Comment la COVID-19 a-t-elle affecté les méthodes d’enseignements ?

La pandémie a profondément modifié les conditions de travail du corps professoral : les enseignants ont rapidement fait face à une surcharge de travail dû au passage d’un mode d’enseignement présentiel à en ligne. 

Nancy Goyette, chercheuse à l’Université du Québec à Trois-Rivières, en psychopédagogie du bien être en enseignement, nous expose ses observations :

« Avant l’été, les enseignants n’étaient pas préparés à vivre cette pandémie. `À Montréal particulièrement, les enseignants ont dû se retourner très rapidement pour offrir une formation en ligne. Quand la COVID est arrivée, la planification a été brisée et la progression des apprentissages des élèves s’est faite à géométrie variable. » (Entretien téléphonique, le 20 octobre 2020).

Ainsi, il y a une certaine fatigue qui s’installe chez les professeurs, qui doivent jongler entre les nouvelles normes sanitaires en vigueur, les conditions de travail difficiles, le stress des élèves et aussi le stress des parents. Cela provoque une surcharge émotionnelle qui se traduit par une détresse psychologique. 

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AGENCE FRANCE PRESSE

La pandémie a-t-elle aggravé la pénurie d’enseignants dans les quartiers défavorisés ?

La pénurie d’enseignants n’est pas un phénomène nouveau, surtout à Montréal où presque tous les ans, le sujet refait surface. Déjà l’an dernier, lors de la rentrée 2019, il manquait au total 360 enseignants pour combler les besoins de personnel dans les écoles du Québec. Et 84 % de ces postes vacants se trouvaient dans la grande région de Montréal. Selon La Presse, à une semaine de la rentrée scolaire 2020, le Centre de services scolaire de Montréal (CSSDM), recensait encore 500 postes d’enseignants à pourvoir, dont 90 postes réguliers.

La pandémie est venue exacerber l’étendue du problème.

Aujourd’hui, seulement à Montréal, une grande partie des postes vacants sont situés dans les arrondissements défavorisés : Montréal-Nord, Saint-Michel, Pointe-Saint-Charles ou la portion nord de Lachine.

Le 12 octobre dernier, le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, déclarait que les centres de services scolaires sont autorisés à embaucher des enseignants suppléants, sans formation universitaire, si aucun enseignant légalement qualifié n’est disponible pour combler la tâche. Certains spécialistes dénoncent ces mesures, car elles risquent de profondément nuire à la qualité de l’enseignement.

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Y-a-t-il assez de ressources disponibles pour la santé mentale des enseignants ?

Selon un récent sondage de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE), sept enseignants sur dix affirment que leur santé mentale se dégrade avec la pandémie. Il ne s’agirait que de la pointe de l’iceberg.

Un enseignant du Cégep Marie Victorin, qui a préféré garder l’anonymat, partage son expérience personnelle : « J’ai eu une détresse psychologique, il y a quelques semaines. Je ne pouvais même pas prendre de journée off parce que personne ne pouvait me remplacer […] À la fin, on m’a simplement dirigé vers le programme de soutien aux employés en me demandant d’appeler un numéro ».

Nancy Goyette ajoute que dans l’ensemble, les ressources ne sont pas au rendez-vous pour les enseignants en détresse : « On voit qu’il n’y a pas tant de mobilisation que ça au niveau des moyens pour sauvegarder une certaine hygiène mentale, mais il y a toujours des gens qui essayent de travailler à ça. Il ne faut pas dire que tout le monde s’en fout ». 

Ce qui est le plus urgent dans le milieu c’est de préparer les enseignants à la formation à distance, pour qu’ils aient les ressources pédagogiques pour poursuivre les cours. La santé mentale, bien qu’importante, apparaît ainsi comme un enjeu secondaire pendant la pandémie.

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La détresse psychologique des enseignants influe-t-elle sur les élèves ?

Lorsqu’un enseignant fait face à une détresse psychologique, c’est la qualité de son enseignement qui est impacté. Les élèves finissent par en pâtir d’une certaine manière. 

Cette détresse psychologique peut se traduire par un absentéisme récurrent ou permanent de la part de l’enseignant. Si les élèves n’ont pas de remplaçants, ils se retrouvent à devoir rattraper un retard dans leurs cours. De plus, tous les enseignants n’adoptent pas les mêmes approches pédagogiques. Certains élèves sont habitués à travailler avec un professeur spécifique. L’arrivée d’un ou de plusieurs remplaçants peut perturber les méthodes de travail de l’élève qui sera contraint de s’adapter à nouveau. 

Un professeur qui fait face à une détresse psychologique est susceptible d’être moins patient et à cran. Il est possible qu’il n’accorde plus autant de temps aux élèves en difficultés dans la classe ou tout simplement, qu’il soit moins tolérant.

« On a l’impression qu’être enseignant c’est être la petite maîtresse d’école dans sa classe, mais la petite maîtresse d’école est en train de construire avec des élèves des citoyens de demain, et on veut que ses citoyens de demain soient bien guidés dans leur cursus scolaire » précise Nancy Goyette (Entretien téléphonique, le 20 octobre 2020).

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A-t-on encore envie d’enseigner surtout pendant la pandémie ?

La profession n’a jamais vraiment été attrayante. L’image du métier et les conditions de travail se sont dégradées au cours des 20 dernières années. L’arrivée de la pandémie dans l’équation n’a pas changé les choses dans le bon sens.

L’enseignement à distance en premier lieu est venu casser l’ambiance traditionnelle et a déstabilisé de nombreux professeurs. Certains regrettent les sensations dans la salle de classe, les émotions et le regard des élèves, le feutre sur le tableau, etc.

Pour d’autres, c’est surtout les perspectives professionnelles qui sèment le doute dans leurs pensées. L’arrivée de personnes non qualifiées pour combler des postes en raison de la pénurie de main-d’œuvre remet en question la justification de faire des études pour enseigner. Selon Radio-Canada, certains jeunes qui font actuellement un bac de 4 ans à l’université pour devenir un enseignant, se demandent s’il est encore pertinent de faire leur bac alors qu’ils pourraient aller faire de la suppléance et ainsi obtenir le même salaire. Dans certains centres de services scolaires comme à Port Neuf, le baccalauréat n’est plus une exigence, mais seulement un atout pour devenir suppléant.

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Comment les professeurs peuvent-ils améliorer leur santé mentale ?

On remarque que les enseignants qui s’en sortent le plus au niveau de leur bien être psychologique sont ceux qui travaillent en équipe ou qui collaborent ensemble. Souvent, ils développeront des stratégies pour se soutenir moralement. Combattre la solitude est d’autant plus important surtout à l’ère de la pandémie où les cours se passent principalement à la maison. 

Les plus courageux optent pour le sport. Une personne qui pratique une activité physique est moins sujette aux problèmes les plus courants de santé mentale comme les troubles anxieux ou la dépression. Des études ont même montré que l’activité physique faite en groupe apporte des bienfaits encore plus grands que l’activité physique individuelle concernant la santé mentale. Certains professeurs s’adonnent à ces activités avant l’arrivée de l’hiver en tentant de respecter les deux mètres de distance.

« Pour être bien pour un enseignant, il faut trouver un sens à ce que l’on fait. La pandémie amène une perte de sens désfois à cause des incertitudes. Il faut se rattacher aux choses positives et trouver des sources de bien être quotidiennement », conclut Nancy Goyette.

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