Jusqu’à quel point les compagnies aériennes ont été affectées par la pandémie ?

Dans l’ensemble, la pandémie de COVID-19 a complètement bouleversé l’économie des compagnies aériennes, provoquant une importante baisse dans leur chiffre d’affaires et une possibilité de faillite pour certaines compagnies. 

Après la mise en place des mesures de restriction de circulation, imposées un peu partout dans le monde, les avions ont dû être cloués au sol et de nombreux voyages ont été annulés. Seulement au mois de septembre, Air Canada et WestJet ont annulé au moins 440 vols. Au mois d’avril, le nombre de vols avait diminué de 79 % par rapport à l’an dernier. 

Rappelons qu’au cours du mois d’avril, le trafic aérien était complètement paralysé, avant de reprendre graduellement tout au long du mois de juin jusqu’au mois d’août. Au mois de septembre, le trafic sera de nouveau ralenti en raison de l’éclosion de la deuxième vague de COVID-19. 

Pour l’ensemble de l’année 2020, l’Association internationale du transport aérien (IATA), dont le siège social est à Montréal, évalue le chiffre d’affaires du secteur à 419 milliards de dollars, en baisse de moitié par rapport à 2019 et la baisse du trafic aérien à 66 %. L’année 2020 pourrait représenter la pire année financière pour ce secteur.

AGENCE FRANCE PRESSE

Pourquoi les compagnies aériennes risquent de perdre encore plus d’argent ?

Les compagnies aériennes sont contraintes de dépenser toujours plus alors qu’elles se situent déjà dans le rouge. Air Canada perd environ de 500 millions de dollars par mois contre 100 millions de dollars par mois pour WestJet. 

Aux États-Unis et en Europe, les compagnies aériennes sont tenues de rembourser leurs clients, en vertu de chartes de voyageurs par exemple. Selon Mehran Ebrahimi, professeur du Département de management et technologie de l’ESG UQAM, les compagnies qui rembourseraient leurs clients vont en même temps accélérer leur propre chute. 

Dans une note publiée en ligne, l’Office des Transports du Canada (OTC) propose que les compagnies aériennes fournissent aux passagers sinistrés des bons ou des crédits pour des vols futurs, qui n’expireront pas dans un délai déraisonnablement court. Cette directive a été adoptée par la plupart des transporteurs aériens canadiens et leur permet d’éviter le remboursement. 

Il faut aussi financer la location et l’entretien des avions de ligne. D’après le journal Actualités UQAM, un Airbus A320 ou un Boeing 737 coûte entre 250 000 et 300 000 dollars par mois en capital. Le fait de les garder immobiles sur le tarmac entraîne d’autres frais supplémentaires à payer directement à l’aéroport. 

La situation est tellement critique pour les compagnies aériennes qu’elles ont été obligées de licencier tout au long de la crise de COVID-19. Selon un sondage réalisé par l’IATA, des dizaines de milliers d’emplois ont déjà été supprimés par les compagnies. Air Canada par exemple a déjà mis à pied 20 000 de ses 38 000 employés et des coupures similaires ont eu lieu dans d’autres compagnies aériennes canadiennes. Rappelons que ‘industrie canadienne de l’aviation et de l’aérospatiale emploie directement plus de 154 000 travailleurs.

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Les compagnies aériennes reçoivent-elles autant d’aides de la part d’Ottawa que les autres secteurs d’activités ?

De manière générale, les compagnies aériennes sont admissibles aux mêmes types d’aides que tous les autres secteurs d’activités. Selon l’IATA, au printemps dernier, la plupart des gouvernements se sont mobilisés à plus de 155 milliards de dollars en tout pour venir en aide au secteur. Dans les autres pays, tels que les États-Unis, la France et l’Allemagne, les différents gouvernements ont proposé des formules variées comme des prêts, des subventions non remboursables sous conditions. Pour le moment au Canada, aucun sous de la part du gouvernement fédéral n’a été envoyé aux compagnies aériennes canadiennes.

Mais les besoins des différents secteurs d’activités sont plus ou moins importants en fonction du degré de fragilité dans lesquels ils se trouvent, à cause de la pandémie. « Une compagnie aérienne et une compagnie d’alimentation ce n’est pas du tout la même chose. Dans un cas, la compagnie aérienne ne peut pas fonctionner parce qu’il n’y a pas de clients et parce que les frontières sont fermées. Donc ils ont été obligés de mettre à pied l’ensemble de leur personnel, même avec une contribution financière intéressante. Tandis que les compagnies d’alimentations et de biens et services continuent leurs opérations », précise Michel Archambault, professeur au département d’études urbaines et touristiques de l’UQAM et expert en tourisme (entrevue téléphonique, lundi 23 novembre 2020)

JEAN LUC FLEMAL / AGENCE FRANCE PRESSE

Les compagnies aériennes sont-elles boudées par le gouvernement fédéral ?

Selon Archambault, le gouvernement fédéral a été hésitant sur la question parce qu’il sait que les compagnies aériennes canadiennes ont une encaisse, leur permettant de survivre plusieurs mois à la non-opération de leurs activités : « Ces flux leur permettent de faire face à tous types de crises. On parle de milliards pour Air Canada et plusieurs centaines de millions pour Air Transat », ajoute le spécialiste (entrevue téléphonique, lundi 23 novembre 2020). 

La deuxième vague de l’épidémie vient épuiser la trésorerie des compagnies, les contraignant à réclamer d’autres aides. Déjà au mois d’octobre, plusieurs représentants de l’industrie aéronautique dénonçaient dans une lettre ouverte à Justin Trudeau, l’inaction du gouvernement libéral pour soutenir l’industrie : « Plusieurs pays ont investi des dizaines de milliards de dollars pour maintenir à flot les entreprises et les emplois de ces secteurs hautement stratégiques », déclaraient-ils. 

Suite à de la représentation et de l’aide des lobbys, les compagnies aériennes s’attendent à court terme, à ce que le gouvernement fédéral leur donne accès aux mêmes types de programmes que l’on retrouve aux États-Unis, en France ou en Allemagne. Par exemple, dans la semaine, des compagnies aériennes comme American Airlines, Delta, United et Southwest ont conclu avec le gouvernement fédéral une entente sur un plan de sauvetage de 25 milliards de dollars afin d’éviter la faillite et les licenciements.

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À quand un retour à la normale pour le secteur aéronautique ?

Les spécialistes diffèrent sur cette question : l’IATA considère que le trafic aérien mondial ne retrouvera pas son niveau de 2019 avant 2024, une estimation basée sur l’arrivée d’un vaccin à l’été 2021. L’association appelle à la généralisation de tests de dépistage pratiqués au départ des passagers pour éviter des mesures de quarantaines pour le voyage à l’arrivée. 

Archambault estime qu’il faudrait compter un an minimum, à la même période qu’aujourd’hui donc en novembre 2021. « Peut-être qu’il y aura une reprise et cette reprise va être graduelle. Tout est question d’ouverture des frontières, de gestion de la pandémie, de l’efficacité des vaccins pour contrer les effets de la maladie. Plusieurs compagnies aériennes veulent développer des tests rapides » (entrevue téléphonique, lundi 23 novembre 2020). 

Malgré cette reprise, il y aura probablement moins de voyages d’affaires que de voyages d’agrément, car les moyens techniques et technologiques pour communiquer ensemble à distance seront encore utilisés par les professionnels. La masse bénéficiaire des compagnies aériennes est très intéressante pour les gens qui voyagent en classe affaires.

Le tourisme au Canada a-t-il été affecté par la situation ?

Le transport aérien est un acteur économique de poids et même vital pour des secteurs comme le tourisme qui est confronté à des défis sans précédent en raison de la pandémie. L’industrie touristique emploie plus de 700 000 personnes au Canada et rapporte environ 35 milliards de dollars par an à l’économie canadienne.

Selon Statistique Canada, les dépenses touristiques au Canada ont baissé de plus de 66% au deuxième trimestre 2020. Le secteur touristique, qui représente 2 % du PIB au pays, a été durement touché depuis le début de la pandémie. Au début de l’été, l’organisme Destination Canada anticipait 27 à 48 milliards de dollars de pertes pour l’ensemble du milieu. Entre le mois de février et le mois d’avril, le nombre d’étrangers qui entrent au Canada a diminué de 92%.

Les spécialistes s’entendent pour dire qu’un retour à la normale dans le secteur touristique ne sera pas avant trois ou cinq ans. 

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