Qu’est-ce qui cause les incendies en Californie ?

La nature des incendies peut s’expliquer selon différents facteurs. Même si la cause principale est les changements climatiques, les feux peuvent également être d’origine humaine. En Californie, on accuse notamment les sécheresses de plus en plus importantes qui touchent l’État. « Cette année, c’est assez exceptionnel. La vitesse de propagation, l’intensité du brasier et le nombre de victimes, tous ces éléments sont du jamais vu. Le contexte de sécheresse extrême a favorisé l’expansion des feux », explique Philippe Gachon, expert en changements climatiques et incendies de forêt et professeur au département de géographie de l’UQAM (entrevue téléphonique, 5 décembre 2018). Le dernier bilan en date du 28 novembre indiquait que les brasiers avaient causé la mort de 85 personnes et ont forcé l’évacuation de dizaines de milliers d’habitants. La pénurie d’eau qui fait rage sur la Californie justifie également la vulnérabilité de son territoire d’une superficie totale de 424 000 km2 . En effet, depuis plusieurs années, l’État vit un déficit de précipitations, nuisant considérablement au secteur agricole et au climat.

Capture d’écran 2018-12-06 à 11.38.08.png Quartz media

Pourquoi la Californie est-elle aussi vulnérable ?

Si elle était un pays, la Californie serait la sixième puissance économique mondiale. Bien que le Golden State soit aussi riche que la Suisse à lui seul, cela n’empêche pas qu’il soit sérieusement endetté environnementalement. Pour Philippe Gachon, sa croissance économique et sa densité de population ont augmenté les risques de catastrophes dans les dernières années. Parallèlement, la Californie est l’État le plus peuplé du pays avec ses 40 millions de citoyens, soit  93 habitants par km2. À elle seule, la ville de Los Angeles est le foyer de 18 millions d’habitants. Pour répondre aux besoins en eau de toute la Californie, l’expert en incendies forestiers avance qu’il faudrait que les Américains assèchent complètement le fleuve Columbia, [débutant en Colombie-Britannique] et qui approvisionne déjà en eau une partie de l’État. Selon lui, un autre facteur déterminant qui joue sur l’actuelle fragilité socioéconomique de la Californie reste l’important fossé qui continue de se creuser entre les riches et les pauvres. Pendant que certains vivent à coup de millions, « des gens doivent dormir dans des stationnements, ou occupent deux emplois parce que le coût de la vie est trop élevé, appuie Philippe Gachon, et c’est cette population vulnérable qui a du mal à s’en remettre ».

Capture d’écran 2018-12-05 à 18.23.23.png Eloïse Chagnon, Google Crisis Response

À quoi ressemblera la Californie dans quelques années ?

Six-cent-vingt km2 de ravages. C’est l’équivalent de la grande région de Toronto qui a été complètement rasée par les flammes lors des derniers feux californiens, effaçant par le fait même la petite ville de Paradise de la carte. Rappelons que les forêts représentent 40 % du territoire californien. Selon Philippe Gachon, si ça continue comme ça, des villes et villages en viendront à ne plus être habitables du tout. « Si le passé est garant de l’avenir, si on continue à avoir une augmentation des températures, des sécheresses à répétition, tous les ingrédients sont réunis pour augmenter l’intensité, la durée et l’étendue des feux de forêt », note-t-il. Un article du New York Times, paru le 9 novembre 2018, démontre entre autres que des dix plus grands feux en Californie depuis 1932, neuf sont survenus depuis 2000, cinq depuis 2010 et deux dans la dernière année.

Capture d’écran 2018-12-06 à 11.45.11.png Eloïse Chagnon

Existe-t-il des mesures pour prévenir les feux ?

Pour contrer la pénurie d’eau et les sécheresses qui en résultent, les Californiens sont invités par le State Water Resources Control Board à restreindre leur consommation. De plus, dans l’objectif de prioriser les besoins essentiels et d’eau potable, on retrouve des restrictions en ce qui a trait à l’arrosage des terrains de golf, des pelouses et des jardins. « Il faut arrêter de construire tout et n’importe quoi, n’importe comment, et restreindre l’usage récréatif de l’eau », commente Philippe Gachon. Selon Yves Bergeron, professeur à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue et titulaire de deux chaires à l’institut de recherche sur les forêts, « il faut s’assurer que s’il y a des feux qui surviennent dans des milieux naturels, d’avoir une bonne banque de protection des maisons » (Entrevue téléphonique le 5 décembre). Contrairement au Canada, c’est une recommandation que la Californie prend au sérieux. Elle mise sur la création de bassins de rétention artificielle qui accumulent les pluies tombées en hiver et servent de barrières entre les brasiers et les quartiers habités, tout comme les bandes riveraines installées à l’orée des forêts.

AFP feux.jpg AFP

Quel est l’impact des feux sur l’environnement ?

Selon le plus récent bilan du US Geological Survey, les feux de forêt en Californie ont rejeté 68 millions de tonnes de dioxyde de carbone en quelques semaines. À titre comparatif, la consommation d’électricité californienne en a produit 76 millions de tonnes en 2016. C’est presque une année en gaz à effet de serre qui ont été générés en un mois par les feux. D’après Philippe Gachon, c’est au niveau des sols que la situation est critique. « La succession des brasiers qu’a connue la Californie depuis les dernières années aggrave la santé de son écosystème. Quand des infrastructures humaines brûlent, les sols sont contaminés », explique-t-il. L’expert soutient qu’en temps normal, les feux de forêt favorisent la turbidité naturelle de la végétation. Toutefois, ce processus de régénération prend du temps et le cumul d’appauvrissement des sols empêche donc un retour à la normale.

Capture d’écran 2018-12-06 à 11.44.13.png Camille Robillard

Qu’est-ce qui pourrait changer la donne ?

Philippe Gachon et Yves Bergeron s’entendent pour dire que les régions propices aux feux de forêt doivent repenser la manière dont elles construisent leurs infrastructures. « Bâtir une ville entourée de forêts, ce n’est pas une bonne idée. Il faut trouver des façons de s’isoler des milieux qui risquent de brûler », explique le professeur de l’UQAT. Donald Trump, qui qualifie de « canular » les changements climatiques, menace de couper les fonds fédéraux alloués à la lutte contre les incendies si l’État de la Californie ne revoit pas sa gestion des forêts. Philippe Gachon croit quant à lui que les climatosceptiques devraient s’ouvrir les yeux : « On a affecté les cycles hydrologiques des cours d’eau, on a changé la composition de l’atmosphère, on a pollué l’eau, on a contaminé les sols. On ne peut plus nier l’évidence scientifique. »

Quartz Media, 4 décembre 2018

https://qz.com/1483729/california-fires-released-emissions-equal-to-a-year-of-power-use/

NY Times 15 octobre 2018, Los Angeles

Utilities cut power to prevent wildfires, but who wins when the lights go out?

La Croix, 28 novembre 2018

https://www.la-croix.com/Monde/Ameriques/feu-lheure-bilan-Californie-2018-11-28-1200986002?fbclid=IwAR2N6tFegVv-5Bit5aFom7lxnJT0vg_NRMd_OI9UG3h1qenQeL2gC_4Abwk

La Presse, 25 novembre 2018, Montréal

L’incendie le plus meurtrier de Californie entièrement maîtrisé

https://www.lapresse.ca/international/etats-unis/201811/25/01-5205531-lincendie-le-plus-meurtrier-de-californie-entierement-maitrise.php?fbclid=IwAR1aY0VpMWUuxJZaPtuD3bQUCHHdsGJdyBfC2GAobVORKu0IrHIwZ_KRIWc

NY Times, 9 novembre 2018, Manhattan

Why does California have so many wildfires?