Qui a eu l’initiative d’inaugurer une murale en l’honneur d’Armand Vaillancourt ?
L’organisme de Bienfaisance Mu a inauguré le 2 novembre, une murale en l’honneur du sculpteur québécois Armand Vaillancourt « Notre mission est vraiment axée sur l’histoire et les œuvres d’Armand Vaillancourt en font partie», explique Élizabeth-Ann Doyle, l’une des cofondatrices de Mu (Entrevue téléphonique le 9 novembre 2020). Cette dernière et Emmanuelle Hébert ont fondé cet organisme en ayant pour objectif de rendre accessible l’art visuel à Montréal. À leur actif, ils ont réalisé plus de 150 murales et en mars 2019, Mu a remporté le 34e prix du Conseil des arts de Montréal. « Le jury a valorisé aussi l’apport des femmes au sein de l’organisme, ainsi que son travail de terrain et d’inclusion sociale », comme le mentionne le communiqué de presse du Conseil des arts de Montréal.
Pour concevoir cette murale, l’organisme a fait confiance à nul autre qu’au fils de l’artiste célébré, Alexis Vaillancourt, avec l’aide de Ludovic Marsolais-Viau, Martin Lavigne et Antoine Perreaula, qui forment le collectif LAMA. Ils ont reproduit une œuvre d’Armand Vaillancourt, qu’il avait crée en 1989, intitulée Auprès de mon arbre je vivais heureux, en référence à Georges Brassens. À la demande d’Armand Vaillancourt, cette nouvelle murale se trouve à l’Est de la ville, dans le quartier Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, où était situé son premier atelier. De plus, il s’est toujours affiché comme un gars de l’Est et s’identifie beaucoup aux gens de ce quartier, affirme Élizabeth-Ann Doyle. Pour admirer l’œuvre, il faut se rendre aux habitations le Domaine au 6470 Avenue Pierre-De Coubertin.
La mairesse de Montréal, Valérie Plante, a profité de l’évènement pour remettre à l’artiste âgé de 91 ans, la citoyenneté d’honneur de la Ville de Montréal « Cette reconnaissance vise à saluer cet artiste majeur de notre histoire qui n’a pas seulement chamboulé son milieu et marqué l’imaginaire, autant chez nous, au Québec, qu’à l’international, mais qui a aussi transformé notre rapport à l’art urbain » a-t-elle souligné.
Pourquoi avoir choisi une reproduction de Vaillancourt pour lui rendre hommage ?
À l’inauguration de la murale, Alexis Vaillancourt a raconté que l’œuvre Auprès de mon arbre je vivais heureux fait partie de ses souvenirs de jeunesse, puisque le tableau était dans la maison familiale. Il a ensuite affirmé que parmi toutes les œuvres de son père, celle-ci est sa préférée. Donc, la décision de reproduire cette œuvre en murale, pour rendre hommage à son père, est venue de lui. Selon Élizabeth-Anne Doyle, ce choix est légitime pour célébrer la carrière et l’implication d’Armand Vaillancourt dans la société. De plus, elle note que cette œuvre représente autant la personnalité d’Armand Vaillancourt que son travail. En effet, la mosaïque d’animaux et les éléments naturels symbolisent sa passion pour la nature : « J’ai toujours été très près de la nature et des animaux qui ont occupé une part importante de ma jeunesse. J’ai dessiné des centaines et des centaines d’objets qui illustraient la présence d’animaux, d’êtres fabuleux et de fantômes de mon enfance », affirme Armand Vaillancourt lors de l’inauguration.
La toile initiale est une sérigraphie, cette technique d’impression donnant une texture au support sur lequel est conçue l’œuvre. D’ailleurs, le travail de Vaillancourt se distingue par la texture et par les formes. On peut penser à sa sculpture Rectangle, réalisée en 1965, qui est un bloc de béton se démarquant par ses motifs et ses textures variés. Cette œuvre publique, faite en verre et en pierres naturelles, est exposée sur le terrain du Jardin botanique, près de l’insectarium. Dans le cas de Rectangle, la particularité est que les gens peuvent toucher l’œuvre et ainsi ressentir les textures variées.
Sur quoi faut-il se baser pour faire une murale à une personne ?
Selon Élizabeth-Ann Doyle, ce n’est pas une obligation de faire exclusivement des murales posthumes, car il n’y a pas de règles définies pour réaliser une murale de commémoration. Dans le cas de la murale dédiée à Armand Vaillancourt, c’est sa créativité et son travail qui sont mis de l’avant et non pas son portrait en tant que tel. Selon Roger Thiffault, artiste visuel et professeur d’art au secondaire « Il faut bien cibler ce qu’on veut que les gens retiennent de la murale, », souligne-t-il (Échanges de courriel le 9 novembre 2020). En 2010, l’organisme Mu a lancé une collection de murales nommée Bâtisseurs culturels montréalais afin de célébrer la vie et la carrière de nombreuses personnalités culturelles, façonnant à leur manière, l’histoire contemporaine du Québec « Quoi que les murales commémoratives aient toujours existé, notre angle est toutefois différent, parce qu’on célèbre des personnalités locales et non pas, par exemple, des hommes politiques », explique Élizabeth-Ann Doyle.
L’organisme Mu rend hommage à des personnalités qui ont un lien avec la communauté culturelle de Montréal. Par exemple, des Montréalaises inspirantes, qui ont marqué la culture québécoise, dans les années cinquante, comme les pionnières en humour, Dominique Michel et Clémence Desrochers, l’actrice Janine Sutto, la chanteuse Alys Roby, et la cinéaste autochtone Alanis Obomsawin. Il y a aussi des auteurs à succès qui écrivent des œuvres se déroulant à Montréal, comme Dany Lafferrière et Michel Tremblay. Par ailleurs, l’organisme a fait une murale intitulée Tower Of Song, pour célébrer le poète et musicien Léonard Cohen, décédé en 2016, qui est la plus impressionnante, car elle fait partie du paysage du centre-ville de Montréal.
Comment la Ville de Montréal s’implique-t-elle dans l’art public ?
Dans les années 70, la Ville de Montréal a mis sur pied un programme d’art murale, afin d’offrir un accès privilégié à l’art public, avec des murales qui reflètent la société montréalaise et ses différentes communautés. L’organisme Mu peut réaliser ses murales grâce au programme qui se divise en trois volets : les murales de grande visibilité, de quartiers et de la collection d’œuvres d’art public. La murale célébrant l’artiste Armand Vaillancourt fait partie du deuxième volet, qui est les murales de quartier, car a été conçue par un organisme à but non lucratif et aussi parce qu’elle tient compte d’une communauté locale qui est Mercier–Hochelaga-Maisonneuve. Le programme soutient aussi différents évènements ccomme le Festival d’Art Public, ou le Festival d’Art urbain qui donnent beaucoup de visibilité aux murales. Selon les données de la Ville de Montréal, on en dénombre pas moins de 200 à travers la ville.
La Ville de Montréal soutient l’art public, en donnant un espace de création aux artistes, et pour prévenir les graffitis illégaux, notamment avec le programme annuel, graffitis et murales, lancé en 2007. Par ailleurs, la métropole montréalaise travaille fort pour diminuer le nombre de graffitis ainsi que les tags en misant sur le nettoyage. En 2009, Montréal a investi 3 millions pour effacer des graffitis, et les autorités avaient remarqué une baisse de 75 % dans les quartiers les plus affectés par des graffitis, comme l’arrondissement de Ville-Marie. En 2020, le nombre de graffitis et tags dans ces quartiers n’a pas augmenté. Les programmes offerts par Montréal permettent aux graffiteurs, qui sont en majorité des artistes, d’exploiter leur plein potentiel en créant des murales de manière légale.
Comment mesure-t-on l’impact de ces murales sur les citoyens ?
Les murales ont un impact positif chez les citoyens. Elles accomplissent plusieurs choses, notamment l’éducation. C’est ce que tente de faire l’organisme Mu. « Notre initiative est basée sur la pédagogie, que ce soit pour les jeunes ou les nouveaux arrivants, on veut que ces murales leur racontent une histoire », note Elizabeth-Ann Doyle. Les gens qui sont attirés par l’œuvre vont s’arrêter et chercher qui est cette personne.
« Ce sont comme des hiéroglyphes modernes adaptés à notre époque » illustre Roger Thiffault. De plus, les murales ont pour fonction de démocratiser l’art auprès du public. « Les murales permettent un partage de réflexion, à partir de l’œuvre, entre différents types d’âges et nationalités », ajoute Roger Thifault. D’ailleurs, au Musée d’art de Joliette, une murale commémorative est sur le point d’être finalisée, sur Joyce Echaquan, cette femme atikamew, qui est décédée à l’hôpital de Jonquière, à la suite de maltraitance de la part d’une préposée et d’une infirmière, qui avaient tenu des propos racistes. Cette murale aura pour fonction de se souvenir que la discrimination et le racisme existent toujours et que ses conséquences peuvent aller loin, voir jusqu’à la mort.
Ensuite, la forte demande pour ajouter des œuvres d’art public ou des murales, que ce soit à Montréal ainsi qu’ailleurs dans le monde, confirme que les citoyens aiment contempler des œuvres, même s’ils ne sont pas experts en art visuel. La murale rendant hommage à Armand Vaillancourt, avec ses couleurs vives et sa mosaïque d’animaux, a un effet positif sur les gens du quartier, car ils constatent la beauté de l’œuvre.
Mise à part Montréal où retrouve-t-on des murales ?
Toutes les grandes métropoles mondiales font des murales « Le tourisme est friand de ces murales. Mais les pays comme la Chine contrôlent la promotion de ce type de murale et c’est toujours pour desservir sa propagande », explique Roger Thiffault. Ce dernier a nommé l’artiste Diego Riviera, qui a popularisé les murales, au début des années 1900, dans la Ville de Mexico. Parmi les plus connues de cet artiste mexicain, il y a Rêve un dimanche après-midi dans l’Alamdea peinte en 1947.
Toutefois, la ville de prédilection en termes de murales est Philadelphie, qui est sans équivoque l’inspiration de l’organisme Mu, indique Élizabeth-Ann Doyle. Cette ville américaine, a près de 3500 murales, et 2500 façades pour de futures murales, selon le Figaro. Dans la même veine que Montréal, la Ville de Philadelphie a lutté contre les graffitis et les tags, pour finalement se démarquer dans l’art public, en offrant des espaces urbains aux artistes, par exemple des écoles, des usines délabrées ou des édifices. Les murales sont aussi très présentes en France, dans la Ville de Lyon, qui n’en a pas moins que 150. La plus populaire est la Fresque des Lyonnais, car elle représente des Lyonnais marquants tels que Paul Bocuse, les Frères Lumière ainsi que l’abbé Pierre.
Sources