Qu’est-ce que la douance ?  

À ce jour, il n’existe toujours pas de consensus concernant une seule définition de la douance. Plusieurs modèles théoriques existent avec différentes définitions. Or, la recherche scientifique démontre tout de même que la douance est une combinaison d’aptitudes en haut de la moyenne et de caractéristiques importantes. « Les personnes douées aiment beaucoup penser, questionner, douter et comprendre et tout cela dans l’intensité. Par contre, ce n’est pas toutes les personnes douées qui ont ces caractéristiques et celles-ci peuvent aussi évoluer au cours de la vie », explique Stéphanie Deslauriers, psychologue et directrice scientifique à l’Association québécoise pour la douance (Entretien téléphonique, 21 octobre 2020). 

Afin de savoir si une personne est douée, une évaluation doit être faite et un résultat de 130 au test de QI est nécessaire. « Ces dernières années, il y a eu plusieurs écrits sur les caractéristiques de la douance, alors beaucoup de demandes ont été faites pour faire des tests, mais il n’y a pas beaucoup de personnes qui ressortent avec l’identification de douance », mentionne Élodie Authier, psychologue et neuropsychologue (Entretien téléphonique, 21 octobre 2020). Selon elle, il y a environ 3 % de la population québécoise qui est douée. 

Frédérique Poulin-Thomas, douée et tatoueuse de 23 ans, raconte son expérience lorsqu’elle était enfant alors qu’elle devait passer une série de tests pour comprendre ce qui la différenciait de ses collègues de classe. « J’enchainais les psychologues et les neuropsychologues, car je comprenais tout ce qu’on m’enseignait : j’avais 8 ans, mais j’avais les connaissances d’une jeune fille de 11 ans ». (Entretien téléphonique, 19 octobre 2020)

Photo: Béatrice Guimont

Quels sont les effets de la pandémie sur les élèves doués ?

Les effets de la pandémie ne sont pas encore connus dans le milieu scolaire. « Ce qui est ressorti chez nos clients lors du premier confinement est positif puisque les enfants évoluaient à leur propre rythme. C’est très libérateur de ne pas avoir la pression de l’école», remarque Élodie Authier.

Toutefois, il est difficile de s’adapter avec les nouvelles mesures sanitaires qui empêchent souvent les recommandations des professionnels d’être  appliquées pour les élèves doués. « Par exemple, un enfant qui a une avance de deux ans en mathématiques, nous on aime qu’il aille dans une classe de niveau supérieur pour faire sa matière, pour être stimulé, pour apprendre. On appelle cette méthode décloisonnement», raconte Authier.  Avec la COVID-19, cette formule n’est plus permise afin d’éviter les déplacements le plus possible. Ce qui est inquiétant, d’après la neuropsychologue. 

Frédérique Poulin-Thomas a la sincère conviction qu’elle n’aurait pas pu performer dans le système scolaire durant la pandémie en raison de son TDAH. « À l’idée de me transposer dans des classes virtuelles, je panique. Il m’en faut beaucoup pour que je reste concentrée même dans une classe », explique-t-elle.

Photo: Béatrice Guimont

Douance, synonyme de réussite universelle ? 

Être doué ne signifie pas forcément être premier de classe. « Il y a des enfants doués qui ne vont pas nécessairement bien réussir à l’école, mais plutôt performer dans un domaine en particulier », mentionne Élodie Authier. D’ailleurs, il n’y a pas que la douance intellectuelle qui existe, mais aussi, entres autres, la douance sportive, musicale et artistique. « Avec la douance, il y a une part qui est acquise, mais si l’environnement ne permet pas de développer son potentiel, on ne va pas le voir », ajoute Authier. La psychologue et neuropsychologue fait allusion ici à Mozart qui n’aurait probablement pas pu développer sa douance musicale si son père, qui était musicien, ne lui avait pas mis un instrument dans les mains dès l’âge de trois ans.

La croyance que la douance signifie être un génie dans tout, apporte son lourd fardeau aux personnes douées.  « J’ai vécu énormément d’anxiété de performance. On ressent une pression qui vient avec le diagnostic. Je me suis sentie pas bonne pendant longtemps. Tout le monde sait que tu es douée alors on s’attend à beaucoup de toi », raconte Frédérique. 

Crédit: Paola Lapadula

Qu’est-ce qu’une double exceptionnalité et quelles sont ses difficultés? 

Parmi les connaissances dont dispose la science sur les différents types de douance, la double exceptionnalité fait partie d’un profil connu des personnes douées. Dans la double exceptionnalité, il y a la douance ainsi qu’un trouble associé, soit un trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), le trouble d’apprentissage (TA), le trouble du spectre de l’autisme (TSA) et le trouble affectif ou le trouble comportemental. « Environ 5 à 8% des enfants doués auraient une double exceptionnalité », soulève Authier.

Le diagnostic de Frédérique est plutôt complexe: douance, TDAH, hypersensibilité et autisme.  Son hypersensibilité a souvent nuit à ses relations interpersonnelles. « Certains doués ont des difficultés à cause de leur hypersensibilité. Ils ont un mode de fonctionnement qui n’est pas pareil à celui de leur entourage, ce qui peut causer des difficultés relationnelles », explique Stéphanie Deslauriers.

Ces difficultés ont causé un mal de vivre important chez la jeune artiste. « Jeune, je voulais toujours m’enlever la vie. Mes pensées occupaient trop de place. Je pensais et je comprenais énormément de choses complexes », se rappelle la tatoueuse. C’est un effet qui n’est pas inconnu pour Deslauriers. « Souvent, quand on va dans des groupes de discussion de doués, on voit beaucoup de mal-être, ils se sentent incompris ».

Photo: Paola Lapadula

Quelles sont les ressources pour les élèves doués ? 

Les écoles alternatives répondent bien aux besoins des enfants doués puisqu’ils apprennent à travers des projets, ils ont donc des objectifs et ils sont autonomes. Par contre, pour les élèves doués, mais avec un trouble associé, il vaut parfois mieux l’école régulière selon Authier. « Même si l’enfant est doué, mais qu’il a un TDAH, cela va être plus difficile pour lui de se concentrer dans une classe alternative où les autres élèves parlent parce qu’ils travaillent en groupe et il faut aussi beaucoup de motivation ».

« Certains doués ont un profil très académique, alors ils vont très bien s’intégrer à l’école, mais il y en a pour qui ça ne fonctionne pas du tout », soutient Deslauriers. Pour un élève doué ayant un trouble associé, il est important de garder un suivi et de donner des activités stimulantes et motivantes qui font du sens pour lui.  « Sans mes parents et leur détermination à me fournir les meilleurs encadrements, j’aurais lâché l’école à 16 ans. Et ce, malgré mon haut potentiel intellectuel », confie Frédérique Poulin-Thomas. 

Photo:: Béatrice Guimont

Le système d’éducation actuel est-il propice à l’apprentissage? 

Frédérique se rappelle à quel point elle était soutenue par son entourage. « J’étais chanceuse, j’avais des parents et des psychologues qui avaient à coeur ma réussite. C’est grâce à eux et non grâce au système d’éducation que j’ai su me tailler ma place dans cette jungle ».

Malgré toutes les nouvelles connaissances acquises à l’égard de la douance, elle croit qu’être identifiée comme douée est encore très lourd à porter.  D’après son expérience, l’école comprend encore mal les besoins des élèves neuro divergents.  « Pour bien évoluer dans le système scolaire, il faudrait que nous ayons tous les mêmes capacités d’apprentissages et ce n’est pas le cas ». 

Sources:

Et si mon enfant était…doué?

Association québécoise de la douance: Ce qui se fait au Québec