La Covid-19 a-t-elle affecté notre mode de vie alimentaire? 

Être confiné en début de pandémie amène son lot de changements. Que ce soit par rapport à notre habitude alimentaire ou à notre humeur, il devient pour certains plus difficile de s’adapter radicalement à un nouveau mode de vie. On doit instaurer de nouvelles mesures sanitaires tant pour les consommateurs que pour les banques alimentaires. Parmi les quelques huit mille restaurants de Montréal, certains ont dû fermer leurs portes et travailler à offrir des services de livraison pour arriver à payer leurs dépenses mensuelles. Certaines personnes se sont tournées vers les applications de livraison à domicile afin de ne pas cuisiner et se sauver de la vaisselle.

Pour les petites entreprises de banque alimentaire comme la fruiterie Au melon miel, située dans le quartier de Rosemont, ce début de pandémie à changé du tout au tout l’habitude des gens à faire leurs emplettes. Selon la gérante de la fruiterie, Tessa Hovingston, les clients avaient  généralement tendance à faire de plus petits achats et à revenir plusieurs fois en une semaine, avant la pandémie. «En mars, les gens se bousculaient et faisaient la file pour faire une seule et unique grosse épicerie pour la semaine», dit-elle.

KAROLANE DUCHARME

Est-ce que les gens sont devenus plus soucieux de leur alimentation ?

Avec la pandémie, les gens ont développé une tendance pour confectionner eux-mêmes leur repas. Certains se sont initiés au jardinage et même à la fabrication de pain maison. «Il va sans dire que mes clients se sont vus plus conscients de ce qu’ils mangeaient puisqu’ils étaient confrontés aux valeurs de base de leur vie, sans stress externe relié à leur train de vie d’avant», explique Joelle Landry, naturothérapeute.

Antoine Parle, étudiant de 21 ans en cinéma à l’Université du Québec à Montréal a complètement modifié son rapport à la nourriture pendant la pandémie. «Il y a peut-être un ou deux mois, j’ai commencé à mieux manger. Maintenant pour dîner, je me prépare des smoothies protéinés avec des fruits, des œufs et des noix. Pour souper, je mange des repas plus complets.» La pandémie lui a offert un nouvel horizon alimentaire. Il avoue avoir diminué son utilisation d’applications de livraison à domicile telles qu’Uber eats et opte plutôt pour une préparation faite par lui-même. (entrevue téléphonique, 9 novembre 2020).

Le temps est un facteur fondamental dans la modification d’un train de vie. Landry explique que les gens ne prennent plus l’habitude de préparer leur repas et que le confinement les a «forcés» à renouer avec cette méthode puisque de toute façon, ils n’avaient pas grand-chose à faire de plus. Certains se sont vus garder cette habitude jusqu’à maintenant, d’autres ont abandonné et se sont tournés vers les services de livraison tels qu’Uber eats ou SKIP.

KAROLANE DUCHARME

Pourquoi sommes-nous susceptibles de manger plus lorsque nous sommes confinés ?

L’isolement a eu un effet dévastateur sur la santé mentale chez certaines personnes. Plusieurs d’entre eux ont dû faire face au stress relié à la peur de contracter la COVID-19, de perdre leur travail et même de perdre leur revenu ou un proche. Joëlle Landry, naturothérapeute, affirme que plusieurs de ses clients se sont vus «manger leurs émotions» suite à l’annonce du confinement. «J’ai eu des clients qui habitaient seuls dans leur appartement qui m’ont avoué avoir perdu le contrôle face à leur alimentation en tant de pandémie. Les gens anxieux vont trouver du réconfort auprès de la nourriture puisque leur porte d’armoire se trouve à proximité.» En fait, elle mentionne que manger ses émotions est une méthode instinctive et accessible pour se faire du bien rapidement.

C’est le cas pour Alice Forget, une étudiante de 22ans en science politique de la ville de Lyon, en France. Elle explique qu’elle a passé son temps à grignoter toute la journée que ce soit pour des chips, des bonbons et des biscuits. «Des fois je me levais pour aller fouiller dans mon placard alors que je n’avais même pas faim. À cause de ça je ne mangeais plus de repas réguliers et je mangeais à des heures improbables.» (entrevue téléphonique, 9 novembre 2020). Landry explique que dans ce genre de situation extrême, les habitudes alimentaires des gens se sont complètement transformées. En fait, c’est le cycle alimentaire qui est déréglé.

KAROLANE DUCHARME

La COVID a-t-elle entraîné des comportements nutritionnels défavorables à notre santé ? 

Selon un article scientifique publié sur le site de l’Université de Laval, les risques d’accès d’hyperphagie et de restriction alimentaire ont augmenté depuis ces huit derniers mois. Certaines personnes ont développé un trouble alimentaire caractérisé par une surconsommation d’aliments, que l’on appelle aussi hyperphagie boulimique. Il ne s’agit pas d’un besoin métabolique ou énergétique, mais d’un trouble issu d’une atteinte psychologique et/ou psychique.

Ce trouble alimentaire connaît un pic plus aigu auprès des gens de 22 et 23 ans, selon une étude menée auprès de quatre universités de France, ou 72 781 étudiants étaient invités à répondre à un questionnaire en ligne. Ce questionnaire distribué sur une période de deux jours, soit du 26 au 27 mars, a été envoyé 10 jours après l’annonce du confinement en France.

De plus, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la faible consommation de fruits et légumes figure parmi les dix principaux facteurs de risque de la mortalité mondiale. Jusqu’à 1,7 million de vies pourraient être épargnées chaque année moyennant une consommation suffisante de fruits et légumes. En temps de pandémie, les gens sont plus susceptibles de se nourrir d’aliments frais, ce qui pourrait dévier cette tendance.

KAROLANE DUCHARME

Comment les chaînes de supermarchés ont été affectées par la pandémie ? 

Lors des premiers mois de confinement, différents magasins ont été pris d’assauts par des gens apeurés et soucieux de ne rien manquer. La saga du papier de toilette en est un bel exemple. Les étagères se sont rapidement vidées et une pénurie s’est fait ressentir. La gérante de la fruiterie Au melon miel a vu certaines de ses étagères se vider en un temps record. Les articles les plus convoités étaient des boites de conserves de tomate, de la farine et des sacs de levure pour la fabrication de pains maison. Tessa Hovingston confirme une hausse de 10% de ses ventes en mars 2020 par rapport à mars 2019. En plus d’achats ciblés, les magasins n’arrivaient pas à se réapprovisionner assez rapidement pour faire face à la demande de leur clientèle. À la fruiterie, le retour à la normale se ressent depuis le mois de juillet et comme toutes les années, le mois de novembre est un temps mort. Même la pandémie n’a pu affecter ce rapport.

Selon Statistique Canada, les ventes totales en ligne avaient atteint 3,9 milliards de dollars en mai, soit une augmentation de 110% par rapport à mai 2019. Parmi les boutiques présentes dans ces commerces en ligne, les boutiques les plus actives sont Amazon, les boutiques locales, et tout autre magasin offrant un service de livraison à domicile . Ce bouleversement du commerce de détail en ligne est un signe du phénomène culturel et économique direct de la pandémie puisque les gens travaillent désormais à domicile, font leurs achats par internet et revisitent la façon dont ils dépensent leur argent.

KAROLANE DUCHARME

Comment changer nos habitudes de consommation ?

Joëlle Landry propose à ses clients de dresser une liste de vingt activités qui les nourrissent, sans passer par l’alimentation. « Ça peut être le fait d’écouter des balados, de pratiquer une activité physique, de prendre l’air, être en nature, écouter de la musique ou même visionner des capsules sur les réseaux sociaux. L’important pour moi, c’est qu’il soit capable de combler l’anxiété éprouvée par la pandémie ». Par ailleurs, elle conseille de structurer sa journée pour garder des repères alimentaires, ce qui rend le sommeil suffisant, et de manger à des heures régulières pour diminuer les envies de grignoter.

L’Organisation mondiale de la santé rappelle l’importance d’avoir une alimentation variée avec moins de sel, surtout en contexte de pandémie. Afin de prévenir certaines maladies reliées à la nutrition, il est important d’analyser ce que l’on digère et ce que l’on boit puisque ces aliments ont un impact direct sur notre organisme. Il s’agit surtout de favoriser le bon fonctionnement du système immunitaire pour tenter de combattre la COVID-19.

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