Comment évalue-t-on les conséquences de l’utilisation du plastique à usage unique pendant la pandémie ?
Les masques et les gants jetables, le plexiglas ainsi que les visières font maintenant partie de notre quotidien, mais ils augmentent l’utilisation du plastique, ce qui cause une problématique sérieuse pour la crise climatique. Selon plusieurs experts, comme Oceana Canada et la International Solid Waste association, cette augmentation s’élève entre 250 % et 300 %, depuis le début de la pandémie. Une légère baisse de 17 % , des émanations de gaz à effet de serre (GES) dans le monde, a été constaté, dû à la fermeture des frontières, ou à la diminution des voitures sur la route, parce que la majorité des gens font du télétravail. Malgré tout, on remarque que la pandémie affecte la cause environnementale avec les océans qui sont immergés dans le plastique. Alexandre Shields, journaliste spécialisé en environnement au quotidien le Devoir, parle du sentiment de sécurité qui s’est manifesté depuis la pandémie, avec le plastique, ce qui nourrit une plus forte dépendance à ce matériel (Entrevue téléphonique le 6 octobre 2020). Au mois de février dernier, le groupe d’Oceans Asia a fait une inquiétante découverte sur l’île de Lantau, situé à Hongkong. Parmi les innombrables débris de plastique, il y avait une accumulation de masques jetables et ce n’est que la pointe de l’iceberg.
D’après de nouvelles recherches, au moins 14 millions de tonnes de particules de plastique, d’à peu près 5 millimètres de largeur, se retrouvent au fond des océans et il pourrait y avoir 30 fois plus de plastique qu’à la surface. Les impacts se ressentent chez les animaux, on dénombre plus d’un million d’oiseaux ainsi que 100 000 mammifères marins qui sont décédés ou en mauvais état, parce qu’ils ont ingéré des particules de micro plastique, en pensant que c’est de la nourriture. Les humains ne sont pas épargnés, puisque l’on respirerait et consommerait plusieurs dizaines de milliers de particules plastique.
Pourquoi utiliser du plastique jetable pour se protéger contre la COVID-19 ?
Dans le cas des masques jetables, des micros fibres laissent passer l’air plus facilement, tout en empêchant les fameuses gouttelettes ou microgouttelettes. Dans le domaine médical, on privilégiera ce matériau, pour éviter une transmission, puisqu’il y a plus de risques d’être en contact avec le virus. « D’un côté sanitaire, il est prouvé scientifiquement que les masques jetables réduisent la propagation, mais d’un point de vue environnemental, ça cause un effet très négatif », note Alexandre Shields. Dans les hôpitaux des Asturies, en Espagne, durant le mois d’avril, on a évalué la quantité de déchets à 185 tonnes, multipliant de quatre fois leur quantité habituelle.
Le nerf de la guerre se situe dans les commerces et dans les restaurants, qui de plus en plus, emballent les articles ou la nourriture par précaution. Cependant, si l’on se réfère à des études scientifiques, rien ne prouve que l’emballage comme tel réduit la propagation du virus, comme le mentionne Agnès Le Rouzic, porte-parole de Greenpeace « il n’existe aucune raison scientifique de privilégier le jetable dans la vie de tous les jours, que ce soit dans les cafés et restaurants, dans les commerces de détail ou concernant les masques de protection » (Échange de courriels, le 5 octobre 2020).
Est-ce qu’il y a d’autres options qui sont sécuritaires ?
Dans un article publié dans The Conversation, deux chercheuses françaises, Nathalie Gontard, directrice de recherche, experte en sciences de l’aliment et de l’emballage ainsi que Valérie Guillard, génie des procédés appliqués au domaine du vivant ont analysé que la solution de rechange au plastique, qui est la plus sécuritaire, est le masque lavable « le lavage d’un masque en fibres naturelles reste la forme de recyclage la plus efficace pour l’élimination des contaminants, notamment viraux, la plus économe qui soit sur le plan économique et environnemental, et la plus accessible à tous ». Il y a différents masques faits en textiles naturels comme le chanvre, le coton, la flanelle, et la soie qui ont une capacité filtrante presque semblable aux masques jetables. Ces masques, comme tous les autres masques lavables, faut-il le rappeler, ne sont pas approuvés par les scientifiques, mais il reste tout de même sécuritaires pour protéger les autres et soi-même, sauf si les mesures d’hygiènes de base, c’est-à-dire le lavage avec de l’eau et du savon, ont été négligées. Une autre option serait d’inciter les chaînes de restauration rapides, et les commerces à prendre la voie du réutilisable et de donner le choix aux consommateurs de ne pas utiliser de plastique.
Comment conscientiser les gens à la pollution du plastique en temps de pandémie ?
Plusieurs groupes environnementaux publient des études concernant les effets de la pandémie sur l’environnement afin de conscientiser la population. « Il est important de continuer la conscientisation sur les impacts du plastique sur l’environnement, le climat et la santé, car le plastique pollue à toutes les étapes de son cycle de vie : de sa production (à partir de ressources fossiles) à son élimination », indique Agnès Le Rouzic. Jusqu’à tout récemment, les épiceries interdisaient les sacs réutilisables et donnaient aux clients des sacs en plastique pour emballer. Afin de ne pas perdre de vue l’enjeu climatique, l’épicerie IGA vient de bannir les sacs de plastique. Sylvain Lebel, vice-président de l’exploitation de détail chez IGA, a mis de l’avant cette initiative, puisqu’aucune donnée de la santé publique révèle que les sacs réutilisables peuvent être une source de contamination au virus. Par ailleurs, un sondage réalisé par Abacus data montre que 86 % des gens interrogés approuvent l’interdiction du plastique à usage unique.
En revanche, ce qui préoccupe les compagnies de restauration rapide c’est de savoir si les coûts relatifs à des produits réutilisables sont abordables, ce qu’a répondu Wilikinson, en compagnie de Steven Guilbeault, ministre du Patrimoine, et ancien écologiste d’Équiterre, que ces six types de produit en plastiques jetables ont une solution de rechange qui n’est pas dispendieuse. « L’idée est basée sur une économie circulaire, donc de remplacer ces produits là qui ne sont pas recyclables, par d’autres qui seront recyclables, compostables, ou réutilisables » mentionne le ministre Guilbeault. Pour le moment, d’autres articles en plastiques comme les tasses, les couvercles à café et les bouteilles d’eau resteront encore sur le marché, ce qui inquiète les écologistes, puisqu’ils sont « parmi les cinq premiers déchets qu’on retrouve dans notre environnement ou dans les sites d’enfouissement », explique Agnès Le Rouzic. Aussi, pour atteindre un objectif « zéro déchet de plastique » en 2030, le gouvernement souhaite améliorer le faible taux de recyclage au Canada, qui est de 9 %, et ainsi l’augmenter à 90 %.
Le gouvernement compte-t-il interdire le plastique à usage unique ?
Il y a près d’un an, le gouvernement fédéral a dit vouloir interdire le plastique à usage unique, quand « les données scientifiques et les circonstances le justifient » et il veut « adopter d’autres mesures pour réduire la pollution issue des produits et emballages en plastique » (communiqué du premier ministre Justin Trudeau). Le ministre fédéral de l’Environnement et du Changement climatique, Jonathan Wilkinson, a d’ailleurs annoncé le 7 octobre que six types de produits en plastique pour usage unique seront bannis au cours de l’année 2021, c’est-à-dire les pailles, les sacs, les ustensiles, les porte-cannettes, les bâtonnets à mélanger et les récipients difficiles à recycler, comme les emballage dans les restaurants rapides. En ce qui concerne le plastique pour le matériel d’hygiène médical pendant la pandémie, ils ne seront pas bannis a déclaré Wilkinson.
Plusieurs pays sont devenu des modèles sur la conscientisation, en ce qui concerne la pollution liée au plastique à usage unique. La France, par exemple, a imposé une loi sur le gaspillage alimentaire et sur l’interdiction du plastique à usage unique. La loi a été appliquée, en dépit du fait que le lobby du plastique demandait à la retardée, voir même à l’annulée en raison de la pandémie de COVID-19. Aujourd’hui, en France, les pailles et d’autres types de plastique à usage unique sont désormais proscrits.
Les Canadiens sont-ils de gros utilisateurs de plastique à usage unique ?
Le Canada n’est pas en bonne position quant à l’exploitation du plastique à usage unique et avec la pandémie, la situation ne fait que s’aggraver. Oceana Canada révèle que chaque année, les Canadiens utilisent 4,6 millions de tonnes métriques de plastique, soit 125 kilogrammes par personne, et d’ici 2030 on augmenterait à six millions de tonnes métriques. En 2010, le Canada produisait neuf fois plus de déchets que l’Inde, et trois fois plus que certains pays d’Asie. Ce qui constitue, pour les Canadiens, à trois millions de tonnes de déchets par année. Aussi, au quotidien, les Canadiens utilisent plus de 150 millions de pailles ainsi que 15 milliards de sacs en plastique.
Toutes ces données, réparties sur plusieurs années, sont préoccupantes pour l’avenir de notre planète, et il faut souligner que le Canada a mauvaise réputation dans la collecte de recyclage, puisque le tiers du plastique que nous mettons dans notre bac bleu n’est pas recyclable. « Même avant la pandémie, le taux de recyclage était extrêmement faible au Québec, et même au Canada » explique Alexandre Shields. En effet, le taux de recyclage au Canada a diminué à 9 %. Au Québec, sur 200 000 produits de plastique qui est mis dans le bac, c’est à peine 25% qui pourra être recyclé et le reste se retrouve dans les sites d’enfouissements pour atterrir dans les océans, mais aussi dans les lacs et les rivières d’eau douce.
Sources:
https://theconversation.com/le-retour-en-force-du-plastique-dommage-collateral-de-la-pandemie-138024
https://www.journaldequebec.com/2020/09/29/fini-les-sacs-de-plastique-chez-iga
https://oceana.ca/sites/default/files/noyes_dans_le_plastique_2.pdf
https://www.tvanouvelles.ca/2020/10/07/plastique-a-usage-unique-six-articles-seront-bannis