloche pour Gwenaëlle Reyt qui estime que depuis 10 ans environ, la métropole s’est réellement démarquée.
Plusieurs éléments au fil des années ont tout de même favorisé ce secteur. La création de l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec (ITHQ) par le gouvernement du Québec en 1968 par exemple a amené une spécialisation et la formation de plusieurs générations de chefs au Québec. « Former ces gens de manière rigoureuse a contribué à améliorer l’écosystème gastronomique », indique Gwenaëlle Reyt, que ce soit au niveau du service ou niveau de la conception et la préparation des plats. Coin Saint-Denis et Malines, le restaurant-école de l’ITHQ permet aux touristes et aux locaux de goûter à des créations d’étudiants. La vitalisation de l’industrie agrotouristique dans les années 70 aurait aussi aidé le secteur du tourisme gourmand.
Gwenaëlle Reyt rappelle pourtant que depuis la prohibition déjà, durant laquelle la population pouvait encore consommer de l’alcool a Montréal, la ville a acquis une réputation particulière. De plus, dès le début des années 60, l’ensemble du Québec a commencé à se forger une personnalité culinaire forte. L’expo 67, par exemple, a été un événement marquant quant à la découverte de nouvelles cultures culinaires. La sommellerie est également un domaine qui attire certains touristes.
Laurence Thibault
Qui veut-on attirer ?
« Nos marchés principaux sont, entre autres, l’Ontario, les autres régions du Québec, le nord-est des États-Unis, la France et le Mexique », explique Stéphanie Laurin de Tourisme Montréal.
Au Canada, Montréal a de la compétition. L’Ontario, qui n’était pourtant pas réputée il y a quelques années, s’est construit une identité culinaire appréciée des visiteurs autant à Toronto que dans d’autres villes plus petites qui sont désormais reconnues, mentionne Gwenaëlle Reyt. Elle remarque qu’au Québec, hors de Montréal, dans des régions comme l’Estrie, les principaux intéressés par l’agrotourisme, cette activité d’aller visiter des fermes pour goûter à certains produits ou faire une « route gourmande, sont les Québécois eux-mêmes.
Pixabay
Comment faire de Montréal la capitale gastronomique en Amérique du Nord ?
Si Montréal est une destination prisée pour la qualité de sa nourriture, la ville compétitionne comme d’autres gros joueurs en Amérique du Nord. San Francisco et New York sont quelques-unes des villes qui sont réputées pour la qualité de leur nourriture. Alors, comment faire pour se démarquer ?
En avril dernier, Tourisme Montréal participait à la présentation d’un mémoire en collaboration avec plusieurs acteurs du milieu québécois pour reconnaître la gastronomie comme élément du patrimoine de la ville. Depuis, l’organe a lancé une vaste enquête pour trouver avec quels outils Montréal détrônera ses compétiteurs. En effet, Tourisme Montréal a développé diverses stratégies pour attirer les touristes, dont des « activations directement sur les marchés en invitant des chefs montréalais.» En 2017, entre autres, Tourisme Montréal a participé au Lyons Street Food Festival, en collaboration avec le chef québécois Martin Juneau.
Du côté politique, lors de la campagne électorale provinciale de 2018, la Coalition avenir Québec (CAQ) avait promis d’encourager le tourisme gourmand en soutenant les agriculteurs et les restaurateurs. « Un gouvernement de la CAQ va prendre les mesures nécessaires afin que l’agrotourisme et le tourisme gourmand deviennent une véritable carte de visite pour tout le Québec sur la scène internationale », avait affirmé François Legault en conférence de presse en septembre.