Quel est le plus gros défi pour les enseignants au secondaire dans une situation de pandémie?

«Le plus difficile, c’est qu’on va souvent apprendre les nouvelles en même temps que la population», déplore Sarah-Jane Savard, une enseignante en éthique et culture religieuse (ECR) à l’école secondaire de l’Agora située à Longueuil (entrevue téléphonique effectuée le 11 novembre). Âgée de 24 ans, elle commence sa première année dans le métier. Celle-ci doit jongler avec les nouvelles mesures qui s’ajoutent au fil du temps et l’incertitude qui s’engendre: «Les parents posent des questions et nous n’avons pas de réponses. C’est facile de passer pour des incompétents.»

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Qu’est-ce qui change pour le personnel quand la région d’une école secondaire passe en zone rouge?

À l’heure actuelle, plus de 1000 classes sont fermées au Québec. Depuis que le territoire de l’Agora est en zone rouge, la principale perturbation concerne le personnel enseignant au 4eme et 5eme secondaire, puisqu’ils doivent effectuer leurs cours à distance une journée sur deux. C’est le cas de Sarah-Jane Savard, qui accepte la situation, mais qui peine parfois à préserver le lien avec ses élèves: «Je n’ai aucun problème à donner des cours en ligne, mais c’est sûr que j’aimerais mieux être à l’école avec mes élèves. En ECR, je les vois une fois par semaine et avec les cours en ligne, par exemple, avec mes secondaires 4, il y en a que j’ai vu en vrai seulement 4 fois.»

D’autre part, les jeunes doivent dorénavant porter leur couvre-visage en tout temps, qu’ils soient dans leur salle de classe ou à l’extérieur. Bien que cette mesure n’affecte pas l’apprentissage des élèves, elle provoque une augmentation des mesures disciplinaires. «Les jeunes ont tendance à mettre leur masque sous leur nez ou de ne pas le mettre, alors il faut souvent leur rappeler», explique cette dernière.

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Quelle est la situation des enseignants qui débutent leur profession dans un contexte de pandémie?

«J’avais peur que la pandémie nous distancie des élèves. Que les masques, les plexiglas et les visières créent une barrière entre eux et nous», confie Antoine Cecchini-Vigneault, qui commence aussi sa première année à l’Agora en tant qu’enseignant de français (entrevue téléphonique effectuée le 12 novembre). Quand il a constaté qu’il allait débuter sa carrière en pleine pandémie, sa principale crainte était de perdre le contact potentiel avec ses élèves. «Le contact avec les jeunes au secondaire est déjà difficile parce qu’ils sont dans un moment de leur vie où leur bulle et leurs amis sont très importants. Nous, on doit essayer de percer davantage cette bulle tout en gagnant leur respect», précise l’enseignant de 30 ans.

De plus, la COVID-19 a engendré un virage imprévu vers des cours à distance qui nécessite une bonne maîtrise de la technologie. «À travers nos quatre ans de formation, je n’ai eu qu’un seul cours sur les technologies de l’information et de la communication. Maintenant, il y en a qui doivent enseigner une journée sur deux à distance et il faut qu’ils pallient l’apprentissage de toutes les différentes plateformes pour ça», explique-t-il.

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Quels sont les obstacles engendrés par l’enseignement à distance?

C’est à partir du logiciel Teams que le personnel présente leur cours à distance et Antoine Cecchini-Vigneault constate qu’il s’agit d’une technologie bien maîtrisée par ses élèves, voire trop bien maîtrisée : «Ils sont souvent bien meilleurs que nous avec la technologie, ils sont bons pour faire comme s’ils étaient présents quand ils ne le sont pas. C’est à nous d’être plus allumés qu’eux et on travaille fort pour ça.»

Tout comme son collègue, Sarah-Jane Savard est confrontée aux élèves qui se servent de l’enseignement à distance pour déjouer l’autorité : «Des fois, ils vont ouvrir Teams pour faire comme s’ils étaient là sans leur caméra ou leur micro ouvert. C’est difficile de le savoir et j’ai souvent l’impression de parler seule.»

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Dans quelles mesures les enseignants au secondaire doivent-ils s’adapter avec la COVID-19?

Depuis que la COVID-19 s’est immiscée dans les bancs d’école, le corps professoral se retrouve en effet avec une charge de travail supplémentaire. Par exemple, leur planification a dû être revisitée depuis qu’une partie de leur cours doit être donnée à distance. «Le problème qui est souvent énoncé par les enseignants, c’est qu’on doit faire du temps supplémentaire pour s’adapter aux nouvelles mesures et nous ne sommes pas rémunérés pour ça», révèle Sarah-Jane Savard. 

D’un autre côté, Antoine Cecchini-Vigneault constate que la situation actuelle limite le personnel dans un niveau pratique. Puisque tout doit être désinfecté entre la présence de chaque groupe, le personnel a moins d’accès aux différents emplacements de leur établissement. Par exemple, ce dernier ne peut pas accéder à la bibliothèque avec sa classe comme il le souhaiterait. «Nous devons toujours rester au même local, c’est donc beaucoup plus difficile d’utiliser la place publique pour permettre à nos jeunes de travailler en équipe», confie-t-il.

Crédit photo: Nina-Rose Cassivi

Comment la COVID-19 influence l’apprentissage des élèves?

«Je sais que beaucoup sont démotivés», déplore Sarah-Jane Savard. Considérant que six mois se sont écoulés avant que les élèves au secondaire aient pu remettre les pieds dans leur école, le personnel comprend ce désintérêt. Or, du rattrapage doit être fait et l’équilibre est difficile à trouver entre l’éducation et la persévérance des jeunes. «Il y a un débat car on doit rattraper le temps perdu, mais on ne veut pas les surcharger ni les démotiver», se questionne-t-elle. De plus, cette dernière s’inquiète face aux évaluations ministérielles qui approchent : «On ne sait toujours pas si elles vont être adaptées au fait qu’ils ont manqué quelques mois d’école.»

Toutefois, il peut arriver que les complexités engendrées par la pandémie mènent à des moments spontanés qui unissent les élèves à leur enseignant. «Un élève une fois voulait me voir le midi pour faire de la planche à roulette, mais ce n’était pas possible de la partager, alors à la place on a fait du parkour. Finalement, presque toute la classe s’est jointe. On était une quinzaine dehors à jouer et à sauter d’une roche à l’autre et ça a vraiment fait du bien», se remémore l’enseignant de français. 

Sources:

https://www.quebec.ca/education/rentree-education-automne-2020-covid-19/#c68002

http://www.education.gouv.qc.ca/salle-de-presse/communiques-de-presse/detail/article/pandemie-de-covid-19-renforcement-des-mesures-sanitaires-en-zone-rouge-pour-les-reseaux-de-leduca/#:~:text=D%C3%A8s%20jeudi%2C%20le%20port%20du,l’int%C3%A9rieur%20de%20la%20classe.&text=Les%20%C3%A9l%C3%A8ves%20devront%20aussi%20porter,%2Dvisage%2C%20le%20cas%20%C3%A9ch%C3%A9ant.

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