La victime est-elle en partie coupable ?
«La surconsommation d’alcool peut rendre une personne plus vulnérable aux agressions sexuelles », pouvait-on lire dans le pamphlet. La FFQ offre une autre façon de présenter la situation en remplaçant la phrase par « La surconsommation de la culture du viol fait que les victimes sont d’emblée discréditées, par exemple parce qu’elles ont bu. » D’un côté, la SPVM souhaite « sensibiliser les jeunes femmes, l’ensemble de la clientèle et les employés des différentes boîtes de nuit à la vulnérabilité qu’engendre la consommation d’alcool et à la circulation possible de GHB ». De l’autre, un discours bien différent des ressources offertes pour les victimes. Le RQCALACS manifeste que « peu importe le comportement de la femme que ce soit de faire de l’auto-stop, de sortir tard le soir, de marcher dans une rue mal éclairée, de consommer de la drogue ou de l’alcool, de s’habiller de manière séduisante ou de vouloir raccompagner un homme. Il ne s’agit pas d’une provocation à une agression. Les femmes ne cherchent pas à être agressées, humiliées ou violentées ». Pour le regroupement, la victime ne peut être fautive.
Lucie Fortin
Chez qui doit-on faire la prévention contre les agressions sexuelles?
Le poste de police du quartier 38 du Plateau-Mont-Royal à Montréal retire ses dépliants conçus dans le cadre d’un programme de prévention contre les agressions sexuelles de son établissement suite aux critiques de la population. La campagne « Je sors avec ma gang je repars avec ma gang », lancée en 2012, s’adressait aux jeunes femmes de 18 à 24 ans. Sandrine Lapointe, responsable des relations médias du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) explique que le programme se concentrait sur les précautions que doivent prendre les femmes lors d’une soirée. « L’objectif de cette campagne de prévention est donc celui de sensibiliser les jeunes femmes, l’ensemble de la clientèle et les employés des différentes boîtes de nuit à la vulnérabilité qu’engendre la consommation d’alcool et à la circulation possible de GHB. » (Échange de courriel, 21 novembre 2018) Mais est-ce que la prévention doit se faire auprès des femmes à risque d’être victimes d’agressions? Sur le site internet du Regroupement québécois des Centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (RQCALACS), l’on retrouve trois vidéos où les agresseurs sont interpellés et non les victimes. S’intitulant respectivement « Je refuse d’être ce gars », « Je refuse d’être ce père » et « Je refuse d’être ce professionnel », le RQCALACS propose une autre approche face au problème.
Fédération des Femmes du Québec
Quels sont les impacts suite à la campagne ?
Dans le dépliant, il est possible de lire « La campagne vise à sensibiliser les femmes aux précautions à prendre afin d’être victime d’une agression sexuelle. »Sur les réseaux sociaux, le RQCALACS partage une publication faite par la Fédération des Femmes du Québec (FFQ)dénonçant le pamphlet en y apportant des modifications et le décrivant comme un « exemple de type d’outils pédagogiques que les organismes publics et parapublics pourraient développer au Québec ». La SPVM réagit face aux critiques et décide de retirer son programme de façon temporaire. «Dans le contexte des commentaires reçus au sujet du dépliant, le dépliant va faire l’objet d’une révision afin de s’assurer que le message important de prévention que l’on souhaite faire circuler et connaître soit bien celui que l’on retienne à sa lecture. »
Lucie Fortin
Qu’est-ce qui est fait pour prévenir les agressions sexuelles ?
Le RQCALACS croit que l’apprentissage de stéréotypes lors de la socialisation des enfants contribue aux rapports inégaux au sein de la population. « La société encourage les attitudes dominantes chez les garçons en banalisant la violence sexuelle et l’hypersexualisation de l’espace public. » Les centres d’aides du regroupement font des interventions individuelles ou en groupe, organisent des activités de préventions et de sensibilisation auprès de la population, interviennent dans les écoles et offrent des formations à des intervenants et intervenantes pour « défaire les mythes et les préjugés et pour changer les mentalités, les attitudes discriminatoires et les comportements sexistes ». La SPVM, quant à elle, aborde la notion du consentement sexuel lors d’ateliers dans les établissements scolaires. La responsable aux relations des médias, Sandrine Lapointe, informe qu’ « une sensibilisation auprès des étudiants est également réalisée par le biais d’ateliers interactifs qui sont offerts à des établissements d’enseignement (secondaires et universitaires) concernant les lois ainsi que les conséquences reliées à la commission de crime à caractère sexuel».
Regroupement québécois des Centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel
À quoi ressemble le bilan ?
Alors que la SPVM indique dans son rapport annuel que 1 828 infractions lui ont été rapportées en 2017 contre 1 487 en 2016, Statistique Canada démontre qu’au pays, seulement 55 % des déclarations mènent à un verdict de culpabilité. Sur le site du gouvernement, l’on peut lire que «parmi les causes retenues dans le système de justice, les agressions sexuelles étaient un peu moins susceptibles que les voies de fait de donner lieu à une déclaration de culpabilité ». Le RQCALACS affirme selon des données du ministère de la Sécurité publique du Québec que près de 90 % des agressions sexuelles ne sont pas déclarées à la police. On dévoile sur le site du ministère qu’environ 87 % des victimes sont des femmes et 13 % des hommes. « Les femmes continuent d’être les principales victimes, et ce, quelle que soit la gravité de l’agression sexuelle. »
Statistique Canada
Quelles sont les répercussions du mouvement #Metoo et #Moiaussi ?
Lors de sa première publication sur le dépliant, la FFQ écrit sur Facebook : « Un an après #MeToo, ce discours rejetant la responsabilité sur les femmes, et dédouanant les agresseurs n’est pas acceptable. » Depuis le mouvement social, le nombre de déclarations des agressions sexuelles a augmenté en comparaison avec l’année 2016, selon Statistique Canada. Au Québec, on remarque une hausse de 61 % de témoignages. Le RQCALACS note avoir vu une augmentation significative de nouvelles demandes de soutien et d’accompagnement pour les victimes. « Encore aujourd’hui, les délais d’attente pour obtenir des services ont augmenté dans la plupart des centres. » Le regroupement exige un retour d’une éducation à la sexualité féministe et cherche à interpeller les chef.fe.s de partis politiques. Un éveil collectif a été remarqué par l’organisme et le hashtag continue de mettre de l’avant le mouvement féministe.
Sources :