Qu’est-ce que le Slow Fashion ?
Le Slow Fashion pousse le consommateur à se questionner et à reconquérir son pouvoir d’achat. La population peut ainsi réapprendre à magasiner en déboursant pour du linge qui ne durera pas seulement une saison, mais plusieurs années. Cette vision d’achat se distingue de son prédécesseur, le Fast Fashion. L’appellation tire son origine de l’industrie du «fast food».
Après Londres, Milan et New-York, le Fashion Week, évènement culte dans l’industrie de la mode, s’est déplacé à Paris du 15 septembre au 3 octobre 2018. Les plus grandes maisons de couture présentaient leurs nouvelles collections pour le printemps/été 2019. Alors que les mannequins paradent sous les yeux des spectateurs, d’autres souhaitent voir un changement dans l’industrie.
Valérie Dumaine, designer montréalaise qui pratique le Slow Fashion fait remarquer « qu’autant qu’on parle du gaspillage alimentaire, il y [en] a énormément au niveau du vêtement » (Entrevue, mercredi 3 octobre 2018). Les entreprises produisent en grande quantité des vêtements de maigre qualité suivant les tendances, mais ces vêtements ont une courte durée de vie. Ainsi, le cycle du Fast Fashion se renouvelle sans cesse et incite l’acheteur à dépenser toujours plus.
Stanislav Samoylik
Pourquoi est-ce important ?
Un Canadien achète en moyenne 70 nouveaux articles de vêtements par année, ce qui contribue aux 12 millions de tonnes de déchets textiles qui se retrouvent dans les centres d’enfouissement. Certaines entreprises comme H&M offrent de rapporter de vieux vêtements pour qu’ils soient recyclés. Pourtant, seulement 1% des vêtements finit par être transformé en nouveaux textiles. Des reportages, comme celui produit par CBC News de janvier 2018, Clothes from Canada account for huge waste, exposent les réalités entourant les problématiques engendrées par la donation de vêtements usés. Selon ce même reportage, cela ne règle pas le problème, mais le déplace ailleurs.
Le principe du Slow Fashion se veut un pas vers l’avant pour une amélioration à petite échelle du sort de la planète. Selon Valérie Dumaine, la population est prête pour ce changement. « Tout est un peu plus vert, les gens apportent leurs sacs réutilisables pour faire l’épicerie. C’est un mouvement global. Ça se reflète aussi dans la mode. »
Lucie Fortin
Quand le mouvement a-t-il pris forme ?
Ce n’est que récemment que le terme et le concept ont été créés. Dans les années 80, des mouvements comme « Less is more » (moins, c’est plus) apparaissent. De cette mode découle le minimalisme, celui-ci cherche à critiquer le matérialisme. Puis, le Slow Fashion pousse l’idée encore plus loin pour aller au coeur du problème, c’est-à-dire au moment de l’achat.
En 2015, le documentaire « The True Cost » produit par Netflix démontre au grand public le vrai coût de l’industrie de la mode et de la surconsommation de la société. En 2013 s’effondrait une usine de vêtements au Bangladesh tuant plus de 1 000 personnes. C’est cet évènement qui a ouvert les yeux aux consommateurs sur les conditions dangereuses dans lesquelles les employés du textile travaillent à la sueur de leur front en étant très peu rénumérés, avec 4 $ par jour, selon Reuters. Après le tragique accident, plusieurs pays ont fait pression pour l’augmentation du salaire et l’amélioration des conditions.
Pour des designers de Montréal comme Valérie Dumaine, le milieu où est confectionné le produit est une décision sérieuse. « Pour moi, ç’a toujours été important de produire localement, même si ça veut dire des coûts plus importants.» Mais, encore à ce jour, de grandes compagnies sont en partenariat avec des manufactures qui, au détriment de la sécurité de leurs employés, offrent un coût de production moins cher.
Lucie Fortin
À qui s’adresse le Slow Fashion ?
« Aujourd’hui, c’est un incontournable », pense Valérie Dunaime. La propriétaire d’une entreprise de mode depuis maintenant 15 ans, croit fermement que dans la société actuelle de surconsommation, le Slow Fashion s’adresse à tout le monde.
« C’est important, autant pour les gens qui portent le vêtement que pour les travailleurs de l’industrie », déclare-t-elle. Elle mentionne que la production locale a toujours été un critère primordial pour elle, et ce, malgré un coût plus important. Elle est convaincue que si les gens achetaient plus localement, même pour la nourriture, l’économie du Québec irait beaucoup mieux et notre environnement en bénéficierait aussi.
Quant aux géants de l’industrie qui utilisent la Fast Fashion, Valérie Dunaime semble convaincue que ce ne sont pas eux qui vont changer la donne, mais les acheteurs. « C’est leur modèle d’affaires », explique-t-elle.
Lucie Fortin
Comment faire pour acheter des vêtements éthiques, responsables et durables ?
La meilleure manière de savoir si le vêtement acheté s’insère dans le Slow Fashion est de lire attentivement l’étiquette afin de voir où il a été produit, par qui, avec quel matériel notamment. Il ne faut pas hésiter à s’informer. Aussi, investir dans des morceaux qui resteront à la mode est une bonne solution, car cela réduit le gaspillage. Louer des vêtements est également une bonne façon de rester à la mode sans nécessairement trop dépenser pour, au final, s’en débarrasser. Par exemple, la boutique montréalaise La petite robe noire permet la location de robes de soirée à bas prix. Il existe aussi un nouveau concept, primé par une fashionista adepte du Slow Fashion qui écrit pour le blog Useless, qui consiste à se créer des garde-robes capsules, c’est-à-dire d’avoir 25 morceaux de vêtements pour chaque saison.
Ce n’est pas tout le monde qui peut se payer des vêtements de grandes marques, d’où l’attrait des magasins comme H&M, Forever XXI, etc. Cependant, il existe plusieurs options. C’est au consommateur de voir laquelle lui convient le mieux. « C’est vraiment au consommateur de faire des choix [responsables]. [Il doit] se demander ‘[Ai-je] vraiment besoin de ça ? Est-ce que je vais le garder, le porter et l’aimer ? », croit la designer Valérie Dunaime. Il est aussi possible d’échanger des vêtements entre amis ou aller voir une couturière.
Tartanparty
Où est-il possible d’encourager le Slow Fashion ?
Selon les plus récentes données du Journal de Montréal, le marché d’occasion rapporte 4,9 milliards de dollars par an au Québec. Parmi les boutiques qui offrent un achat respectant le principe du Slow Fashion, la coopérative de vêtements sportifs MEC prône la vente de produits écologiques et locaux. La friperie La Gaillarde, située à Westmount, est devenue une référence dans la métropole pour plusieurs designers écologiques au Québec. Sa mission est de promouvoir des vêtements éthiques, écologiques et, avant tout, locaux.
Valérie Dunaime se rappelle avoir enseigné au Collège LaSalle en 2016 et y avoir mené un projet avec ses élèves qui consistait à récupérer une chemise blanche. C’est à ce moment-là qu’elle en a appris plus sur le Slow Fashion et s’est aperçue que son entreprise faisait partie de ce mouvement depuis maintenant 15 ans. En effet, le mouvement de Slow Fashion commence à prendre de l’ampleur. Les programmes en mode de la majorité des universités du Québec en parlent et sensibilisent les futurs designers à faire des choix qui s’inscrivent dans une nouvelle ère de pensées écologiques. Laurence Lemonde-Cornellier, étudiante en Commercialisation de la mode à l’Université du Québec à Montréal, affirme que « le Slow Fashion est souvent abordé dans [ses] cours, particulièrement dans un cours d’éthique, qui permet même de faire un projet [dans cette optique] » (Échange de courriels, mercredi 3 octobre 2018). Valérie Dunaime désire conscientiser les acheteurs. Elle est persuadée qu’en produisant des produits plus ciblés face aux besoins des consommateurs tout en restant locaux, les gens vont faire plus attention et ils vont finalement porter leurs vêtements plus longtemps.
Sources :
https://www.interstyleparis.com/slow-fashion/ https://www.huffingtonpost.com/maria-rodale/my-top-13-favorite-slow-f_b_7554266.html
https://www.youtube.com/watch?v=8LyavmteSe4