Qu’est-ce que l’écriture numérique ?

Dans le cadre du 24e Festival international de littérature, du 21 au 30 septembre dernier à Montréal, la Banque et Archives nationales du Québec organisait une table ronde sur l’évolution de l’écriture numérique. De l’ère du cédérom à aujourd’hui, les supports ont changé, offrant une plus grande capacité de stockage et facilitant l’accès aux oeuvres sur les différents médias.

Apparue au milieu des année 1980, l’écriture numérique désigne différents modes d’interactions entre plusieurs médias. «Comment on lie plusieurs médias ensemble, comment on les présente et on organise l’expérience de l’usager» décrit Michel Lefebvre, auteur et co-fondateur du laboratoire montréalais TOPO, spécialisé en écriture numérique (entrevue téléphonique 3 octobre).

Le codage numérique, les algorithmes, la participation du public caractérisent cette discipline qui reste aujourd’hui marginale. Le roman-feuilleton Costume Nationaux du Québécois Daniel Canty est un exemple d’oeuvre littéraire numérique. Publié en 2018, il allie texte, dessin, design graphique et programmation web.
« Le texte lui-même n’est pas variable, mais l’expérience de lecture est variable », explique Michel Lefebvre.

2018-10-04_10.51.08_1[2].jpg Louise Hammouda

Peut-on parler d’auteurs numériques, de lecteurs numériques ?

Michel Lefebvre et l’équipe de TOPO ont lancé leur premier projet, Liquidation, en 1993. Créée à partir d’un inventaire d’objets mis en vente dans un bazar, l’oeuvre a pris diverses formes au fil du temps. Poésie, photoroman, radio roman diffusé par Radio Canada, cédérom ont servi de support aux auteurs et ont permis de toucher plusieurs publics.

« Il y a vraiment des gens qui consomment des livres numériques, qui en ont des collections dans leur tablette et qui les lisent, d’autres qui les écoutent », décrit Michel Lefebvre. Comme en littérature traditionnelle, il existe des oeuvre numériques plus expérimentales proche de l’art, et le public est différent.

Michel Lefebvre et l’équipe de TOPO ont lancé leur premier projet, Liquidation, en 1993. Créée à partir d’un inventaire d’objets mis en vente dans un bazar, l’oeuvre a pris diverses formes au fil du temps. Poésie, photoroman, radio roman diffusé par Radio Canada, cédérom ont servi de support aux auteurs et ont permis de toucher plusieurs publics.

Recherche, création, présentation au public: la démarche des auteurs numériques ressemble à celle des autres auteurs ou artistes. L’apport du web peut permettre aux auteurs de blogues, fictions ou immersions, de se créer un premier réseau de lecteurs en ligne, à qui ils présentent leurs projets. À ce stade, les internautes peuvent donner leur avis, suggérer des idées aux auteurs. Ces derniers ont le choix de modifier leurs projets avant d’en présenter une nouvelle version sur le web ou dans un lieu d’exposition. Le processus de création est abouti quand la personne arrête de l’alimenter par la collaboration des internautes, « Il y a des blogues qui ont existé, grandi et qui ont fermé », raconte Michel Lefebvre.

43051435_2172140099674418_8568571441849565184_n.jpg Louise Hammouda

Comment l’industrie du livre traverse-t-elle cette évolution ?
« L’expérience du livre restera toujours l’expérience du livre, indépendamment de la technologie », pense Michel Lefebvre. À l’ère des livres électroniques ou e-books et des baisses de subventions pour les auteurs québécois, la création de livres coûte cher et est peu lucrative.

Selon M.Lefebvre, internet donne une meilleure visibilité aux auteurs et leur permet d’élargir leur clientèle. L’expérience des lecteurs est différente et beaucoup sont attachés au papiers. «L’expérience de la littérature avec l’ordinateur, ce n’est pas une expérience sensuelle, estime-t-il, je suis interpellé par la littérature numérique. Ce qui m’intéresse avec l’Internet (…) c’est la dynamique relationnelle, le caractère expérimental de l’intégration du visuel. »

IMG_0317.jpg Clara Brodeur-Vecerina

Est-ce que la littérature numérique est un phénomène culturel ?

La culture numérique modifie fondamentalement les pratiques et les moyens de lire. Lorsqu’on fait référence à la « littérature numérique » cela ne permet pas d’étudier les œuvres littéraires produites grâce à l’informatique, mais bien de comprendre le nouveau statut de la littérature à l’ère du numérique. Le numérique vient changer et modifier les concepts telles les notions d’auteur, de lecteur, d’œuvre, de livre et donc de la notion même de la littérature. La littérature numérique ne se limite pas à ce qui est produit par l’informatique, mais prend en compte aussi les impacts qu’a la culture numérique sur les publications papier des maisons d’édition traditionnelles ainsi que sur les nouvelles formes littéraires qui sont apparues ou mises de l’avant par le développement des technologies numériques.

43078644_270027340306648_1037397175086088192_n.jpg Louise Hammouda

Quel est l’impact du Web sur la littérature numérique ?

Avec l’utilisation de plus en plus importante du Web, les auteurs ont trouvé un nouveau lieu où publier et diffuser leurs œuvres ce qui leur permet d’éviter la chaîne d’édition traditionnelle (suite d’opérations par lequel un document rédigé par un auteur est transformé en document publiable et publié). La production et la mise en ligne de textes sur le Web est facilitée par les systèmes de gestion de contenu ou par certains blogues, il est donc de plus en plus facile d’être un auteur publié. Les formes de littérature numérique sont de plus en plus nombreuses et donnent lieu à différentes pratiques comme les blogues d’auteurs ou les fanfictions, qui regroupent des communautés d’utilisateurs qui deviennent à leur tour auteurs. L’Internet devient donc un vaste atelier d’écriture et une plateforme littéraire pour tous.

En plus d’avoir un impact sur la littérature, le Web a un impact sur le corps humain. En effet, les études prouvent qu’une fatigue visuelle peut se faire ressentir après quatre heures d’utilsation d’un écran, que ce soit un écran d’ordinateur ou de téléphone. Cette fatigue visuelle se traduit par un picotements des yeux, un œil sec ou rouge, une vision trouble, des maux de tête etc. Voilà donc une autre conséquence que peut avoir la lecture numérique sur les humains. 

IMG_0321.jpg Clara Brodeur-Vecerina

Quels sont les changements à venir pour la littérature ?

En vingt ans d’écriture numérique, les supports et outils de création ont considérablement changé. Du cédérom des années 1990, les auteurs disposent aujourd’hui d’une multitude de possibilités, et cela se reflète dans la qualité des oeuvres. « Les premières expériences de littérature générative faisaient pas appel à une grande intelligence, mais plutôt à des formules pour générer du texte pseudo-cohérent. Maintenant, on a des moteurs de plus en plus intelligents, qui génèrent du texte qui ont du sens », explique Michel Lefebvre.

Sources:

Stéphane Crozat. Scenari, la chaîne éditoriale libre. Eyrolles. Accès libre. 2007

Alexandra Saemmer, Jean Clément, «Littérature numérique».

Olats.org, Qu’est-ce que la littérature numérique ?

Radio-Canada

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