Est-il possible d’arrêter sa dépendance grâce à l’acupuncture ?
Alors que Santé Canada publiait en octobre 2018 un recensement où l’on remarquait une hausse de 2 % de consommateurs de tabac entre 2015 et 2017, une façon de se départir des vieilles habitudes reste méconnue. Après 2 500 ans d’utilisation, l’acupuncture est encore ignorée des Québécois. « Je pense qu’un des grands problèmes de l’acupuncture au Québec, c’est qu’on ne connait pas la pratique. », constate Annie Lefebvre, acupunctrice de Laval (entrevue téléphonique, 4 décembre 2018). Elle offre ses services afin d’arrêter les comportements dépendants. Elle affirme avoir traité plus d’une centaine de personnes. Il en va autant pour la cigarette que l’alcool, les drogues et même la dépendance au travail, au jeu et au sexe. Elle dépeint le portrait d’une de ses anciennes patientes, maintenant guéries, qui tombait de dépendances en dépendances en passant par son emploi, sa consommation de boissons et son addiction au jeu. Pour ceux et celles qui ne sont pas familiers avec cette médecine, l’Association des Acupuncteurs du Québec (AAQ) la définit comme « tout acte de simulation, généralement au moyen d’aiguilles » cherchant à « améliorer la santé ou soulager la douleur ».
Lucie Fortin
Comment est-ce que ça fonctionne ?
Puisqu’il y a de nombreuses techniques différentes pour l’acupuncture, comme les aiguilles, les poitns d’acupuntures et la stimulation électrique, le traitement varie autant dans sa méthode d’exécution que la région choisie pour être soignée. La faculté de médecine de l’Université McGill a publié en 2013 que la dépendance « pourrait résulter d’une communication anormale entre des zones des lobes frontaux qu’on associe au processus de décision ». Ce faisant, Annie Lefebvre travaille avec les techniques d’acupuncture pour modifier l’irrigation du cortex orbitofrontal tout en offrant conseils et thérapies afin de trouver le cœur réel du problème. Au niveau des drogues inhalées, elle affirme qu’après le premier traitement, le goût change. « Dès les premiers traitements, la cigarette qu’on allume ne goûtera pas bon. » Elle incite donc ses patients à éteindre et jeter sans regret son tabac afin que le cerveau associe le mauvais goût à la cigarette. L’alcool se traite toutefois différemment. « Dépendamment de la quantité que la personne boit, on ne peut pas traiter la personne juste en une séance. Il y a le delirium tremens qui peut embarquer », rapporte l’acupunctrice. Le delirium tremens, c’est la conséquence la plus grave du syndrome du manque. Il se traduit en plusieurs symptômes comme l’agitation, des tremblements et des délires hallucinatoires. « Les gens qui veulent faire un sevrage d’alcool doivent le faire avec une supervision médicale », avertit-elle.
Lucie Fortin
Quels sont les risques de rechuter ?
Parmi ses patients, Annie Lefebvre remarque que plus de la moitié réussissent à stopper leur dépendance. Toutefois, elle constate que c’est la volonté d’arrêter et la motivation profonde qui aide à régler rapidement le problème. L’étude du Neuroscience ResearchInstitute of Peking University démontre qu’après une période de 3, 6, 9 et 12 mois, les taux de rechutes sont respectivement de 50 %, 71,4 %, 80,4 % et 83,9 %. « Considérant que les rapports de documentation montraient que le taux de rechute était de 94 % après six mois et de 98 % après un an chez des utilisateurs d’héroïne ayant complété un sevrage, l’augmentation à 16 % du taux de succès en un an suite aux tests est encourageante », peut-on lire dans l’article scientifique. Pour l’acupunctrice, la réussite d’une démarche est entre le contrôle des gens et si la source du problème est réglée. Plusieurs aspects sont à vérifier lors des soins. « On regarde ce qui peut y avoir derrière le besoin de fumer, ça date de combien de temps, quelle intensité, quel contexte qu’on flanche et refume et en fonctionne de ça, on va choisir des points pour la personne », explique-t-elle.
Ordre des Acupuncteurs du Québec
Qui pratique cette méthode ?
L’adhésion à l’Ordre des acupuncteurs du Québec (OAQ) est obligatoire pour pratiquer cette méthode au Québec. Il faut donc s’assurer que le professionnel que l’on consulte est membre de l’Ordre. « Personne ou presque ne connait l’existence de l’Ordre. Pourtant l’Ordre est là pour protéger le public, ce n’est pas banal », déclare l’acupunctrice Annie Lefebvre. « On doit faire des formations reconnues chaque année par l’Ordre comme n’importe quel professionnel de la santé. » Ainsi, les membres se spécialisent dans des branches différentes dépendant des formations choisies. Dans l’OAQ, l’on compte environ 900 membres à ce jour. En comparant avec la Fédération des médecins spécialistes du Québec qui compte plus de 100 000 personnes, on voit l’écart entre les deux organisations qui offrent toutes deux des ressources en santé. Le Collège Rosemont est la seule école reconnue par le gouvernement offrant une formation en acupuncture.
Lucie Fortin
Quels sont les aspects à vérifier avant son rendez-vous ?
L’AAQ rappelle les mesures de sécurité qui doivent être prises par les acupuncteurs lors des traitements. « L’utilisation des aiguilles stériles à usage unique est obligatoire. Tout acupuncteur pratiquant au Québec se doit de se soumettre à cette consigne professionnelle. » Cette prévention empêche ainsi de transmettre des maladies par une aiguille contaminée et mal stérilisée. De plus, la Régie de l’assurance maladie du Québec ne couvre pas les frais. Néanmoins, de plus en plus de compagnies d’assurances remboursent une partie de coûts. En moyenne, le prix à débouser pour une scéance varie de 60$ à 80$.
Lucie Fortin
Pourquoi les doutes persistent-ils ?
Malgré que la profession soit réglementée depuis 20 ans au Québec, Annie Lefebvre rencontre encore des sceptiques. « Ce n’est pas parce que les gens ne comprennent pas comment l’acupuncture fonctionne que ça ne marche pas », explique-t-elle. Elle raconte qu’elle a déjà soigné une incrédule de l’acupuncture. La patiente avait été recommandée par une infirmière, mais continuait de croire que les traitements n’auraient aucun effet. « Que tu y croies ou que tu n’y croies pas, ça fonctionne. Ce n’est pas une question de croyance », lui aurait dit l’acupunctrice. Le problème fut finalement réglé et la patiente fut surprise des résultats, changeant ainsi son opinion. « Les gens qui ne savent pas, c’est normal qu’ils n’y croient pas », note Annie Lefebvre. Même si des études ont déjà prouvé l’efficacité de l’acupuncture, les recherches continuent encore sur le sujet pour trouver d’autres bienfaits de cette pratique.
Sources :