Quelles sont les principales tâches d’un psychologue en milieu scolaire ? 

Avec le projet de loi 40 proposé par la Coalition Avenir Québec concernant l’abolition des commissions scolaires québécoises, le gouvernement Legault estime qu’une économie de 45 millions de dollars permettrait de réinvestir directement dans les services aux élèves, dont l’ajout de psychologues.

Les psychologues en milieu scolaire ont plusieurs tâches qui diffèrent légèrement du psychologue en clinique privée. Ils élaborent et mettent en place, entre autres, des plans d’interventions auprès des élèves en difficulté psychologique. L’Ordre des psychologues du Québec (OPQ) stipule qu’un psychologue scolaire « s’engage dans des activités qui favorisent, restaurent, maintiennent ou développent le fonctionnement positif et le bien-être de l’élève ». Ces spécialistes soutiennent les jeunes dans leur cheminement scolaire et leur « permettent de s’épanouir sur les plans personnel et social ».

En plus d’être présents pour les élèves de l’établissement scolaire, les psychologues sont aussi perçus comme des conseillers qui appuient tant le corps professoral de l’école que tous les autres membres du personnel. 

Selon Marc Bigras, professeur au Département de psychologie de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) (entrevue téléphonique, 27 septembre 2019), les psychologues en milieu scolaire établissent une dynamique dans l’école et sont aptes à aller chercher les ressources nécessaires pour les élèves. En date du 31 mars 2018, sur un total de 8734 psychologues au Québec, 683 d’entre eux travaillaient au sein d’une école préscolaire et primaire tandis que 275 étaient au secondaire, selon les données du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur (MEES).

Capture d’écran 2019-10-02 à 23.51.12.png Jean-Michel Clermont-Goulet

Quel est l’état des lieux ? 

D’après l’OPQ, « la profession n’est pas en pénurie », bien qu’une baisse de 8 % de l’effectif de psychologues en milieu scolaire aurait eu lieu entre 2005 et 2015, selon les chiffres du MEES. (échange de courriels, 1er octobre 2019)

La situation est cependant problématique. « Les psychologues scolaires sur le terrain rapportent que leurs conditions de travail sont difficiles, qu’ils doivent souvent couvrir plusieurs écoles à la fois et qu’ils sont trop souvent réduits à un seul rôle d’évaluation», indique Véronique Duret, conseillère aux communications de l’Ordre. 

Sur le site de la Commission scolaire Marie-Victorin (CSMV)*, qui dessert 33 086 élàves à travers les agglomérations de la ville de Longueuil, sur la Rive-Sud de Montréal, cinq postes de psychologues sont présentement ouverts, dont deux à l’école secondaire Mgr-A.-M.-Parent. La CSMV confirme qu’elle déploie « tous les efforts requis » pour trouver « les meilleurs candidats possible dans les meilleurs délais ». (échange de courriels, 3 octobre 2019)

Le bureau d’enquête de Pourquoi.Média a d’ailleurs constaté que, dans l’arrondissement du Vieux-Longueuil seulement, plusieurs écoles primaires et secondaires étaient en manque de psychologues, alors que la plupart d’entre elles n’ont qu’un psychologue à temps partiel. Ces derniers voyagent d’école en école au cours de la semaine. Même situation dans d’autres secteurs, comme à Brossard où travaille Josée Latendresse, enseignante à l’école Charles-Bruneau. (entrevue téléphonique, 2 octobre 2019)

Ses 28 années d’expérience lui ont permis de constater que l’aide psychologique offerte aux élèves aurait diminué dans les dernières années. « Au début de ma carrière, quand on pensait que l’enfant avait besoin d’un coup de pouce, le psychologue pouvait aider, raconte-t-elle. Je sentais que l’enfant avait plus d’aide, comparé à maintenant. »

Capture d’écran 2019-10-03 à 09.58.32.png Jean-Michel Clermont-Goulet

Pourquoi les psychologues sont-ils moins attirés par le milieu scolaire ? 

Pour Marc Bigras, la réponse est simple ; c’est une question de salaire et de reconnaissance des compétences. « C’est aussi bête que les échelles salariales ne sont pas ajustées pour rémunérer des gens qui sont formés et qui ont passé autant d’années de leur vie sur les bancs d’école pour être de très bons professionnels. Il n’y a pas de reconnaissance au plan salarial et je dirais pire que ça, il n’y a pas de reconnaissance des compétences des psychologues. »

Bien qu’ils possèdent une formation rigoureuse, les psychologues sont restreints au rôle d’évaluation de l’élève. Comme l’explique le professeur en psychologie Marc Bigras, cette étape peut durer près de quatre heures. « Imaginez devant les besoins qu’il y a dans les milieux scolaires ! », dit-il.

« Je crois qu’il y a une méconnaissance quant au rôle du psychologue en milieu scolaire et plus largement encore, au sein de la population en général », confie Olivier Veillette, étudiant au doctorat en psychologie à l’UQAM et psychologue à la Commission scolaire de la Pointe-de-l’Île, à Montréal. (échange de courriels, 3 octobre 2019)

D’autant plus que depuis 2006, il est nécessaire de détenir un doctorat pour faire partie de l’Ordre des psychologues du Québec, titre qui est, en théorie, obligatoire pour être engagé en tant que psychologue scolaire.

image.jpg Annik MH De Carufel | Le Devoir

Quels sont les impacts sur les jeunes ? 

« Si les élèves n’ont pas d’aide et pas d’évaluation, on ne peut rien faire pour les aider », raconte Adélaïde Fourn-Fautré, enseignante au préscolaire à l’école Laurentides à Montréal (échange de courriels | 29 septembre 2019). Elle mentionne que lorsque la psychologue de son établissement a dû quitter en plein milieu de l’année scolaire, un de ses élèves dans le besoin « a multiplié les échecs en classe ». 

De son côté, Cynthia Loiselle, enseignante à l’école Saint-Joseph de la CSMV, précise que « les parents peuvent faire des évaluations [au privé], mais ça coûte de l’argent, beaucoup d’argent » (entrevue téléphonique | 28 septembre 2019).

Au privé, les prix d’une consultation ne sont pas réglementés. Le tarif pour une séance de 50 minutes de psychothérapie varie généralement entre 80 $ et 130 $, selon l’OPQ. Chaque professionnel détermine lui-même son honoraire en fonction de ses expériences et de la région où il pratique. Au public, comme dans les centres locaux de services communautaires (CLSC), les consultations sont gratuites, « mais les listes d’attente sont souvent longues », selon Olivier Veillette.

La plupart des cas qui sont traités dans les écoles sont ceux qui sont prioritaires, c’est-à-dire les élèves qui présentent de grandes difficultés. D’autres jeunes plus doués, mais qui peuvent aussi développer des troubles psychologiques, passent sous le radar, faute de temps, remarque Josée Latendresse.

Capture d’écran 2019-10-02 à 23.50.56.png Jean-Michel Clermont-Goulet

Et quels sont les Impact sur les autres professionnels de l’établissement scolaire ? 

Lorsqu’il y a un manque de psychologues dans un établissement scolaire, très souvent, les autres professionnels de l’école sont également touchés, dont les psychoéducateurs. Or, seul le psychologue peut émettre un diagnostic, comme un trouble déficitaire de l’attention (TDA). 

Le psychoéducateur, lui, est un spécialiste privilégiant le travail de terrain et est présent dans le quotidien des personnes qu’il accompagne. Dans le cadre de son travail, il évalue différentes problématiques et propose des solutions propres aux besoins de chacun des individus à qui il vient en aide, peut-on lire sur le site web de l’Ordre des psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec (OPPQ).

« On [les enseignants] est un peu dans le néant, à savoir comment intervenir auprès d’un élève si on ne connaît pas la nature de sa problématique », avoue Cynthia Loiselle

Même son de cloche pour Josée Latendresse, enseignante, qui se désole du fait qu’elle peut à peine attraper au passage le psychologue scolaire pour avoir quelques conseils au sujet des élèves. « On a de la misère à se rencontrer parce qu’ils sont tellement occupés », explique-t-elle. (entrevue téléphonique, le 2 octobre 2019) « Il ne faut pas les manquer parce que sinon, on attend une semaine avant d’avoir des nouvelles », précise-t-elle. L’enseignante ne montre pourtant pas du doigt les psychologues qui jonglent de leur mieux avec la très grande demande.

Capture d’écran 2019-10-02 à 23.50.03.png Jean-Michel Clermont-Goulet

Y a-t-il une ou des solutions à ce problème de pénurie ?

Bien qu’en théorie un doctorat soit nécessaire pour recevoir le titre officiel de psychologue en milieu scolaire, certaines écoles primaires et secondaires, qui sont désespérément à la recherche d’un spécialiste, choisissent parfois d’engager des étudiants qui n’ont pas encore terminé leurs études doctorales. 

« La demande est tellement forte qu’elles [les commissions scolaires] acceptent les étudiants qui ont réussi un certain nombre de crédits au doctorat », explique le professeur Marc Bigras. Il affirme aussi que l’aspect financier d’un emploi stable est enviant, mais le désir de pratiquer et d’avoir un impact significatif chez les jeunes le sont « encore plus ». 

Il avoue cependant que cette situation a un « effet pervers », puisque les élèves ne reviennent parfois pas aux études. « Quand ils sont engagés, ils sont bouffés par les demandes ! Comment refuse-t-on à notre école de porter attention à un enfant qui vit des problèmes importants à l’école ? »

* La CSMV n’a pas voulu accorder d’entrevue à Pourquoi.Média.

https://www.aide.ulaval.ca/wp-content/uploads/2015/09/document-exploratoire-les-professions-de-la-relation-d-aide-comment-les-differencier.pdf
http://www.education.gouv.qc.ca/accueil/
https://www.ordrepsy.qc.ca
https://www.ordrepsed.qc.ca/

https://www.ordrepsy.qc.ca/documents/26707/63191/pratique-milieu-scolaire/5285b830-19be-40f3-8846-c97a87e8e1db (2007)

https://www.ledevoir.com/societe/education/426875/quebec-augmente-la-tache-des-enseignants