L’industrie agroalimentaire pollue-t-elle ?

À quelques semaines de la vingt-quatrième Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP24), le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat de l’Organisation des Nations unies a sorti un rapport sur la hausse globale des températures et l’augmentation des gaz à effet de serre. Ce bilan dresse un portrait alarmant en matière environnementale d’ici les prochaines décennies.

D’après un article publié par Vice à la suite de ce rapport, il faut 2 000 gallons d’eau, soit plus de 7 500 litres, pour produire « une seule livre de bœuf » et « la production de viande pour la consommation est à elle seule responsable de 20 % de toutes les émissions de gaz à effet de serre ». L’organisme sans but lucratif Équiterre évoque quelques effets négatifs du système alimentaire actuel comme la contamination des écosystèmes, la surexploitation des ressources renouvelables et non renouvelables, l’érosion des sols, la perte de biodiversité agricole et la contamination des cours d’eau.

45588417_2147089785541813_8892799356248260608_n.jpg François Bertrand-Potvin

La chasse, une alternative à l’industrie agroalimentaire ?

La grande majorité des conseils donnés afin de réduire son empreinte environnementale suggère de consommer des produits locaux et biologiques. Certains conseillent aussi de manger moins de viande, mais une alternative ne permettrait-elle pas de continuer à manger de la viande sans polluer autant, à savoir, chasser sa propre nourriture? Philippe Blanchard, technicien de laboratoire, s’est initié à la chasse cette année afin de développer des compétences et une indépendance liées à l’autosuffisance. Il se joint aux quelque 400 000 chasseurs du Québec. Avant d’entreprendre sa formation de chasseur, au printemps 2018, il n’avait jamais eu vent que la production de viande polluait autant. Depuis, il a eu le temps de l’apprendre et il ne croit pas que la chasse peut être une alternative à long terme au système alimentaire actuel. « Le volume de viande que la nature produit est bien moindre que ce que les industries agroalimentaires produisent », explique-t-il (Entrevue, 5 novembre 2018). Subvenir à la demande serait donc beaucoup plus difficile, mais « la chasse me permettra de subvenir aux besoins alimentaires de ma famille, ce qui est déjà ça ».

45470946_1961644840539409_338267690042916864_n.jpg François Bertrand-Potvin

Pourquoi s’initier à la chasse ?

Philippe Blanchard souhaitait acquérir des « habilités ancestrales » avec la chasse. « Si l’on considère que 99,9 % du passé de l’humanité s’est déroulé justement dans la forêt à affronter les défis et les dangers qu’elle regorge, aujourd’hui, on n’y vit presque plus, mais on est quand même conçu et fabriqué pour négocier la nature. Donc retourner dans la nature […] c’est comme retourner chez soi, après être parti longtemps », explique-t-il lorsqu’il songe à ce que la chasse évoque pour lui. Il ajoute que la chasse représente un moyen de coordonner les intentions de notre esprit, de notre cœur et de notre corps avec celles de nos ascendants. « C’est une manière de fusionner, d’honorer nos ancêtres. »

45734218_518334095315124_6179037408575619072_n.jpg François Bertrand-Potvin

Quels sont les impacts de la chasse sur la faune ?

Les activités humaines, dont la chasse, sont en majorité responsables du dérangement de la faune. Elle entraine des perturbations sur les espèces visées par la chasse, mais aussi sur des espèces non ciblées. Si le territoire chassé abrite des espèces menacées, ces dernières sont susceptibles d’être affectées de manière indirecte par la chasse. Les espèces vont voir leurs dépenses énergétiques augmenter, ce qui va entrainer une baisse de leur condition physique et donc du taux de reproduction. Les zones de nidification et de reproduction peuvent également être affectées par la présence humaine et la destruction des habitats est le facteur qui affecte le plus les animaux. « S’il n’y avait pas de quotas pour les espèces prélevées et qu’il y avait trop de prélèvements, peut-être que ça pourrait affecter [la faune] mais actuellement ce qui affecte le plus la faune est la destruction de son habitat », explique la Fondation de la Faune du Québec (Courriel 6 novembre 2018).

Le dérangement occasionné par la chasse est différent d’une espèce à l’autre, mais beaucoup d’animaux ont vu la totalité de leur espèce disparaitre à cause de la chasse. La chasse provoque un changement de comportement chez les animaux et ils sont plus souvent perturbés lors des jours de chasse. Face à la menace, ils ont tendance à se réfugier dans des zones exemptes de chasseurs qui peuvent parfois être plus petites et où les ressources sont moindres et de moins bonne qualité. De manière générale, l’impact de la chasse sur les animaux dépend principalement de deux facteurs : la fréquence et la durée du dérangement occasionné.

45628108_253896608623194_3781368032933183488_n.jpg François Bertrand-Potvin

Outre les impacts sur la faune, la chasse a-t-elle des impacts sur l’environnement en général ?

Un autre problème que peut engendrer la chasse est l’utilisation massive des  munitions toxiques au plomb qui contiennent des amorces qui sont composées de métaux lourds. Environ 14 000 tonnes de plomb sont dispersées dans l’environnement chaque année dans l’Union européenne, révèle l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA). Le plomb présente des risques majeurs pour l’environnement et la santé et l’ECHA préconise le remplacement des munitions de plomb par de l’acier. Si cette mesure était utilisée, cela permettrait de réduire la pollution des milieux et la mortalité de un à deux millions d’oiseaux. Les faisans et les perdrix sont particulièrement touchés, car ils sont amenés à ingérer des quantités importantes de plomb. Les rapaces sont également touchés parce qu’ils se nourrissent d’oiseaux contaminés. Les humains seraient également gagnants, car cela leur permettrait de réduire leurs risques d’être exposés à la poussière de plomb dans les zones de tir et à la probabilité de contracter une maladie infectieuse suite à la consommation de gibier. Le chasseur est également exposé à de nombreux facteurs notamment à la surdité, au saturnisme (infection au plomb) ainsi qu’à d’autres maladies infectieuses.

45546901_165616264392943_2646076514377924608_n.jpg François Bertrand-Potvin

Assiste-t-on à une montée de la popularité de la chasse ?

La tendance est aux viandes qui sont sans hormones et sans stéroïdes et de plus en plus de gens choisissent de consommer leur viande ainsi. La chasse permet d’avoir une viande qui provient d’un animal qui a grandi dans la nature et qui est loin des industries commerciales. Cependant, les chasseurs se font de plus en plus vieux et la relève de plus en plus rare. Selon un sondage réalisé en 2017, 65 % des chasseurs ont 45 ans et plus et le nombre de permis de chasse distribué est en baisse. Selon des données du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec, le nombre de permis de chasse et de pêche diminue sans cesse. Le nombre de permis de chasse a connu une baisse de 2,9 % depuis 2013. L’industrie de la chasse essaye de s’ajuster au vieillissement de sa clientèle en offrant des produits qui sont adaptés aux chasseurs plus âgés, mais elle doit aussi trouver des moyens nouveaux pour cibler une clientèle plus jeune.

Sources :

Philippe Blanchard

Actu Environnement

Conservation nature

Équiterre

Fondation de la faune du Québec

La Presse

Ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs

Radio-Canada

Vice